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La HR tech française décolle

ZOOM | publié le : 06.10.2015 | Frédéric Brillet

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La HR tech française décolle

Crédit photo Frédéric Brillet

Oubliez les SIRH conçus par les mastodontes de l’édition informatique. Alors que le HR Tech World Congress ouvre ses portes en octobre à Paris, une poignée de jeunes pousses ambitionnent de marcher dans les pas de start-up qui ont rencontré le succès en misant notamment sur le big data RH.

Désormais, ce ne sont plus les seuls diplômés en droit ou en sciences humaines qui s’intéressent à la gestion des ressources humaines. En atteste Akoya Consulting, conseil en stratégie RH né en 2010 de la rencontre de trois ingénieurs de Supélec et de Centrale, qui entendent renouveler l’approche de la discipline en misant sur le numérique. « Nous nous intéressons au capital humain, c’est une voie encore atypique pour des gens qui ont notre profil », reconnaît Vincent Barat, l’un des cofondateurs. Le cabinet, qui cible les grands comptes (Sanofi, Total, Engie, La Poste, SNCF), propose ses services en s’appuyant sur l’expertise de start-up partenaires, avec lesquelles il constitue un écosystème autour du concept de “HR Tech”.

Ainsi Kudoz, qui intervient dans le domaine du recrutement et se définit comme le « Tinder de l’emploi ». Lancée en octobre 2013, la start-up, qui met en relation les cadres inscrits sur LinkedIn et les entreprises à travers une application mobile de recrutement, revendique plus de 70 000 membres. « La force de Kudoz, c’est l’ergonomie : en un glissement de pouce, vous souscrivez ou éliminez l’offre d’emploi qui vous correspond. Notre application est plus simple et rapide à utiliser, car nous nous focalisons sur la fonction recrutement, quand celle de LinkedIn couvre tous les aspects d’un réseau social », explique son fondateur Pierre Hervé, diplômé de HEC. Cet avantage a convaincu quelque 650 recruteurs, dont des grands comptes (BNP Paribas, L’Oréal, Leroy-Merlin…), qui prennent conscience que la moitié du trafic des sites d’emploi provient du mobile.

Faciliter la mobilité transversale

De son côté, Clustree, qui compte déjà quelque 25 salariés, met le big data au service de la gestion des talents et de la mobilité interne. L’idée en est venue à Bénédicte de Raphélis Soissan, mathématicienne de formation et fondatrice de cette start-up, à partir de sa propre expérience de consultante marketing qui aspirait à une mobilité transversale : « J’ai donc analysé à la main, en surfant sur Internet, le parcours de gens ayant un profil similaire au mien et qui avaient réussi à bifurquer, ce qui m’a donné des idées de postes auxquels je pouvais raisonnablement prétendre. En discutant autour de moi, je me suis aperçue que cette approche intéressait les grands groupes désireux de retenir leurs bons éléments en élargissant leurs possibilités d’évolution. » D’où la création de Clustree, qui aide ses clients des secteurs de l’énergie, de la banque, du luxe et de la grande distribution, parmi lesquels Engie, Canal+ et LVMH, à assouplir ou à rénover leurs référentiels de compétences et leurs fiches de poste, afin qu’ils ne soient plus un frein à la mobilité interne.

Une dimension prédictive

Cet éditeur administre la preuve de la faisabilité de cette mobilité en analysant dans le monde entier, grâce à ses algorithmes, des millions de parcours de professionnels qui apparaissent sur les réseaux sociaux. Ses clients peuvent donc s’en inspirer pour orienter leur gestion des talents et leur recrutement et solliciter des profils auxquels ils ne pensent pas spontanément. Au-delà des fonctions de “matching”, l’outil introduit une dimension prédictive dans la fonction RH. À partir du big data, Clustree peut à la fois identifier les profils clés qui risquent de quitter l’entreprise – modéliser leur comportement, ce qui permet de leur proposer les mobilités au bon moment – avant même qu’ils n’aient pris leur décision.

Talentoday, une plate-forme d’aide à l’orientation et d’analyse statistique des motivations personnelles fondée sur un questionnaire psychométrique, intègre également cette dimension prédictive. La réussite à long terme sur un poste dépendant de l’adéquation entre la personnalité, les compétences et les motivations du candidat, la start-up a entrepris, à partir de ces critères, de concevoir une mise en relation sur la base la plus rigoureuse possible ; 3,2 millions de personnes ont déjà rempli le questionnaire en ligne d’une dizaine de minutes, à partir duquel elles reçoivent gratuitement un diagnostic sur leurs points forts afin de mieux s’orienter professionnellement. Un algorithme conçu par des data-scientists du MIT et de Stanford permet ensuite à Talentoday de rapprocher les candidats des métiers, entreprises et postes où ils ont le plus de chances de s’épanouir. Là aussi, c’est en comparant le profil des candidats avec ceux des salariés déjà en poste que Talentoday parvient à identifier les talents susceptibles d’intéresser la centaine de recruteurs qui rémunèrent déjà la start-up pour ce service.

Reste à savoir quelle utilisation les entreprises feront de ces outils, qui permettent la collecte de données personnelles toujours plus nombreuses et pointues, et quelles conséquences ils auront sur les modes de management. « Le développement des outils numériques pour recruter, former, évaluer et manager comporte un risque : celui d’évacuer la part humaine et émotionnelle dans les relations et les prises de décisions professionnelles », avertit François Silva, professeur à l’Escem et spécialiste de l’e-RH.

Le Lab RH a conquis 80 start-up

À côté du cabinet Akoya, partenaire de start-up proposant des services RH, Le Lab RH vise aussi à fédérer les start-up qui interviennent dans ce champ et à accélérer la conversion des DRH au numérique : trois mois après son lancement, cette association, parrainée par le ministère du Travail, regroupe 80 start-up et ambitionne de passer la barre des 200 d’ici à juin 2016. Les membres de Le Lab RH interviennent dans diverses composantes de la fonction : le recrutement par mobile comme Kudoz (qui fait aussi partie de l’écosystème Akoya), par cooptation (MyJobCompany), ou par big data (Golden Bees), les réseaux sociaux professionnels (Wizbii destiné aux 18-30 ans à la recherche d’un premier emploi), les serious games, la GPEC et les systèmes d’information RH.

En échange d’une modeste cotisation (200 euros par an) et d’une meilleure visibilité, les créateurs de ces jeunes pousses s’engagent à donner de leur temps pour mutualiser leur savoir-faire et leur expérience au sein des différents pôles du Lab RH : recherche et développement, prospective et études, développement de l’activité, recherche de financements publics, communication… « Certains membres peuvent intervenir sur les mêmes créneaux, mais nous sommes dans une logique de “coopétition” » précise Boris Sirbey, porte-parole du Lab RH, qui vend aux entreprises des missions d’accompagnement au changement, quand il ne leur propose pas de recourir aux outils techniques développés par ses membres.

Auteur

  • Frédéric Brillet