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Sur le terrain

RETOUR SUR… La politique de gestion des âges à la Ville de Paris

Sur le terrain | publié le : 25.08.2015 | Mariette Kammerer

EN 2013, pour faire face à l’allongement des carrières et au vieillissement de sa population, la Ville de Paris a conclu un accord Âges et générations, le premier du genre dans la Fonction publique. Bilan à mi-parcours.

En mars 2013, la Ville de Paris, qui compte 55 000 agents et 21 directions, signait pour trois ans un accord intitulé Âges et générations, dans un contexte de vieillissement de ses effectifs – l’âge moyen est de 45 ans – et d’allongement des carrières. « Il ne concerne pas uniquement les seniors mais les différentes générations d’agents et traite des aspects GPEC, formation, mobilités, carrières et non-discrimination », explique Sophie Prince, DRH adjointe.

« Paris est la seule ville à disposer d’un accord aussi complet, la Fonction publique n’ayant pas d’obligation à négocier sur ce sujet », rappelle Françoise Riou, signataire CFDT. Un texte signé par quatre organisations syndicales (CFDT, CFTC, Union des cadres de Paris – UCP –, Unsa) qui s’ajoute à deux autres accords – formation et santé et sécurité au travail – négociés précédemment.

Un enjeu important était le maintien dans l’emploi et la reconversion des agents exerçant des métiers pénibles, notamment dans les services propreté, espaces verts et petite enfance. « Plus de 4 000 agents sont concernés par des restrictions médicales et des incapacités partielles nécessitant des aménagements de poste. Ces situations concernent plus de 10 % des effectifs dans certaines directions », souligne Françoise Riou. D’où l’objectif de favoriser les mobilités en amont pour préparer les fins de carrière.

SECONDE CARRIÈRE

La DRH a donc créé un lieu ressources, avec une équipe dédiée, où les agents peuvent s’informer et bénéficier d’un entretien mobilité-carrière. Dès les premiers signes d’usure, et sans critère d’âge, les agents ayant quinze ans d’expérience professionnelle peuvent s’engager dans un processus de « formation-reconversion seconde carrière ». Ils réalisent alors un bilan professionnel de six semaines avec un prestataire extérieur, choisissent un métier et s’engagent dans une formation dispensée par un Greta partenaire.

« Avec ce processus, encore expérimental, nous voulons diversifier les parcours et élargir les possibilités de reconversion vers tous les types de métiers, et pas seulement vers les postes administratifs comme cela se faisait jusqu’ici », explique la DRH adjointe. La Ville a réalisé 101 bilans professionnels en 2013 et 184 en 2014. Et cinq agents exerçant les métiers de paveur, éboueur et auxiliaire de puériculture inscrits dans ce parcours vont valider avant l’été des CAP de jardinier, électrotechnicien et petite enfance.

Au sein de la DRH, une mission handicap-reconversion est en outre chargée de développer les passerelles entre métiers. À cette fin, plus de 300 fiches métiers ont été actualisées. Cette démarche vient compléter un dispositif de formation interne appelé Emplois-tremplins, qui a permis la reconversion de 52 agents en 2013, 56 en 2014.

Pour encourager la découverte des métiers et les mobilités, la DRH organise également des forums des métiers par catégorie d’emploi. Cette démarche peut être prolongée par une immersion de quelques jours dans un autre service : 225 formations-découvertes (dispositif figurant déjà dans l’accord formation et repris dans le texte sur la gestion des âges) ont ainsi été réalisées en 2014, et la Ville a reçu 510 demandes pour cette année.

Malgré ces initiatives, les mobilités intermétiers demeurent cependant, selon la CFDT, très limitées, notamment du fait de régimes indemnitaires disparates : « Un égoutier qui passe sur un poste administratif perd d’importantes primes liées à la pénibilité, explique Françoise Riou. Or beaucoup d’agents ne sont pas prêts à accepter cette baisse de salaire. Les blocages viennent aussi des commissions administratives paritaires, qui valident les promotions et changements de métiers. »

LUTTE CONTRE LES DISCRIMINATIONS

Autre enjeu de l’accord : faire en sorte que l’âge ne soit plus le premier motif de discrimination vécu par les agents, ainsi que le révélait une enquête de l’Institut national d’études démographiques (Ined) en 2010. Dans ce but, la Ville forme chaque année 300 à 400 encadrants, y compris ceux de catégories B et C, au management intergénérationnel et à la lutte contre les stéréotypes. Un passage à présent obligé pour les nouveaux cadres. Les demandes de formation émanant des directions ont ainsi augmenté de 29 % depuis la signature de l’accord.

Concernant la valorisation des fins de carrière, un nouvel indicateur ajouté au bilan social a montré que l’accès à la formation des agents les plus âgés ne posait pas de problème : « Plus de la moitié de nos seniors ont suivi une formation dans l’année, explique la DRH adjointe. Ils représentent un tiers des agents formés, soit l’équivalent de leur part dans nos effectifs. »

Pour favoriser l’égalité des chances et les évolutions de carrière, la Ville de Paris a par ailleurs intégré dans tous les examens de promotion de grade des épreuves centrées sur l’expérience et le parcours professionnels : « Une démarche nouvelle et généralisée », souligne Sophie Prince.

En termes de transmission des connaissances, le tutorat a été développé. Certaines directions ont réalisé des expositions, par exemple sur le métier d’égoutier, et recueilli des témoignages d’anciens, afin de valoriser le patrimoine professionnel. Enfin, la DRH a multiplié les journées d’information collective, les rendez-vous individuels et les plaquettes de communication sur la préparation à la retraite : « Un gros travail pour nos équipes, qui répondait à une forte attente des agents », commente-t-elle. Autant de dispositions inédites en matière de gestion des âges des fonctionnaires, dont s’est inspirée la Police nationale pour élaborer son premier plan seniors (lire Entreprise & Carrières n° 1235).

Auteur

  • Mariette Kammerer