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L’enquête

Opérateurs et ergonomes trouvent ensemble la solution

L’enquête | publié le : 29.09.2015 | Christian Robischon

Dans ses actions d’amélioration des postes de travail, l’usine d’Amiens donne l’initiative à ses opérateurs de terrain pour concentrer le recours aux experts externes sur leur savoir-faire en conduite de projet et méthodologie.

Dans l’usine Mersen d’Amiens, l’œil de l’ergonome change de focale. « Souvent, les experts externes de l’amélioration des postes animent les groupes de travail et orientent les initiatives. Nous leur avons attribué une autre mission : faire appel à leur savoir-faire en matière de méthode, afin d’analyser le projet et de valider les propositions venues de nos opérateurs », souligne Eudes Bouassa, responsable sécurité-environnement. « Nous avons adopté le postulat que les meilleurs experts du poste étaient les opérateurs eux-mêmes, et qu’il convenait donc de les faire s’exprimer et prendre l’initiative de propositions d’améliorations », appuie Thierry Lacout, directeur du site de 251 salariés.

Cette approche a été inaugurée l’an dernier à l’occasion d’un chantier d’amélioration d’un poste bien déterminé : celui du scellement de câbles avec leur pièce de graphite. L’opération se réalisait jusqu’alors de façon manuelle, dans des conditions qui généraient des vibrations importantes dans la main avec propagation à une bonne partie du corps. Le levier que l’opérateur devait actionner imposait une position haute dite “bras au-dessus du cœur”. Celle-ci pouvait être source de TMS, d’autant que le geste a un caractère répétitif. Depuis l’an dernier, un joystick commande un vérin hydraulique qui fait disparaître la vibration. « Plusieurs personnes qui étaient en restriction ont pu regagner leur poste », souligne Thierry Lacout.

Groupe de travail interne

Mersen Amiens a confié le chantier d’amélioration à un groupe de travail interne qui accorde une large place aux opérateurs titulaires du poste : ils sont six à siéger dans cette commission de onze, complétée par un agent de maîtrise, un élu du CHSCT et des représentants des services sécurité, santé et maintenance-méthodes. « Les opérateurs sont également codécideurs dans la phase suivante des essais », ajoute Eudes Bouassa.

Cette posture n’était pas complètement inédite, mais elle introduit un mieux, selon Éric Gérard, alors secrétaire du CHSCT (aujourd’hui secrétaire adjoint). « Sans se couper des ateliers, les agents de maîtrise et notre service méthodes avaient quelque peu tendance à travailler “en chambre”, dans leur coin. Désormais, nous passons à une vraie prise de décision par les opérateurs. C’est beaucoup plus dynamique, et cela motive les gens à soumettre des idées », approuve-t-il. Ce type de groupe de travail s’est reconstitué cette année pour l’amélioration d’autres postes.

Dans ce contexte, quelle place reste-t-il aux prestataires externes ? « Entre différentes solutions, ils nous aident à écarter ce qu’il ne faut pas faire. En somme, ils nous évitent de faire fausse route », appuie Thierry Lacout. Dans le cas présent, ces conseils viennent du CESTP-Aract Picardie, la représentation régionale de l’Anact, et du cabinet privé Concilio. Ils portent sur la conduite du projet, la méthodologie et, plus généralement, le renouvellement des modes de management. Ils prennent deux formes : l’intervention dans l’entreprise, mais aussi la participation de trois cadres de Mersen Amiens (responsables de production, des achats et des méthodes) à une formation collective de 18 mois – “manager par la qualité du travail” – jusqu’à la fin de cette année en compagnie de quatre autres entreprises.

Évolution du management

Ce cursus a été monté par le CESTP-Aract avec l’Institut du travail et du management durable. « Soulignant les limites d’un management top-down traditionnel, il encourage à tenir compte des connaissances des opérateurs. Il s’attache à analyser l’écart entre travail prescrit et travail réel, non sur le registre de la faute, mais à le voir comme une ressource au service de la qualité du travail, décrit Laurence Théry, directrice du CESTP-Aract. « La thématique de l’ergonomie revient très souvent. Les participants s’engagent à mener dans leur entreprise le chantier “technique” d’amélioration des conditions de travail, mais aussi celui de l’évolution du management », ajoute-t-elle.

Les différentes sessions déjà organisées apportent une richesse d’informations qui sera capitalisée, à la rentrée 2016, sous la forme d’un diplôme universitaire ouvert à l’université Jules-Verne d’Amiens.

Repères

Activité

Fabrication de pièces pour solutions électriques et de matériaux en graphite pour l’énergie, l’électronique, la chimie, les transports…

Effectif monde

6 375 salariés.

Chiffre d’affaires 2014

731 millions d’euros.

Auteur

  • Christian Robischon