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Le téléphone au volant, un nouveau risque routier à prévenir

ZOOM | publié le : 15.09.2015 | Florence Roux

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Le téléphone au volant, un nouveau risque routier à prévenir

Crédit photo Florence Roux

Facteur de risque “émergent” il y a dix ans, la téléphonie au volant s’impose aujourd’hui dans les statistiques du risque routier. De plus en plus d’entreprises s’emparent du sujet, complexe pour celles dont les personnels passent plus de la moitié de leur temps de travail sur les routes.

Depuis le 1er juillet 2015, téléphoner au volant avec une oreillette coûte 135 euros et un retrait de trois points sur le permis. Seuls restent autorisés les kits mains libres intégrés à l’habitacle. « Cette interdiction permet de reparler des dangers du téléphone sur la route, explique Patrick Oberto, délégué de l’association de promotion et de suivi de la sécurité routière en entreprise (PSRE). Mais elle ne devrait rien changer en entreprises, puisque la Cnam-TS recommande depuis 2003 de bannir toute communication professionnelle au volant, avec ou sans oreillette. C’est compliqué : les entreprises doivent assurer la sécurité des salariés, tout en leur demandant d’être joignables en permanence. »

Un « regrettable paradoxe », pour le préventeur, car, si le risque routier est peu fréquent en entreprise – 10 % à 12 % des accidents du travail –, il y provoque la moitié des décès. Et l’utilisation du téléphone, qui augmente le risque d’accident par trois – par 23 lorsqu’on rédige un SMS –, s’impose et se banalise en priorité chez les professionnels. Selon une étude de l’Ifop réalisée en 2012 pour PSRE, deux salariés sur trois passent ou reçoivent des appels “pros” durant leurs déplacements de travail. Et seulement 20 % le font systématiquement à l’arrêt. En 2015, le baromètre Sofres-Axa Prévention révèle que, parmi la population générale, 38 % des automobilistes déclarent téléphoner (42 % chez les 18-25 ans) et 31 % lire un SMS en route (61 % pour les moins de 35 ans). Des chiffres en augmentation par rapport à ceux de 2014. « C’est inquiétant, car téléphoner accroît le temps de réaction de 30 % à 70 %, explique Anne-Sophie Valladeau, experte “transport” à l’INRS. Et quand on quitte la route des yeux cinq secondes, pour lire un SMS par exemple, on parcourt plus de 100 mètres. »

Engagement décisif de l’employeur

Les conducteurs de camions, certes au premier plan, reçoivent des formations régulières obligatoires, qui intègrent les risques, dont la téléphonie. « Ce n’est pas le cas d’un commercial qui parcourt 60 000 km par an et passe plus de mille heures au volant, complète Éric Billiard, ingénieur conseil à la Carsat Rhône-Alpes. Il conduit de manière intensive, sans toujours être formé, et le téléphone est son outil de travail privilégié. » Anne-Sophie Valladeau ajoute : « Pour eux, comme pour les salariés qui font le trajet domicile-travail en voiture – et ont trois fois plus d’accidents qu’en mission, NDLR –, l’engagement de l’employeur est décisif pour prévenir le risque routier. »

Selon l’experte, une fois désigné un référent, souvent en charge de la flotte ou de la qualité-sécurité, « il importe de respecter quatre principes, qui intègrent la téléphonie : fournir au salarié un véhicule adapté, le former à la conduite, organiser ses déplacements – voire, les éviter – et bien gérer la communication ». Elle insiste aussi sur cette première règle : « Il faut éteindre son téléphone en route, avec une messagerie adaptée – de type, « je suis au volant… » – pour ne pas être tenté de répondre. Et instituer un protocole de communication, avec des plages horaires toutes les deux heures, dans un endroit identifié. »

L’interdiction d’utiliser un téléphone au volant est une constante dans les entreprises très actives dans la prévention du risque routier. « Nous le rappelons régulièrement à nos 50 conducteurs, explique Marie Pupier, chargée des RH aux transports Péjy (42), spécialisés dans les matières dangereuses. Ils ne répondent pas en route, s’arrêtent pour rappeler, scannent leur bon de livraison depuis chez le client et n’ont pas le droit d’utiliser leur portable personnel pendant le service. » Il n’empêche, commente Yvan Pupier, le Pdg, qui regrette que les brouilleurs de lignes ne soient pas autorisés en France, « c’est l’un des interdits les plus difficiles à faire respecter, en particulier avec les jeunes ».

Même fermeté chez Cetup, autre transporteur : « Tous nos véhicules récents sont équipés de kits mains libres, mais la perte de concentration est la même qu’avec le portable en main, tranche Tanguy de la Rochette, responsable de la flotte. La règle est donc de s’arrêter pour téléphoner. » Et si les 170 “pilotes” de Cetup n’ont donc pas de formation obligatoire – puisqu’ils conduisent des véhicules utilitaires légers (VUL) de moins de 3,5 tonnes –, le responsable de la flotte insiste sur le rôle de la formation à l’écoconduite : « Elle a infléchi la courbe de nos sinistres, essentiellement mineurs et matériels, qui ont été divisés par deux en quatre ans. »

Essentielle, selon Éric Billiard, « la formation doit répondre à un plan de prévention précis » et, surtout pour le téléphone, à une organisation des déplacements qui limite les pressions – notamment celles de l’encadrement – sur les conducteurs, afin qu’ils ne se sentent pas obligés d’accélérer ou de répondre au téléphone. « La gestion de la communication doit s’inscrire dans le planning, résume Patrick Oberto. Et être organisée. »

Organiser un circuit de communication

C’est ce qui se passe à Eurotherm Automation, filiale industrielle de Schneider Electric à Lyon (qui produit des régulateurs de température), dont la cinquantaine de véhicules est utilisée par les 22 commerciaux, les 23 techniciens et la direction. « Avec 1,2 million de kilomètres par an en mission – contre 2 millions en 2002 –, nous progressons mais restons très exposés au risque routier, explique Patrick Ruget, responsable QHSE. Et, parmi toutes nos actions – formations, sensibilisations –, nous misons de plus en plus sur l’organisation. » Ainsi, « l’interdiction de téléphoner au volant » s’accompagne chez Eurotherm d’une reformulation des circuits de communication, qui permet aussi de limiter les déplacements. Chez les dirigeants, certaines réunions sont remplacées par des “conf calls” entre sites. Idem pour les commerciaux, que le manager “téléréunit” une fois par semaine sur un temps programmé et qui, depuis cinq ans, peuvent organiser des vidéoconférences avec les clients grâce à un logiciel dédié. Pour les urgences, une assistante saisit aussi les demandes dans un système qui informe le commercial par e-mail. Côté technique, trois techniciens ont été sédentarisés pour gérer une hot line, et tous les professionnels peuvent également intervenir à distance – via un système informatique – pour des problèmes mineurs. Patrick Ruget le constate sur le terrain : « Quand la communication est cadrée, le management est plus serein. La conduite aussi. »

Auteur

  • Florence Roux