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Sur le terrain

Retour sur… : Le travail de jour dans les entreprises de nettoyage

Sur le terrain | publié le : 15.09.2015 | Rozenn Le Saint

En mars 2014, l’accord sur le temps de travail des salariés de la propreté visait à limiter les temps partiels fractionnés et le travail de nuit. Tels ont été les objectifs de leur passage en horaires de jour. Il reste encore à lever les freins côté décideurs, qui craignent le risque de bruit et une baisse de productivité de leurs salariés pendant le passage des équipes de nettoyage.

Les emplois du temps en pointillé avec des horaires très matinaux ou bien tardifs le soir, le travail de nuit, les temps partiels subis… Les conditions de travail des salariés du nettoyage, population féminine à 67 %, sont pénibles. En mars 2014, un accord sur le temps partiel a passé de dix à seize heures le minimum hebdomadaire, mais cela reste inférieur à ce que prévoit la loi issue de l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013 pour les autres secteurs. Depuis 2007, la Fédération des entreprises de propreté (FEP) essaie d’étendre les horaires de jour. « C’est extrêmement demandé par les salariés. Le tout est de convaincre les donneurs d’ordre, installés dans une routine avec le ménage réalisé tôt le matin ou tard le soir, regrette Manu Lécot, secrétaire national CFDT à la fédération des services. Nous ne pouvons pas faire grand-chose si ce n’est sensibiliser les autres fédérations pour qu’elles influent sur leurs entreprises, qui sont nos clients. »

La société Challancin, 4 000 salariés, travaille essentiellement sur les marchés publics et s’est lancée dans le travail de jour en 2000. Avec un fléchissement important quand elle est parvenue à convaincre la SNCF, la RATP et EDF en 2013, grâce à un argument phare : « Le fait que les clients voient les équipes de nettoyage en action contribue au sentiment de propreté du public, qui le perçoit comme positif. Il est davantage tolérant s’il repère un endroit sale, il sait que cela va être réglé ; et voir les personnels à l’œuvre l’incite à davantage d’empathie et de reconnaissance », expose Catherine Chalvin, présidente de Challancin.

Pour autant, même si cette entreprise précurseur a réussi à offrir un temps complet à 52 % de ses salariés (contre 25 % en moyenne dans le secteur), elle estime que 70 % des prestations se font encore sur des plages horaires de trois heures tôt le matin ou tard le soir. Car il est plus difficile de convaincre les entreprises du tertiaire, dont les dirigeants et les salariés craignent une baisse de la productivité et un dérangement sonore liés au passage des équipes de nettoyage dans l’open space pendant les horaires de bureau.

« Pourtant, il faut l’essayer pour que les clients comprennent que notre personnel profite du moment où leurs salariés vont prendre un café ou scanner un dossier pour passer dans leur bureau, assure Catherine Chalvin. Par ailleurs, la rencontre entre nos collaborateurs et les leurs permet une meilleure compréhension : si le nettoyage des ordinateurs n’est pas compris dans la prestation, les salariés peuvent en faire la demande au service achat. »

À Proclair, les clients craignaient d’être dérangés. Les autres réticences, comme le risque de chutes sur sols mouillés, sont rapidement apaisées par la pose de signalétiques. Dans une newsletter envoyée à l’ensemble de ses clients, la société de nettoyage a insisté sur l’achat d’aspirateurs moins bruyants en partie financé par la Carsat (sur trois ans, elle prend en charge entre 20 % et 35 % des achats santé et sécurité innovants, ce qui revient à environ 50 000 euros en tout) et la formation de ses salariés au travail en coprésence. « Leur responsable les forme à repérer le jour et les heures de pause du personnel pour nettoyer leur bureau à ce moment, et un guide est distribué où les bases du travail en coprésence sont rappelées, comme le fait de frapper avant d’entrer dans un bureau, d’être souriant », indique Caroline Garcia, chargée de projet à Proclair.

80 % d’agents à temps complet

Par défaut, un grand nombre de chantiers se réalisaient déjà en horaires de jour dans le secteur scolaire ou l’hôtellerie, notamment. En tout, une quinzaine de clients a adhéré à la démarche. Après l’opération de communication, Proclair a listé les entreprises où les horaires de jour seraient possibles, impossibles ou partiels avec des agents qui commencent à 7 heures, réalisent une partie du ménage quand les personnels sont présents et l’autre après la sortie des bureaux. Résultat, l’entreprise bat un record avec 80 % de ses salariés à temps complet depuis le lancement du processus de changement des horaires d’intervention en juin 2014.

Dans le groupe GSF, c’est un de ses clients, Danone, qui a demandé le passage aux horaires de jour, dans une démarche RSE. « Le travail est différent. Nous avons formé pendant deux jours les personnes à s’adapter, à dire bonjour, à positionner leur chariot pour ne pas déranger les salariés. Par ailleurs, nous les avons dotés de davantage de tenues de change, pour que leur blouse soit toujours impeccable et pour préserver un sentiment de propreté », témoigne Denis Pollet, vice-président de GSF.

Contre toute attente, il n’est pas toujours aisé de convaincre le personnel en question de travailler de jour, même si les transports sont moins accessibles tôt le matin et tard le soir et la vie sociale plus facile avec des horaires classiques ; certains s’en étaient arrangés. « Des salariés ont organisé leur vie familiale en fonction de ces horaires, ils peuvent s’occuper de leurs enfants la journée. Et ils préfèrent travailler de nuit quand les locaux sont vides, cela va plus vite », témoigne la chargée de projet de Proclair, qui diffuse des témoignages de salariés comblés par leurs horaires de jour pour aider les autres à franchir le pas. Depuis le passage aux horaires de jour, le taux d’absentéisme est passé de 20 % à 14 %.

Chez Challancin, pour améliorer le savoir-être et la communication en cas de passage en horaires de jour, les salariés analphabètes sont, par ailleurs, incités à se former.

Auteur

  • Rozenn Le Saint