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LA CHRONIQUE JURIDIQUE D’AVOSIAL

Chronique | publié le : 29.09.2015 | Elvire de Frondeville

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LA CHRONIQUE JURIDIQUE D’AVOSIAL

Crédit photo Elvire de Frondeville

Forfait-jours : le retour au décompte horaire ?Le forfait annuel en jours est une source de flexibilité mais les accords collectifs doivent apporter plusieurs garanties au salarié, faute de quoi ils peuvent être frappés de nullité.

Le forfait annuel en jours consistant à décompter le temps de travail en jours travaillés, et non plus en heures, permet de déroger à la durée légale de 35 heures hebdomadaires de travail. Il représente une source de flexibilité et d’économies pour les entreprises, qui ne sont pas tenues au paiement d’heures supplémentaires.

Pour le salarié – un cadre sur deux à ce jour(1) –, cette souplesse lui permet de bénéficier d’une certaine qualité de vie puisqu’il n’a pas à rendre des comptes sur ses horaires de travail, voire de percevoir une rémunération plus importante s’il renonce à tout ou partie de ses jours de repos et en bénéficiant de ce fait de leur rachat au taux majoré.

Depuis 2011, sous l’influence du droit européen, la Cour de cassation renforce le contrôle de la validité des accords collectifs autorisant le recours au forfait-jours. Le juge exige que toute convention individuelle de forfait en jours, obligatoirement signée par le salarié, soit prévue par un accord collectif, qui assure « la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires ».

En d’autres termes, et pour assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié – parfois contre son gré –, l’accord collectif doit envisager des garanties suffisantes de nature à contrôler effectivement que la charge de travail du salarié au forfait-jours et l’amplitude de ses journées travaillées sont raisonnables.

L’employeur se heurte à une difficulté de taille : comment s’assurer par exemple que le salarié au forfait-jours se repose au moins 11 heures par jour, c’est-à-dire ne travaille pas plus que 13 heures quotidiennes, alors précisément que sa durée du travail ne se mesure pas en heures ?

Après plusieurs décisions annulant les dispositions prévues par certaines conventions collectives(2), on constate que l’accord collectif doit notamment prévoir un suivi régulier de la charge de travail « raisonnable » définie par le manager, mesurée par un entretien annuel, un système d’alerte du supérieur hiérarchique prévenant les dérives éventuelles, un contrôle des jours travaillés et non travaillés (système autodéclaratif) et de l’amplitude des journées de travail (heures habituelles d’entrée et de sortie…), un droit à la déconnexion des outils de communication à distance le soir et le week-end.

À défaut, la sanction est lourde : l’accord collectif considéré comme insuffisant par le juge est frappé de nullité (Cass. soc 24 avril 2013). Rétroactivement et parce que la sécurité et la santé des salariés au forfait-jours ne sont pas garanties, ceux-ci peuvent a posteriori revendiquer l’application des 35 heures.

Dès lors, fréquemment après la rupture du contrat, le salarié aura l’occasion de poursuivre son employeur en lui réclamant notamment le paiement des heures supplémentaires effectuées(3) – prouvées par des témoignages, des tableaux informatiques, des courriels… – outre des dommages et intérêts, ainsi que, le cas échéant, l’indemnité pour travail dissimulé.

Force est, par conséquent, de relever que la notion de forfaitisation du temps de travail en jours disparaît au profit d’un retour au décompte horaire(4). Cette évolution est favorable au 1,5 million de salariés au forfait, qui continuera à bénéficier d’une certaine autonomie et de ses JRTT, tout en disposant d’un argument efficace de nature à inciter à la négociation d’une indemnité de départ lors de la rupture du contrat.

1) Étude Dares, juillet 2015, n° 048.

2) Tel a été le cas des bureaux d’études techniques, industries chimiques, commerce de gros, cabinets des experts comptables, notaires, HCR, etc.

3) Soit en moyenne 200 heures supplémentaires à l’année, cf. Étude Dares ci-dessus.

4) Certains accords de branche exigent que le salarié au forfait-jours ne travaille pas plus de 10 heures quotidiennes (sauf circonstances exceptionnelles), l’employeur devant être en mesure de démontrer que cette limite est respectée.

Auteur

  • Elvire de Frondeville