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Les clés

Fonctionner en mode start-up ou l’art de devenir open-manager

Les clés | publié le : 10.11.2015 | Marie-Madeleine Sève

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Fonctionner en mode start-up ou l’art de devenir open-manager

Crédit photo Marie-Madeleine Sève

Gestion d’équipe. Agilité, partage, autonomie, transparence, équité… Le manager peut importer des jeunes pousses leur méthode d’organisation. En se libérant de l’obsession du résultat au profit de la culture du “test and learn”, il gagnera en performance collective.

« Qui veut animer ? » Cette question, Audrey Le Carour la pose à chaque début de réunion le lundi. S’il y a des volontaires, elle cède la place. Parfois, elle n’est pas là, laissant ses 11 collaborateurs discuter et décider sans elle. Directrice de la communication de CGI France (SSII, 10 000 salariés), cette manager assume son style atypique : « Je ne donne pas d’ordre du jour, car la réunion sert à parler d’un sujet qui préoccupe tous les participants. Le thème émerge tout seul et on échange selon la règle des 3 “i” : information pour apporter des idées, des pistes ; interaction pour apporter du débat, du challenge ; innovation pour s’autoriser à dire, “tiens, on teste ça”. » Audrey Le Carour insuffle un esprit start-up dans son département. Il est vrai que son activité exige de débrider les imaginations. Partout cependant, c’est l’ère de l’“open” : open mind, open space, open source, open data. Une tendance qui incite au partage et au décloisonnement. Dès lors, pourquoi ne pas s’inspirer de ces créateurs d’entreprise qui le vivent au quotidien ? « L’esprit start-up a trois piliers : la conviction qu’il est possible de faire bouger les choses, la vitesse d’exécution et la débrouille, explique Adrien Tsagliotis, expert en stratégie digitale(1). Pour un manager, cela signifie déléguer, responsabiliser, être transparent et se mettre dans la peau des clients ou des utilisateurs. »

Se centrer sur le produit

Face à un environnement complexe et incertain, tout responsable d’entité a intérêt à réagir au quart de tour pour ajuster une orientation, une méthode, voire changer de pied, “pivoter”. « Il s’agit d’oublier la culture du résultat – le combien – et des processus – le comment –, qui prévaut dans les structures classiques, pour se centrer sur le produit – le quoi – en donnant leur chance à toutes les idées », explicite Jean-Marc Santi, codirecteur du cabinet conseil Santi & Associés. Une start-up, c’est une ruche dans laquelle les gens s’investissent sur un objectif très large, voire flou, fixé en fonction de la vision commune d’un projet, avec essais et remises en question permanentes.

Un fonctionnement transposable en entreprise à condition de respecter le cadre et les valeurs maison. La base, c’est la passion, celle qui pousse les gens à se dépasser. Ce qui suppose que le manager connaisse bien les personnalités de ses coéquipiers, afin de les encourager à faire ce qu’ils aiment faire, en plus grand. Pour entraîner, motiver, il faut pratiquer un “management physique” dans sa relation à l’autre, observe Loïck Roche, directeur de Grenoble École de management. « Le manager doit être présent sur le terrain, échanger en face à face et non par mails. Il utilisera les mots et les émotions authentiques – joie, colère, empathie… En étant lui-même, il ne laissera aucune place au doute sur son propre engagement et inspirera ses troupes. »

Essayer et apprendre

La brique suivante est l’autonomie. Il s’agit de libérer les énergies en accordant le droit à l’erreur, le carburant de toute jeune pousse, selon le principe du “test and learn” (essayer et apprendre). Ce qui responsabilise les acteurs et permet d’innover ou d’aller plus loin. « Je dis aux personnes qu’il leur faut voir au-delà de leur stricte fiche de poste, explique Olivier Genin, dirigeant de BH Service à Vitrolles (réparation de moteurs et boites de vitesse pour bateaux et engins de BTP, 23 salariés). Cela les oblige à sortir de leur zone de confort. Exemple : si un chef d’atelier a besoin d’une pièce capitale, il la commandera sans passer par les approvisionnements. Ensuite, il gérera l’affaire de A à Z. Et pour l’entité administrative et commerciale, seul le cadre des missions est posé ; puis chacun réalise à sa façon, prend des initiatives. » Avec une dose de pédagogie pour les plus frileux. À CGI, Audrey Le Carour prend des paris : « Nul n’est propriétaire d’un projet ; j’en confie le pilotage au plus enthousiaste, spécialiste du sujet ou pas. Quitte à l’épauler. »

Jouer collectif

La brique n° 3 est l’information délivrée à tous au même niveau et au même moment via des points réguliers et des outils collaboratifs, sans que celle-ci passe forcément par le n + 1. Ainsi, les collaborateurs ne se marcheront pas sur les pieds. L’autorégulation s’effectue rapidement. Tout ceci implique de jouer collectif sans retenue, avec transfert de compétences, passages de relais, etc. « L’essentiel, c’est l’équipe : elle prime sur l’individu, insiste le coach Frédéric Rey-Millet, cofondateur d’EthiKonsulting(2). Il s’agit d’embarquer tout le monde à 100 % sur un projet, y compris les moins doués. De plus, il n’existe pas de tâches réservées aux petites mains. C’est le groupe qui propose – et décide parfois –, lui qui recrute, lui qui a de l’ambition, lui qui gagne. Le manager se mue en facilitateur, soucieux de définir les ressources nécessaires, d’accompagner et de veiller au moral de la tribu. » Exit donc les divas, les chouchous et les guerres de territoire.

(1) Auteur de S’inspirer des start-up à succès (Dunod, janvier 2015).

(2) Coauteur de Management Game (Alisio, Editions Leduc. S, mars 2015).

Les conseils du coach

Jean-Marc Santi

Codirecteur du cabinet de conseil Santi & Associés

1

Monter des réunions courtes et ciblées

Dans l’idéal, il s’agit d’être réactif en donnant des feedbacks instantanés sur une idée ou un problème qui surgit, et de favoriser les échanges brefs et spontanés sur un sujet précis en mettant tout sur la table. On peut aussi ritualiser des stand-up meetings de 5 à 15 minutes le matin, pour plus d’efficacité. Posez alors quatre questions clés : « Où en êtes-vous ? Que faites-vous aujourd’hui ? Est-ce que ça va ? En quoi puis-je vous aider ? » À compléter par des réunions d’étape mensuelles. Ou transformez les rendez-vous usuels en “bouillon de culture” orientés vers la décision.

2

Lever les préjugés des salariés (et les siens)

« Si on rate, c’est qu’on est mauvais » ; « On ne l’a jamais fait, donc on va se planter » ; « Les bonnes idées viennent des plus intelligents ». Ces réflexions erronées sont des raccourcis de pensée qui tuent les initiatives et freinent les élans. Le manager les laissera s’exprimer afin d’éviter les ruminations pernicieuses, mais il doit les démonter, avec des faits, des exemples concrets. À lui ensuite de trancher et d’entraîner, sans “prise de tête”. « Allez, on y va ! On peut le faire, on va y arriver. »

3

Amadouer les réfractaires

Il y en a de trois sortes. Le sachant, qui cherche à protéger son savoir et a du mal à le partager. Rassurez-le en lui montrant que chacun est conscient du rôle clé qu’il joue dans la dynamique globale. Le rigide, pour qui ça va trop vite et qui, de peur de se tromper, quête des validations incessantes sur tout. Encouragez-le à essayer et à s’émanciper. Le béni-oui-oui, qui ne veut pas s’affirmer. Amenez-le à se positionner sur ce qui est utile au groupe et non plus sur ce qui est susceptible de faire plaisir.

Auteur

  • Marie-Madeleine Sève