logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

L’enquête

Protection sociale : contrats responsables : la révolution a déjà commencé

L’enquête | publié le : 03.11.2015 | V. L.

Image

Protection sociale : contrats responsables : la révolution a déjà commencé

Crédit photo V. L.

Avec ses planchers et plafonds de garanties du contrat responsable et son calendrier légal complexe, la réforme de la complémentaire santé donne du travail aux DRH. Avec une échéance importante en janvier prochain. Nombre d’entreprises ont déjà renégocié leur mutuelle.

Dans deux mois à peine, le 1er janvier 2016, la généralisation de la complémentaire santé à tous les salariés entrera en vigueur. Mais ce sera aussi la date de mise en conformité de la majorité des entreprises aux nouvelles règles définissant le contrat responsable. Même si, pour certaines d’entre elles, l’échéance peut se prolonger jusqu’au 1er janvier 2018 (lire le graphique ci-dessous), à condition que l’acte juridique fondateur du régime ait été conclu avant le 18 novembre 2014 et qu’il ne subisse aucune modification.

Une fois le cadre légal connu en début d’année 2015, les entreprises accompagnées de leurs conseils et courtiers ont dû déterminer si elles se trouvaient ou pas dans la situation de bénéficier de la période transitoire. Une précaution non négligeable, car le caractère non responsable du contrat conduirait l’entreprise à perdre ses exonérations de charges sociales sur la cotisation patronale, à réintégrer la contribution salariale dans l’assiette de l’impôt sur le revenu et à voir doubler le taux de taxe spéciale sur les conventions d’assurance de 7 % à 14 %.

« Dans notre portefeuille de clients, 80 % des entreprises passeront au contrat responsable nouvelle version au 1er janvier 2016 », affirme Olivier Massa, directeur du développement prévoyance santé du courtier Siaci Saint Honoré. Même tendance parmi les clients de Mercer, d’Aon ou encore parmi ceux de Gras Savoye, où 60 % des entreprises de plus de 1 000 salariés ont pris la décision de passer “responsables” au 1er janvier : « Avec celles qui y sont passées au 1er avril, on grimpe à 90 % de grandes entreprises conformes à cette date », estime Julien Vignoli, directeur général délégué du courtier Gras Savoye.

« Les plus petites entreprises se mettront de facto en conformité avec le nouveau contrat responsable au dernier moment, mais elles n’ont pas d’historique à gérer, remarque Pierre François, directeur général de SwissLife Prévoyance et Santé. Pour les plus grandes, l’analyse se fait au cas par cas, mais celles disposant de contrats haut de gamme auront tendance à attendre fin 2017. »

Mise en conformité

« Les employeurs qui avaient des contrats se focalisant sur des risques lourds avec de bons niveaux de remboursement en hospitalisation mais des garanties optiques plutôt en options doivent toucher à leur régime au 1er janvier pour être conformes au panier de soins minimum. Ils tombent donc sous le coup de la mise en conformité aux exigences du nouveau contrat responsable », pointe Mylène Favre-Béguet, associée en charge du pôle prévoyance santé au cabinet d’actuariat conseil Galéa & Associés. De même, rappelle-t-elle, ceux qui avaient prévu des renouvellements annuels de leur accord collectif et ceux qui étaient obligés de réaliser des avenants pour faire évoluer leurs cotisations doivent être conformes au 1er janvier 2016 (lire le graphique ci-contre). Autre situation, « les entreprises qui ont une condition d’ancienneté dans leur régime complémentaire santé doivent la supprimer avant le 1er janvier 2016, sauf à prendre un risque de droit du travail, mais également Urssaf – du fait de la circulaire Acoss du 12 août 2015, ajoute Pascale Baron, avocate au cabinet Rigaud Avocats. Or cela implique de modifier l’acte formalisant le régime dans l’entreprise, et conduit donc à une sortie de la période transitoire afférente aux contrats responsables ».

« Notre préconisation auprès de nos entreprises clientes a été qu’elles se mettent en conformité au 1er janvier 2016 », affirme Yannick Maréchal, directeur distribution et marketing d’Harmonie Mutuelle. Aussi, la mutuelle a fait en sorte d’être prête à répondre aux demandes des entreprises. « Les assureurs ont dû assumer un énorme travail de réécriture des garanties, relève Cécile Paradis, responsable produits et tarification, prévoyance et santé d’Actuaris. Pour les contrats sur mesure en collectif par exemple, les tableaux de garanties ne sont pas homogènes, et l’expression des garanties est très variable. » De fait, les assureurs ont poussé à cette mise en conformité, « car ils se retrouvent de facto solidaires du régime fiscal de l’entreprise si un contrôle Urssaf avait lieu », souligne Vincent Harel, directeur marché des grands comptes santé et prévoyance de Mercer France.

Après avoir déterminé où elles se situaient en termes de calendrier, les sociétés ont dû procéder à l’analyse des changements nécessaires dans les garanties offertes. « En moyenne, les entreprises peuvent parvenir à un gain de 3 % sur le financement de leur régime par la baisse des garanties encadrées par le contrat responsable ; certaines arrivent même à faire 6 % d’économies », remarque Mylène Favre-Béguet. Celles qui ont un régime déséquilibré et des garanties élevées ont également un bon motif de se mettre en conformité au 1er janvier 2016.

« Le tout est de savoir comment faire d’une contrainte une opportunité, souligne de son côté Olivier Massa. Si certains y voient une diminution de leur package de rémunération, d’autres seront contents de pouvoir réduire la voilure de leur couverture santé déficitaire. »

Maintenir les prestations

Quand elles souhaitent préserver leur niveau de prestations, les entreprises étudient l’éventualité d’une surcomplémentaire. « Quasi systématiquement, nous proposons un, deux ou trois scénarios, et le choix des entreprises se fait au cas par cas, en fonction du dialogue social et donc des demandes des instances représentatives du personnel, et aussi en fonction des conditions d’équilibre du régime dans sa globalité », affirme Fabrice Benharroche, directeur commercial et développement santé et prévoyance collectives chez Aon France.

Supplément non responsable

Selon Vincent Harel, certaines entreprises proposent des options dans les limites du contrat responsable quand la base est peu généreuse, tandis que d’autres, disposant de contrats plus haut de gamme essaient de maintenir un niveau de couverture en offrant un supplément non responsable mais sans contaminer le contrat. La circulaire de la Sécurité sociale du 30 janvier 2015 a en effet précisé qu’« un dispositif peut combiner un socle responsable et une surcomplémentaire non responsable sans pour autant remettre en cause le caractère responsable du socle, et donc le bénéfice des avantages fiscaux et sociaux », précise Jean-Philippe Allory, DG d’Adding Group

« Il est à prévoir que le système va évoluer vers une base relativement faible et un troisième niveau souvent organisé par l’employeur mais à la charge financière des individus », prédit Vincent Harel, comme nombre d’experts. À Total, par exemple, la CFE-CGC a veillé à ce que les prestations ne diminuent pas et a demandé la mise en place d’une surcomplémentaire à adhésion facultative (lire p. 24), financée par les salariés.

En revanche, il n’a pas été question pour la Samse, entreprise de négoce et de vente de matériaux de construction, de proposer des options, l’entreprise ayant bataillé pendant des années pour lutter contre un régime en déséquilibre (lire p. 25).

« Les branches et les entreprises optent pour des contrats intégrant des renforts possibles pour les salariés. Il est encore un peu tôt pour savoir quelle sera l’attitude des salariés sur ce sujet, même si, aujourd’hui, on constate que cette souplesse est appréciée et utilisée pour une partie d’entre eux », estime Yannick Maréchal. Selon le 11e baromètre de la prévoyance, réalisé par le Crédoc pour le Centre technique des institutions de prévoyance et publié le 1er octobre, parmi les employeurs ayant déjà mis en place une mutuelle santé, près de la moitié proposent déjà des garanties individuelles facultatives, mais près de quatre sur dix ne prévoient pas de le faire. L’enquête, réalisée auprès de 1 003 salariés et 1 004 responsables d’entreprises – dont 519 de 1 à 9 salariés –, avait été conduite en juillet.

Dépassements d’honoraires

De l’avis général, le poste où l’encadrement du contrat responsable va poser problème est celui des dépassements d’honoraires : « Chez les spécialistes, il est assez fréquent de trouver des praticiens dont le coût de consultation est supérieur à 46 euros, relève Mylène Favre-Béguet. Les premières remontées des salariés auprès des RH se feront sur ce sujet. De plus, même si ce sera moins fréquent, des questions seront posées sur les différentiels de remboursement pratiqués sur les honoraires de chirurgiens lors d’une hospitalisation. »

L’experte a par exemple calculé que la consultation d’un spécialiste non adhérent au contrat d’accès aux soins (CAS) et facturée 80 euros aboutirait à un reste à charge minimum de 35 euros. Dans le cas d’une appendicectomie facturée 1 150 euros, et si le chirurgien et l’anesthésiste n’adhèrent pas au CAS, le reste à charge s’élèverait au minimum à 576 euros.

« Certains impacts peuvent être lourds en région parisienne, sur la Côte d’Azur et dans les grandes villes où les dépassements d’honoraires sont plus courants pour l’hospitalisation et les consultations de spécialistes », atteste aussi Vincent Harel. « Parmi nos clients, nous avons calculé que les restes à charge sur les honoraires hospitaliers pourraient atteindre 250 à 1 000 euros par an et par salarié, illustre Julien Vignoli. Pour le moment, les DRH peuvent expliquer que ces impacts sont strictement liés à l’application de la nouvelle réglementation, et cela se passe bien. Mais, lorsque les effets concrets se feront sentir, cela risque de devenir plus compliqué. » D’où l’importance de communiquer auprès des salariés. Gras Savoye, comme d’autres courtiers et assureurs, incite d’ailleurs les entreprises à le faire, et met à leur disposition différents outils. Le groupe Afnor, conscient de l’importance de ce sujet, entend faire « œuvre de pédagogie auprès des salariés », illustre sa DRH, Laurence Breton-Kueny, et a programmé des réunions pour expliquer ces changements (lire p. 26).

Communication aux salariés

« On peut craindre un problème de compréhension de la part des salariés face à tous ces changements, confirme également Yannick Maréchal. Nous accompagnons les entreprises dans la réalisation de leurs réunions d’information et nous leur proposons des kits de communication. » De plus, la mutuelle anticipe l’accroissement du nombre d’appels et a renforcé ses équipes dans les centres de relation clients pour répondre aux questions.

Pour autant, nuance Jean-Philippe Allory, « les changements de contours du nouveau contrat responsable ne touchent pas toutes les entreprises, mais plutôt les grandes qui avaient des garanties généreuses. D’un point de vue macroéconomique, les entreprises sont embêtées d’y toucher, car elles ont peu de marges de manœuvre en termes de salaires. Mais, in fine, alors que les salariés provinciaux finançaient la mutuelle des Parisiens, le contrat responsable rééquilibrera au moins cette situation… ».

Contrat d’accès aux soins et différences de prise en charge

Le nouveau contrat responsable différencie la prise en charge du dépassement d’honoraires en fonction de l’adhésion, ou non, du médecin au contrat d’accès aux soins (CAS). S’il est adhérent, la prise en charge des dépassements par la complémentaire n’est pas plafonnée. S’il n’est pas adhérent, elle sera plafonnée à 125 % du tarif de responsabilité en 2015-2016, puis à 100 % à compter de 2017. De plus, les dépassements d’honoraires doivent être minorés de 20 % du tarif de responsabilité.

Défini par l’avenant n° 8 de la convention médicale conclue en octobre 2012, le contrat d’accès aux soins est signé entre l’Assurance maladie et les médecins libéraux de secteur 2 autorisés à pratiquer des honoraires libres. Des praticiens de secteur 1 peuvent, sous certaines conditions, y adhérer.

En contrepartie de certains avantages (cotisations sociales allégées, actes revalorisés…), les médecins signataires s’engagent à ne pas augmenter leurs honoraires pendant trois ans et à effectuer une partie de leurs consultations aux tarifs conventionnés. En juin 2014, la Cour des comptes avait dénombré 10 700 adhérents (sur 29 000 médecins de secteur 2 et 84 600 de secteur 1).

Selon le cabinet Galéa & Associés, les praticiens non adhérents au CAS sont peu nombreux parmi les généralistes. En revanche, ils sont plus nombreux parmi les spécialistes, notamment les chirurgiens, et surtout en région parisienne.

Pour savoir si un praticien est adhérent au contrat, consulter le site d’annuaire santé www.ameli-direct.fr

Surcomplémentaires et options

Trois grandes hypothèses peuvent être retenues

(1) L’entreprise propose uniquement un socle de garanties conformes au contrat responsable. Les salariés, s’ils jugent en avoir besoin pour renforcer leurs garanties, peuvent souscrire une surcomplémentaire en dehors du cadre de l’entreprise, à leur charge. L’employeur peut aussi proposer une surcomplémentaire à laquelle il ne contribuera pas.

(2) L’entreprise offre la possibilité aux salariés de souscrire des renforts ou options, adossés au contrat socle, mais qui respectent le caractère responsable de l’ensemble du contrat. Le tout étant considéré comme un seul et même contrat.

(3) L’entreprise propose l’adossement d’une surcomplémentaire au contrat socle. Le caractère responsable du contrat de surcomplémentaire « peut être regardé eu égard aux prises en charge déjà effectuées par le contrat socle », indique la circulaire du 30 janvier 2015.

Auteur

  • V. L.