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LA CHRONIQUE JURIDIQUE D’AVOSIAL

Chronique | publié le : 27.10.2015 | Amélie d’Heilly

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LA CHRONIQUE JURIDIQUE D’AVOSIAL

Crédit photo Amélie d’Heilly

Inaptitude physique et reclassement……ou quand la montagne accouche d’une souris. L’article de la loi du 17 août 2015 relatif à l’inaptitude consécutive à un accident du travail ou à une maladie professionnelle stipule que le médecin du travail doit « expressément » indiquer que « tout maintien du salarié dans l’entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé ».

Les articles L. 1226-2 et L. 1226-10 du Code du travail, respectivement relatifs à l’inaptitude d’origine non professionnelle et à l’inaptitude d’origine professionnelle, mettent à la charge de l’employeur l’obligation de rechercher au sein de l’entreprise, et éventuellement au sein du groupe auquel elle appartient, un poste de reclassement pour le salarié déclaré inapte à son poste, et d’apporter la preuve des moyens mis en œuvre pour tenter de reclasser le salarié. À cette fin, l’employeur doit notamment se rapprocher du médecin du travail afin de déterminer les postes pouvant correspondre aux prescriptions médicales.

Il arrive cependant que le médecin du travail déclare le salarié « inapte à tout poste dans l’entreprise ». La question s’était alors posée de savoir si, dans une telle hypothèse, l’employeur restait malgré tout tenu de rechercher un reclassement au sein de l’entreprise concernée. La jurisprudence était venue préciser que l’obligation de rechercher les possibilités de reclassement pour le salarié était maintenue même en présence d’une inaptitude à tout poste dans l’entreprise (voir, par exemple, Cass. Soc.9 juill. 2008, D. 2008 AJ2229).

La jurisprudence avait également précisé que l’employeur devait procéder aux recherches de reclassement tant au niveau de l’entreprise qu’au sein du groupe auquel l’entreprise pouvait appartenir (voir notamment en ce sens, s’agissant d’une inaptitude non professionnelle : Cass. soc. 19 mai 1998, Bull. civ. V, n° 264 et Cass. Soc. 24 octobre 1995, Bull. civ. V, n° 283 s’agissant d’une inaptitude professionnelle).

Cette recherche de reclassement au sein de l’entreprise semblait pourtant dépourvue d’intérêt lorsque le médecin du travail précisait que le salarié était inapte à tout poste dans l’entreprise. Elle pouvait en revanche garder un sens au niveau du groupe. La loi 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi est venue modifier, à la marge, la situation existante. En effet, la loi a complété le second alinéa de l’article L. 1226-12 du Code du travail relatif à l’inaptitude consécutive à un accident du travail ou à une maladie professionnelle par une phrase rédigée ainsi qu’il suit : « [L’employeur] peut également rompre le contrat de travail si l’avis du médecin du travail mentionne expressément que tout maintien du salarié dans l’entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé. »

Le premier constat qui s’impose est que la modification envisagée ne concerne que les cas d’inaptitude consécutive à une maladie professionnelle ou à un accident du travail. Ce qui réduit de facto son champ d’application.

Passé cette première évidence, une question se fait jour. L’employeur est visiblement dispensé de rechercher un reclassement au sein de l’entreprise, compte tenu de la formulation, mais quid des reclassements au sein du groupe auquel appartient l’entreprise ? En effet, cette hypothèse n’est absolument pas envisagée. Nous ne pouvons donc que conseiller aux employeurs la prudence et les inviter à continuer, malgré tout, à procéder aux recherches de reclassement au sein du groupe.

La seconde question que l’on peut légitimement se poser concerne la rédaction retenue pour ce texte. En effet, le code n’exige pas simplement que le médecin du travail précise que le salarié est inapte à tout poste dans l’entreprise. Non, il est prévu que le médecin du travail doit « expressément » indiquer que « tout maintien du salarié dans l’entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé ».

Que se passe-t-il donc si le médecin du travail n’écrit pas cette phrase mot pour mot ? De nouveau, nous ne pourrons que conseiller à nos clients d’agir avec la plus grande prudence. Il faudra dans ces cas prévoir d’interroger le médecin du travail afin de lui faire préciser s’il considère que tout maintien du salarié dans l’entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé. Seulement en cas de réponse positive de ce dernier, il pourra alors être procédé à la recherche de reclassement uniquement au niveau du groupe.

Il résulte donc de tout ce qui précède que la montagne a accouché d’une souris, puisque les cas où l’employeur pourra se libérer de son obligation de reclassement en cas d’inaptitude de son salarié restent en pratique extrêmement limités.

Auteur

  • Amélie d’Heilly