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L’enquête

Habillement succursaliste : Une branche légèrement couverte

L’enquête | publié le : 24.11.2015 | E. F.

La branche des succursalistes de l’habillement est essentiellement composée de grandes entreprises qui préfèrent décider elles-mêmes de leur politique sociale. Son activité se réduit à fixer des minima et à mutualiser des moyens.

Un socle de garanties a minima, une grande liberté pour les entreprises, des velléités de rapprochement avec d’autres branches. La branche des succursalistes de l’habillement (précisément : maisons à succursales de vente au détail d’habillement) préfigure assez bien ce que pourrait être le rôle des branches dans la future architecture du Code du travail.

Elle regroupe très majoritairement des grandes entreprises (Etam, Celio, Eram…), représentées par la Fédération des enseignes de l’habillement (FEH), dont la commission sociale est présidée par Jean-Paul Charlez, par ailleurs DRH d’Etam et président de l’ANDRH. Les 120 000 salariés qui y travaillent sont, eux, représentés par des syndicats rattachés aux cinq confédérations : la CFDT (31,44 % au comptage de 2013) ; la CGT (24,18 %) ; FO (19,04 %) ; la CFTC (18,88 %) et la CFE-CGC (6,46 %).

C’est une branche “légère”, à la satisfaction des entreprises et au grand dam de FO et de la CFDT, qui voudraient au contraire que la branche tire les droits vers le haut. « Le principe est que la branche fixe un minimum et que les entreprises négocient quelques avancées, regrette Maley Upravan, négociatrice pour FO. Le seul accord de branche digne de ce nom ces dernières années est celui sur la formation de 2010. » Le dernier accord salarial – datant de 2012 – fixait les minima salariaux 2 euros au-dessus du smic ; depuis, faute de renégociation, ils sont passés en dessous. Et l’accord sur le dialogue social de 2010 donnait quelques moyens aux négociateurs de branche mais renvoyait aux entreprises le soin de négocier sur leur propre droit syndical.

Voiture-balai des PME

Cette contribution minimale de la branche est revendiquée par Jean-Paul Charlez : « Les entreprises n’accepteraient pas de se faire dicter leur politique sociale. Le premier lieu de négociation doit être l’entreprise. » Pour lui, la branche est la “voiture-balai” pour les PME. Elle remplit son rôle quand elle négocie une complémentaire santé, comme c’est le cas actuellement. « Nous avons défini un socle de garanties qui intéressent notre salarié type : une femme jeune et parfois parent isolé, explique Jean-Paul Charlez. Le rôle de la branche est de négocier la meilleure prestation avec les mutuelles et de la proposer aux entreprises, qui peuvent y adhérer ou non, si elles ont trouvé mieux de leur côté. »

Plus de bas que de hauts

Sans surprise, les accords de la branche des succursalistes de l’habillement n’ont pas de portée impérative. Précaution inutile, puisque ces textes sont déjà calés sur les minima légaux.

Dans ce contexte, il n’est pas surprenant que la négociation de cette branche ait connu plus de bas que de hauts depuis la création de la convention collective, en 1972. Treize ans sans aucun accord entre 1972 et 1985, idem entre 1986 et 1994, et de nouveau entre 2001 et 2009 : trente ans cumulés sans aucun accord ! Huit ont été signés entre 2009 et 2014 ; rien depuis. « La position de la CFDT s’est récemment durcie, or c’est grâce à elle que nous pouvions atteindre la majorité de signature ? », explique Jean-Paul Charlez. « Comment voulez-vous que nous signions lorsque toutes nos revendications sont rejetées en bloc ? », réplique Brigitte Gohier, secrétaire fédérale commerce Hacuitex (habillement, cuirs, textiles) de la CFDT. Mais la difficulté historique de la branche à négocier a des causes plus profondes. Maley Upravan estime qu’il faudrait déjà que la FEH fasse un effort sur les salaires. Elle a peu de chances d’être entendue. « Les entreprises n’ont pas de problèmes de recrutement, même si le turnover est important », justifie Jean-Paul Charlez.

La syndicaliste voudrait également que la branche assume son rôle et ne renvoie pas systématiquement à l’entreprise, « dans la logique du rapport Combrexelle ». Mais, là encore, la déléguée prêche dans le désert car la branche est essentiellement composée de grands groupes, « qui n’ont pas besoin d’elle », de l’aveu de la négociatrice. « Chez les détaillants, où il y a davantage de petites entreprises, la négociation de branche fonctionne mieux », remarque-t-elle.

Avant 2010, la convention collective des succursalistes de l’habillement était devenue à ce point inactive qu’elle a failli être rattachée à une autre branche. « Mais nous n’en sommes plus là », se réjouit Jean-Paul Charlez, dont la prise de mandat, en 2010, coïncide effectivement avec une réactivation de la négociation. Il espère même que les succursalistes de l’habillement seront bientôt rejoints par la “parfumerie sélective” (Sephora, Marionnaud, Galeries Lafayette…). « À partir du moment où le nombre de branches va être réduit, il faut se rapprocher », explique-t-il.

Auteur

  • E. F.