logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

L’enquête

LES LIMITES DU consensus social

L’enquête | publié le : 01.09.2015 | É. S.

La concentration du secteur s’est faite jusqu’ici sans licenciements ni mobilités géographiques contraintes. Une promesse sociale soutenue par un nombre important de départs à la retraite, mais complexe à gérer.

En janvier 2016, les 370 salariés de la Mget (Mutuelle générale de l’équipement et des territoires) rejoindront les troupes de la Mgen. Une fusion-absorption entérinée au début de l’été par les deux assemblées générales, qui ont pris les mêmes engagements vis-à-vis de leurs salariés : le maintien de l’emploi et pas de mobilité géographique contrainte. « Nous respecterons l’esprit de l’article L. 1224-1 du Code du travail ; aussi, chaque collaborateur aura un poste correspondant à ses compétences », insiste Philippe Gerbet, DRH du groupe Mgen. S’il n’a pas « identifié de doublons majeurs », ses équipes ont commencé à recevoir les salariés de la Mget « pour faire le point sur les compétences et les potentialités de chacun ».

D’ores et déjà, certains postes vacants ont été gelés ou pourvus par des CDD, pour qu’ils puissent être occupés par des salariés de la Mget. « Une quinzaine nous ont déjà rejoints par le biais de mises à disposition. » Et, dans les prochaines semaines, « nous démarrerons des formations, et organiserons des périodes d’immersion de trois semaines dans nos structures pour anticiper leur intégration ».

Départs naturels

Pas de suppressions d’emploi et pas de mobilités géographiques imposées : dans le secteur des mutuelles, les concentrations se sont généralement faites sur ces deux principes. Respectés jusqu’ici, constate Hervé Defalvard, responsable de la chaire ESS à l’université Paris-Est Marne-la-Vallée. Pour cela, elles se sont donné le temps de jouer sur les départs naturels et ont mis en place des mobilités fonctionnelles, parfois contraintes. Ce qui fait que « les fusions se sont réalisées globalement sans casse, mais pas sans difficultés », résume-t-il. De fait, « conserver à chacun son emploi dans sa région n’est ni évident ni toujours très efficient : cela implique du management à distance, beaucoup de déplacements, des services support éclatés géographiquement, explique Christel Babut, DRH d’Eovi MCD Mutuelle, qui a connu trois fusions depuis 2012. Pour fonctionner, nous avons choisi de spécialiser les sites, ce qui implique de faire évoluer les personnes dans leur métier ».

Pas simple, d’autant que le temps s’accélère : « La première fusion, en 2012, a été préparée pendant deux ans, ce qui a permis d’apprendre à se connaître et d’amoindrir le choc pour les salariés le jour de leur transfert. Mais pour la deuxième, avec MCD, début 2014, nous n’avons eu que six mois de préparation, et elle n’était pas digérée lorsque la troisième, avec Myriade, a eu lieu, le 1er janvier 2015, continue Christel Babut. Nous sommes donc aujourd’hui confrontés à un mille-feuille organisationnel. » La mutuelle s’apprête à opérer un vaste chantier de rationalisation du réseau d’agences, et à entrer en négociation pour déterminer les accompagnements des mobilités prévues, fonctionnelles ou, cette fois, géographiques. « Nous ne voulons pas créer de choc social, et nous donner le temps pour éviter les licenciements et les mobilités contraintes, sachant que la pyramide des âges peut encore nous aider », rassure pour l’heure la DRH.

Des ajustements démultipliés

Mais il est clair, alerte Hervé Defalvard, que les garanties sociales accordées lors des fusions pourraient bientôt atteindre leurs limites : « Les rapprochements vont concerner des structures de plus en plus importantes, ce qui signifie des effectifs plus nombreux à gérer, des ajustements démultipliés : pourra-t-on maintenir les mêmes engagements, qui, par ailleurs, pèsent sur les résultats économiques, alors que la généralisation de la complémentaire santé exacerbe la concurrence ? Et la gouvernance politique conservera-t-elle ses principes mutualistes à mesure qu’elle s’éloignera du local au profit d’un fonctionnement plus centralisé » La question n’est pas vaine : en 2013, on comptait 480 mutuelles, soit trois fois moins qu’en 2001. Et le mouvement continue.

Auteur

  • É. S.