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L’enquête

L’INTERVIEW : FLORENCE OSTY SOCIOLOGUE, DIRECTRICE DE L’EXECUTIVE MASTER SOCIOLOGIE DE L’ENTREPRISE ET STRATÉGIE DE CHANGEMENT, À SCIENCES PO PARIS

L’enquête | L’INTERVIEW | publié le : 25.08.2015 | Violette Queuniet

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L’INTERVIEW : FLORENCE OSTY SOCIOLOGUE, DIRECTRICE DE L’EXECUTIVE MASTER SOCIOLOGIE DE L’ENTREPRISE ET STRATÉGIE DE CHANGEMENT, À SCIENCES PO PARIS

Crédit photo Violette Queuniet

« La question du sens est au cœur de la demande d’intervention sociologique »

Les entreprises sont-elles demandeuses d’interventions de sociologues ?

Il existe une demande, mais elle est loin d’être majeure. Le gros de la prestation de conseil concerne des interventions standardisées axées sur des techniques ou sur l’accompagnement du changement, sans pour autant réinterroger le bien-fondé de ces changements. Or le préalable de toute intervention sociologique est de comprendre la demande et de transformer une question que le commanditaire pose en termes d’action – comment motiver mes salariés ? Comment faire aboutir mon projet ? – en une question qui incorpore un pourquoi : pourquoi ce taux de turnover qui augmente ? Pourquoi des indices forts de RPS alors qu’une démarche de prévention existe ?, etc. Il s’agit de s’emparer d’une question qui n’appelle pas une solution mais une sorte de résolution. C’est moins confortable et moins rassurant.

Les entreprises ont-elles peur que le sociologue ouvre la boîte de Pandore ?

Effectivement. L’intervention sociologique part du principe qu’il faut mettre en interaction les différents acteurs en présence. Ils ont tous des enjeux différents, mais c’est par leur confrontation qu’ils peuvent arriver à s’entendre sur un compromis qui n’est pas parfait, mais qui sera une règle du jeu acceptable pour tous. Elle risque donc de restaurer une conflictualité que les entreprises ont largement bannie. Comme l’a montré le sociologue Marc Uhalde, on ne s’empare plus, dans les organisations, de ce qui fait problème, mais on arrive à des situations où l’évitement devient la manière ordinaire de procéder. Chacun reste dans sa bulle, essaie de se débrouiller avec des formes d’investissement important au travail, mais finalement avec très peu d’efficacité. Même si la finalité de la confrontation des acteurs est de parvenir à un accord, cela fait peur. Certaines entreprises peuvent aussi redouter le réveil des autonomies, de la créativité : tout en souhaitant des salariés faisant preuve d’initiative, elles veulent aussi qu’ils soient conformes. Il y a d’ailleurs une logique très paradoxale dans certaines demandes d’intervention : le souhait de comprendre, d’aller plus loin, mais sans faire d’enquête. Il se manifeste l’angoisse d’un chaos social, alors que les nouveaux mythes autour du travail collaboratif et d’organisations sans chefs reviennent comme contre-modèles.

Qu’est-ce qui motive une demande d’intervention sociologique ?

En général, cela se fait soit à la demande de “passeurs”, des personnes qui, dans l’entreprise, ont l’intuition que le changement ne se déploie pas instantanément, que le temps est nécessaire pour s’approprier les choses ; soit parce que les solutions déployées n’ont pas marché. Le point commun, c’est une demande de sens. On constate d’ailleurs la même motivation chez les personnes qui s’inscrivent à notre master – qui se fait en formation continue. Il y a vingt ans, c’était pour devenir des acteurs du changement. Aujourd’hui, ils sont en quête de sens. Ils ont pris conscience que l’entreprise est en état de changement permanent, mais ils veulent en quelque sorte s’étayer pour préserver du sens, sortir de l’impuissance et retrouver du pouvoir d’action à partir de ressources de compréhension et de décryptage des situations.

Auteur

  • Violette Queuniet