Aux temps des Trente Glorieuses, la plupart des postes d’encadrement étaient acquis à l’ancienneté au titre de l’expérience professionnelle et, partant, de la compétence. À l’inverse, la massification scolaire qui s’est mise en place à partir des années 1980 produit à la chaîne des diplômés souvent inemployables, ou parce que l’économie n’a pas de postes à leur offrir, ou parce qu’ils manquent de l’expérience dont les entreprises ont besoin. L’auteure, sociologue, professeure en sciences de l’éducation à l’université Lille 3, revient sur la fabrique des diplômés au fil des dernières décennies. Elle explique comment l’injonction actuelle au diplôme revient à déplacer sur l’individu la responsabilité de son destin professionnel. Le diplôme, indispensable sésame de l’employabilité, permet de flexibiliser le parcours professionnel des salariés supposés pouvoir se recaser dès lors qu’ils ont été formés. Les politiques publiques ont ainsi moins contribué à démocratiser les diplômes qu’à les rendre obligatoires, sans pourtant garantir leur valeur d’échange sur le marché de l’emploi. Paradoxalement, leur multiplication s’accompagne de la montée des inégalités, non seulement entre diplômés et décrocheurs, mais également entre diplômés… Il ne suffit pas, en effet, d’être labellisé, certifié, il faut pouvoir faire valoir ce label sur un marché du travail de plus en plus sélectif. Ce qui, pour l’auteure, va de pair avec une normalisation des travailleurs eux-mêmes.