Quand un banquier parle de faire la révolution, doit-on y voir une figure de style ou, au contraire, le signe que les choses vont vraiment très mal ? L’auteur, directeur général de la banque Lazard France, propriétaire et actionnaire de presse, n’est pas n’importe quel banquier. À supposer que cela ne frôle pas l’oxymore, il est un banquier « de gauche ». Les prémisses de la révolution qu’il préconise ont beau être évidentes – précarité, inégalité, pauvreté – et les conclusions qu’il propose marquées au coin du bon sens – suppression des privilèges, réindustrialisation, réforme fiscale, projet européen fort… Le discours, d’une certaine manière, sonne un peu creux et laisse un sentiment de malaise, comme une monnaie démonétisée. Certes, la valeur faciale est là, les mots sont forts, mais leur inflation sème le doute sur leur valeur. Surtout quand le pouvoir socialiste en place ne semble pas apporter le changement qu’il avait si vigoureusement promis ni même le laisser espérer pour demain. Pourquoi frapper si fort du poing sur la table alors que l’analyse n’est pas nouvelle et que les solutions se font attendre ? Bien sûr, les situations de l’emploi, de l’Europe, de la solidarité, sont inquiétantes et, comme l’auteur le suggère, il serait temps pour la France de réagir, mais de grâce, sans effet de manches, sans rhétorique suspecte. Histoire de continuer à croire au moins un peu en de meilleurs lendemains.