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La Ville de Suresnes inaugure les primes au mérite

ZOOM | publié le : 22.09.2015 | Nicolas Lagrange

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La Ville de Suresnes inaugure les primes au mérite

Crédit photo Nicolas Lagrange

Un nouveau régime indemnitaire s’appliquera aux agents de la Ville de Suresnes dès janvier 2016. Il permettra d’augmenter ou de diminuer la part variable de la rémunération en fonction du mérite. Grâce à un dialogue social de qualité, l’ensemble des syndicats a signé l’accord. Une première !

Finie la prime systématique à l’ancienneté, place à l’augmentation au mérite ! Désormais, les agents – titulaires et contractuels – de la Ville de Suresnes, dans les Hauts-de-Seine, verront leur régime indemnitaire évoluer en fonction de leur engagement professionnel.

À côté du traitement indiciaire, qui forme la part majeure de la rémunération d’un fonctionnaire, le régime indemnitaire constitue la partie variable (14 % en moyenne). À Suresnes, cette partie variable pourra même diminuer par rapport à la prime de l’année précédente si l’agent est évalué comme insuffisant ou très insuffisant : de -15 % à -35 % pour les agents de catégorie A (cadres), de -10 % à -30 % pour les B, de -10 % à -25 % pour les C. À l’inverse, les agents les plus investis dans leurs missions ou qui auront progressé pourront voir leur régime indemnitaire augmenter dans les mêmes proportions. L’évaluation de l’agent se fera sur la base d’un entretien professionnel annuel, qui remplace désormais la notation depuis le 1er janvier 2015 dans la fonction publique territoriale(1). Signé le 28 mai dernier par les trois organisations syndicales de la Ville (CGT, CFDT, FO), l’accord sur le nouveau régime indemnitaire sera applicable à partir du 1er janvier 2016.

L’ancien régime indemnitaire n’était plus satisfaisant : « Les cadres ne progressaient qu’à l’ancienneté. Un cadre âgé de 30 ans, très investi dans son travail, devait attendre vingt ans pour avoir le même régime indemnitaire que son collègue de 50 ans qui en faisait moins : c’était très injuste, explique Béatrice de Lavalette, adjointe au maire chargée des RH et du dialogue social. Quant aux non-cadres, leur rémunération variable était censée suivre la notation. En réalité, la progression finissait par se faire à l’ancienneté : au bout de vingt ans, tout le monde était quasiment à la même note. »

Cette rénovation du régime indemnitaire a été soigneusement préparée. Un travail de benchmark a été effectué en amont, tant dans le secteur public qu’auprès d’entreprises privées, avant de proposer le projet aux syndicats.

Les représentants des syndicats, dont certains en situation d’encadrement, partageaient le constat de la direction : « Le régime ne reflétait plus la qualité du travail, la manière de servir de l’agent », estime Linda Le Gret, déléguée syndicale FO. Par ailleurs, les agents étaient largement favorables à une révision du système. Les syndicats ont donc soutenu le projet, tout en y imprimant leur marque au cours de négociations qui ont duré cinq mois. Elles ont fait augmenter la part variable des agents de catégorie C, qui était au départ trop faible. En revanche, elles n’ont pas obtenu la mise en place d’un plancher en cas de baisse de la prime plusieurs années de suite. Elles ont également travaillé sur la grille des critères d’évaluation utilisée lors de l’entretien professionnel avec le hiérarchique. « Tout en nous calant sur les critères du décret de décembre 2014, nous avons choisi les indicateurs ensemble, en tenant compte de la nature des tâches de l’agent et en mettant l’accent sur les relations humaines », indique Enrique Monje, délégué syndical CGT. Sont ainsi examinés : les résultats professionnels obtenus et la réalisation des objectifs ; les compétences professionnelles et techniques ; les qualités relationnelles ; la capacité d’encadrement ou d’expertise ou, le cas échéant, la capacité à exercer des fonctions d’un niveau supérieur.

Les entretiens professionnels nouvelle mouture viennent de démarrer. Les agents percevront leur nouvelle rémunération le 1er avril 2016, après consultation du comité technique paritaire de mars 2016. Une instance auprès de laquelle les agents pourront, le cas échéant, contester leur évaluation.

Pas d’augmentation budgétaire

Les syndicats se disent « vigilants » dans la mise en œuvre de l’accord. FO compte diffuser un livret d’accompagnement à l’entretien professionnel. Délégué syndical CFDT, Franck Bourgi veillera à l’équité du nouveau dispositif : « Cette réforme est faite sans augmentation budgétaire. Il ne faudrait donc pas, pour augmenter les uns, baisser la rémunération des autres. » Tous estiment aussi qu’il faudra « un certain courage managérial pour évaluer les agents à leur juste valeur ». La direction a promis de faire un bilan au bout d’un an.

Le consensus syndical autour de cet accord au sujet pourtant sensible est largement dû à la qualité du dialogue social qui prévaut à Suresnes depuis plusieurs années. Les relations de confiance entre direction et syndicats, la reconnaissance de l’engagement syndical (lire l’encadré ci-dessus) ont permis de signer de nombreux accords “gagnant-gagnant” : ouverture de la médiathèque le dimanche, lutte contre l’absentéisme, aménagement des rythmes scolaires, participation importante de la Ville à la mutuelle, 13e mois, etc.

« J’estime que le dialogue social est un levier de performance. Aujourd’hui, nous n’avons plus de grève, et ce nouveau régime indemnitaire va encourager chacun à la performance », insiste Béatrice de Lavalette. Et les syndicats ont gagné en crédibilité : lors des dernières élections, la participation a été de 60 %, soit une hausse de 11 % par rapport à 2008. « Les agents se sentent écoutés, du coup, ils vont voter, constate Enrique Monje. Nous sommes légitimés. »

Des parcours syndicaux valorisés

Depuis la signature en 2009 de la “Charte sur la reconnaissance du parcours syndical” – une première dans le secteur public –, les syndicalistes de la Ville de Suresnes bénéficient de formations sur mesure. À Sciences Po, ils suivent un programme certifiant de culture économique et sociale. Un partenariat avec l’Organisation internationale du travail (OIT) leur donne, depuis 2011, un accès privilégié au centre de formation de l’OIT à Turin. Et, depuis cette année, ils bénéficient d’une formation sur le management à l’Essec. Au total, plus d’une centaine de syndicalistes sont passés par ces formations depuis 2010. « Ces formations sont très attractives. Cela favorise l’engagement syndical et contribue au renouvellement des équipes. Les représentants syndicaux ont augmenté leurs effectifs de 20 % », affirme Béatrice de Lavalette, adjointe aux RH.

(1) Décret n° 2014-1526 du 16 décembre 2014 relatif à l’appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires territoriaux.

Auteur

  • Nicolas Lagrange