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L’enquête

La course aux parchemins

L’enquête | publié le : 27.10.2015 | Valérie Grasset-Morel

Le CPF devrait favoriser les partenariats entre prestataires de formation continue et institutions certifiantes (Éducation nationale, CCI…). Mais la concurrence aussi.

N’y aurait-il plus d’avenir pour les prestataires de formation sans capacité à délivrer ou codélivrer un titre, une certification ou un diplôme, vu le poids que prennent le CPF et les logiques diplômantes dans les débats sur la réforme en cours ? L’affirmation est certainement excessive. Néanmoins, nombre d’observateurs pensent que l’avenir des prestataires se joue en partie sur cette question. S’associer à des institutions dont les certifications sont éligibles au CPF constitue un avantage pour les prestataires privés qui souhaitent rendre leurs programmes plus facilement finançables par les individus et les entreprises.

Aujourd’hui, Cegos propose 92 cycles certifiants, essentiellement des cycles métiers, dont 83 certifications professionnelles (responsable innovation, management de proximité, responsable webmarketing, community manager…) de la Fédération de la formation professionnelle (FFP), et elle propose l’accès à des formations diplômantes, en collaboration avec Centrale Lyon, Mines Paris Tech, Paris-Dauphine, Grenoble École de Management… « Cegos travaille avec Dauphine depuis plus de vingt ans », confie Jérôme Maes, responsable des partenariats de l’organisme de formation. Dernier en date avec Dauphine, un Executive Master Management de la formation : « Nos intervenants apportent leurs expériences professionnelles variées et leur bonne connaissance de l’entreprise. Les enseignants de l’université sont au fait des recherches académiques les plus récentes et des tendances à venir. »

Création de diplôme

Même stratégie depuis des années chez Demos. Récemment, l’organisme a conclu son premier partenariat « sous format CPF » avec Sup des RH, école supérieure privée des ressources humaines, pour bâtir en commun un titre de niveau II de gestionnaire RH. « Nous sommes rentrés dans le référentiel du diplôme de cette école et avons organisé la formation en quatre cycles d’une dizaine de jours chacun », précise Sylvestre Perrault, directeur des opérations du groupe. À la fin de chaque cycle, Sup des RH soumet les stagiaires à un examen, et la réussite au mémoire final permet de décrocher le diplôme de l’école de gestionnaire RH. Demos met aussi au point avec l’université d’Évry Val d’Essonne un master Ingénierie de la formation découpé en certificats. Les professeurs d’université dispenseront leur enseignement dans les locaux de l’organisme et l’examen aura lieu à l’université.

Toutefois, la FFP constate que les partenariats avec les établissements d’enseignement supérieur n’ont pas atteint leur développement maximal.

Les institutions certifiantes, dont l’enseignement supérieur, sont-elles en attente de partenariats avec les organismes privés de formation ? Oui, mais ces deux acteurs sont également concurrents sur ce nouveau marché.

Deux mondes à rapprocher

Alain Gonzalez, président de la Conférence des directeurs des services universitaires de formation continue (et directeur du service commun de la formation continue à l’université Pierre-et-Marie-Curie), souligne que, si « les partenariats entre les organismes de formation continue et les universités existent depuis fort longtemps, ils dépendent de la stratégie de chaque établissement et de certaines branches professionnelles. Organismes et universités sont deux mondes qui se connaissent insuffisamment. Nous avons du chemin à faire pour nous adapter aux besoins des salariés et des entreprises. Des organismes privés peuvent d’ailleurs nous apporter leur expertise pour modulariser notre offre ».

Les diplômes universitaires ont eu bien du mal à se faire accepter sur les listes de formations éligibles au CPF. Le Comité paritaire interprofessionnel national pour l’emploi et la formation (Copanef) doutait en effet du caractère professionnalisant des diplômes universitaires et de leur capacité à répondre à des besoins économiquement avérés. La création du CPF n’a donc pas permis jusqu’à présent de développer ces partenariats. Une solution semble cependant en vue sous la forme d’un protocole d’accord en passe d’être signé entre la Conférence des présidents d’université (CPU) et le Copanef. Il définit une série de critères permettant aux diplômes universitaires de figurer sur les listes de formations CPF. « À nous de démontrer, désormais, que nos certifications peuvent figurer sur la liste nationale interprofessionnelle, sur les listes régionales et celles des branches professionnelles », précise Alain Gonzalez. Une fois cette étape franchie, le monde universitaire devra développer une offre de stages courts pour davantage pénétrer le monde de l’entreprise. « C’est à ce moment-là que les partenariats – équilibrés – avec les organismes de formation prendront leur essor », pronostique-t-il.

En revanche, de son côté, Régis Vallée, président de la commission formation de la Conférence des grandes écoles, estime que « les partenariats des grandes écoles, qui disposent elles-mêmes d’organismes de formation continue, sont marginaux : leur priorité est de privilégier les partenariats avec les entreprises, les collectivités territoriales et l’État ».

« Pas besoin de partenariat »

Les organismes de formation qui délivrent eux-mêmes des diplômes n’ont pas cette urgence de trouver des partenaires certifiants. « IGS Formation continue n’a pas besoin de ces partenariats, explique Gilles Pouligny, directeur général adjoint en charge de la formation continue et des partenariats, car les écoles du groupe délivrent 21 titres RNCP de niveaux I, II et III et le grade de master de l’ICD International Business School. » De même, le Cesi, très majoritairement positionné sur des formations diplômantes (y compris en formation continue), ne recherche pas non plus ce type de rapprochement. Il est en revanche « courtisé par d’autres organismes », confie Sophie Crespy, directrice de Cesi-Entreprises. Le Cesi oriente plutôt ses partenariats en direction des universités internes d’entreprises.

Auteur

  • Valérie Grasset-Morel