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L’INTERVIEW : Michèle Rescourio-Gilabert Directrice du développement de DS & O, directrice de projet à Entreprise & Personnel

L’enquête | L’INTERVIEW | publié le : 08.09.2015 | E.F.

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L’INTERVIEW : Michèle Rescourio-Gilabert Directrice du développement de DS & O, directrice de projet à Entreprise & Personnel

Crédit photo E.F.

« Les accords de promotion d’une politique sociale ne sont souvent pas négociés pour donner lieu à des actions concrètes »

À première vue, la finalité d’un accord d’entreprise est de créer des règles internes à appliquer. Mais, dans votre étude “Réussir le déploiement des accords collectifs d’entreprise”*, vous soutenez que les choses sont en fait plus compliquées. Qu’en est-il ?

Tous les acteurs des négociations ont en tête que le déploiement d’un accord consiste à faire appliquer les mesures négociées. Dans un contexte où la négociation d’entreprise n’a jamais été aussi développée, cela explique les nombreuses insatisfactions ressenties par ces négociateurs. Car les questions liées au déploiement des accords sont en fait différentes suivant la nature de ceux-ci. Je distingue deux grands types d’accords. D’un côté, les accords de type salaire, intéressement, participation, prévoyance, temps de travail, compensation des heures supplémentaires, droit syndical, etc. déclinés directement dans l’entreprise sans en passer par une cascade d’autres négociations à un niveau inférieur. Ces accords normatifs créent des règles qui ne sont pas vraiment sujettes à interprétation.

Il en va différemment des accords-cadres ou de promotion d’une politique sociale, type GPEC, RSE, conditions de travail, mais aussi ceux relatifs aux seniors ou à l’égalité professionnelle, qui sont à négocier dans un temps contraint, alors que ces sujets nécessiteraient des changements profonds de mentalité. Ces accords ne peuvent que reprendre des engagements généraux, ils ébauchent des actions qui resteront à décliner par les acteurs de l’entreprise.

Les enjeux des accords “normatifs” et des accords de “promotion d’une politique sociale”, ainsi que les acteurs qu’ils mobilisent respectivement, sont-ils différents ?

Les enjeux d’un accord normatif sont immédiatement lisibles par tous : l’entreprise, les salariés, leurs représentants, les managers. Leur application ne pose donc pas vraiment de problème. L’acteur privilégié de son déploiement est la fonction RH, garante des règles au niveau de l’entreprise.

L’accord de promotion d’une politique sociale comporte un enjeu de communication pour l’entreprise. Il affirme son intérêt pour un thème particulier vis-à-vis des salariés, des sous-traitants, des clients, des concurrents et des pouvoirs publics. L’objet de son déploiement n’est pas identifiable concrètement immédiatement. Il pose la question du rôle des organisations syndicales dans sa mise en œuvre et de leur intérêt à y contribuer. Il interroge également l’articulation entre la DRH centrale et les RH locales, ainsi qu’entre les délégués syndicaux centraux et leurs homologues locaux.

Au final, la mise en œuvre d’un accord de promotion est souvent laissée à l’appréciation des managers, déjà sollicités sur de multiples sujets, parfois avec l’aide de la direction de la communication, qui développe des outils à leur intention. C’est pourquoi ils restent souvent lettres mortes ; ils ne sont d’ailleurs souvent pas négociés pour donner lieu à des actions concrètes.

Alors que le gouvernement réfléchit au renforcement de la place de l’accord, la négociation est-elle adaptée à tous ces sujets ?

Il ne semble pas qu’un accord de promotion d’une politique sociale ait la moindre incidence sur le quotidien des salariés. Dès lors, pourquoi le négocier ? Certes, il est politiquement correct, pour une direction d’entreprise, d’impliquer les partenaires sociaux à tous les niveaux ; mais garder le privilège du déploiement d’une politique sociale ne permettrait-il pas de rétablir les responsabilités des uns et des autres ? Sur les thèmes sociétaux, une concertation ne serait-elle pas préférable à une négociation ?

* “Réussir le déploiement des accords collectifs d’entreprise”, Michèle Rescourio-Gilabert, en collaboration avec Jean-Pierre Basilien et Sophie Pagès, Entreprise & Personnel, décembre 2012.

Auteur

  • E.F.