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LA SEMAINE

La culture du dialogue social est à refonder

LA SEMAINE | publié le : 15.09.2015 | Nicolas Lagrange

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La culture du dialogue social est à refonder

Crédit photo Nicolas Lagrange

Défiance des directions, postures des syndicats… Pour sortir de ce cercle vicieux, Jean-Denis Combrexelle préconise dans le rapport qu’il vient de remettre au Premier ministre un meilleur partage de l’information, des agendas sociaux concertés, des formations paritaires ou encore un enseignement du dialogue social pour les futurs managers.

Missionnée par le gouvernement au mois d’avril 2015 pour renforcer le rôle de la négociation collective dans l’élaboration des normes, la commission Combrexelle a remis, le 9 septembre, son rapport au Premier ministre. Les 44 propositions qu’il contient – certaines techniques, d’autres théoriques –, seront examinées par les partenaires sociaux dans le cadre d’une concertation qui se poursuivra jusqu’à la conférence sociale des 19 et 20 octobre. Un projet de loi sera présenté fin 2015 ou début 2016 pour un vote avant l’été, a déclaré le Premier ministre.

« Bilan mitigé »

Le dialogue social est le point de convergence entre efficience économique et progrès social, mais la négociation collective, malgré les nombreux accords qu’elle produit, aboutit à un « bilan mitigé », estime le rapport. Notamment, elle a « tendance à accentuer la dualité du marché du travail » et est perçue comme un « centre de coûts » par les entreprises.

Afin de dynamiser la négociation et de renforcer sa légitimité affaiblie, Jean-Denis Combrexelle, ex-directeur général du travail (DGT), fait donc 44 propositions. Un premier bloc de propositions vise à créer une culture de la négociation chez les acteurs, un second vise à modifier le Code du travail (lire ci-après).

Dans trop de négociations d’entreprise, « l’exigence de loyauté est en cause : absence de loyauté de l’entreprise dans la présentation des chiffres, des stratégies à moyen ou long terme et des objectifs ; absence de loyauté des syndicats dans le refus de prendre en compte l’intérêt même de l’entreprise en équilibre avec l’intérêt des salariés… ». Le constat dressé par Jean-Denis Combrexelle est sans complaisance.

« C’est à l’employeur de faire le premier pas pour créer les conditions favorables à la confiance et à la loyauté », insiste-t-il. « La fonction RH doit reprendre le lead sur les enjeux économiques et stratégiques et être plus transparente, abonde Michèle Rescourio-Gilabert, directrice de projet à Entreprise & Personnel. En se focalisant moins sur les process et les aspects juridiques des relations sociales », assure l’ancienne avocate, qui regrette la mise en place le plus souvent a minima de la BDES. Même son de cloche à la CFE-CGC : « Les échanges sur la stratégie sont déterminants pour la confiance, estime la secrétaire générale, Marie-Françoise Leflon. Tout comme la présence de salariés dans les conseils d’administration, qu’il faut encore renforcer. »

Jean-Denis Combrexelle souligne aussi le vieillissement des négociateurs côté syndical, le risque de déconnexion du terrain et la difficulté à attirer des jeunes salariés. Tout comme la valorisation insuffisante des postes de responsables des relations sociales par les entreprises. Il préconise, par ailleurs, des formations plus opérationnelles ainsi que des lieux d’enseignement paritaire, comme au Québec. « Les formations doivent davantage porter sur l’histoire sociale et syndicale, le jeu des acteurs et les modes d’organisation de l’entreprise, pour favoriser une compréhension réciproque et générer, in fine, des compromis », approuve Michèle Rescourio-Gilabert.

Valoriser les parcours

Côté syndical, « les militants doivent être mieux formés à la négociation, reconnaît Marie-Françoise Leflon, mais aussi mieux valorisés dans leur parcours. Les avancées de la loi Rebsamen sur le sujet sont réelles, mais insuffisantes ».

Les formations doivent également concerner les consultants, avocats et experts-comptables, s’agissant des TPE-PME et, d’une manière générale, les futurs managers et dirigeants, plaide Jean-Denis Combrexelle : « Les entreprises doivent exiger des grandes écoles d’ingénieurs et de commerce, mais aussi des universités, qu’elles dispensent un enseignement du dialogue social et de la négociation. » Le député Jean-Frédéric Poisson, président du Parti chrétien-démocrate, va plus loin : « Il faudrait créer des unités de valeur sur les relations sociales et le management dans la délivrance de nombreux diplômes de l’enseignement supérieur », suggère l’auteur du rapport sur la négociation collective et les branches professionnelles, en avril 2009.

Enfin, l’ancien DGT encourage la multiplication des accords de méthode pour systématiser les agendas sociaux et régler les questions d’organisation de la négociation, avec la possibilité de rédaction du texte par « une plume tournante ». Les négociations interprofessionnelles pourraient se dérouler au CESE plutôt qu’au Medef, réagit Jean-Frédéric Poisson. Au niveau des branches, où les employeurs sont en position dominante, des incitations financières pourraient favoriser une gouvernance paritaire. Enfin, dans les entreprises, les dirigeants devraient balayer devant leur porte en commençant par assister aux réunions des IRP, s’ils veulent redorer le blason du dialogue social. »

Auteur

  • Nicolas Lagrange