logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

L’enquête

LA SOCIOLOGIE AU CHEVET DU BIEN-ÊTRE AU TRAVAIL

L’enquête | publié le : 25.08.2015 | V. Q.

Pour lancer sa démarche de bien-être au travail, Euroclear a fait réaliser un diagnostic-action reposant sur une approche sociologique.L’enjeu : mieux appréhender les risques liés au changement grâce à la compréhension des systèmes de valeur des différents métiers.

En quelques années, les salariés d’Euroclear France ont connu nombre de bouleversements : un plan de départs volontaires en 2010, un déménagement avec une organisation en open space et, actuellement, un projet informatique majeur (Target2-Securities) imposé par la réglementation financière européenne. Projet qui, au-delà de l’aspect technique, va impacter le modèle économique de cette société de dépôt et livraison-règlement de titres boursiers.

Tous les collaborateurs ne vivent pas sereinement ces transformations. Soucieux de prévenir les risques psychosociaux, les représentants du personnel ont demandé en 2013 la mise en place d’une démarche de « bien-être au travail ». La direction a confié au cabinet Diagnose-TIC le soin de mener un diagnostic-action pour identifier les causes de tension. Les consultants du cabinet ont l’habitude de mobiliser des grilles d’analyse empruntées notamment à la sociologie du risque et à la sociologie des modèles culturels. « Une entreprise n’est pas homogène. On voit souvent cohabiter plusieurs groupes sociaux – réunis autour d’un métier ou de missions – qui ont des systèmes de valeurs, des comportements différents et donc des modèles culturels divers. Et, selon ces modèles, l’appréhension des risques est très différente. Dans une démarche de prévention des risques, il est donc essentiel de rendre ces systèmes de valeur explicites pour mieux agir ensuite », explique la consultante de Diagnose-TIC, Carol Dubois.

IDENTIFICATION DU MODÈLE CULTUREL

Il est ainsi apparu, au terme de l’enquête menée par la consultante, que l’anxiété d’une partie du personnel était liée à leur modèle culturel dit « hiérarchique », hérité de l’histoire (avant d’être intégrée au groupe international Euroclear en 2001, la société s’appelait Sicovam et était française). Dans ce modèle, la protection des individus contre les risques passe par la protection de l’institution. Le risque paraît donc d’autant plus important que l’institution semble en danger. Le projet T2S cristallise ces peurs, car la gestion du risque informatique est au cœur du métier d’Euroclear : ce sont plusieurs centaines de milliards d’euros qui, chaque année, transitent par sa plate-forme très performante.

Parallèlement, d’autres salariés vivent beaucoup mieux les changements. Ceux-là sont dans d’autres modèles – communautaire, entrepreneurial –, où le risque est davantage vécu comme une opportunité ou pris en charge de façon solidaire par l’équipe.

Ces constats ont conduit à identifier trois problématiques à traiter – le choc des valeurs, l’incompréhension de l’évolution très rapide de l’entreprise, le management et ses marges de manœuvre – et à un plan d’action. Sur sa partie accompagnement collectif (l’accompagnement individuel est réalisé par un autre cabinet), on trouve des formations – sur les modèles culturels, sur le management, sur le traitement des plaintes. Mais aussi des actions dans le droit fil du management du travail recommandé par l’Anact (lire l’interview p. 38). Euroclear a ainsi mis en place des groupes d’échanges de pratiques, l’un transversal, l’autre limité à une direction opérationnelle où managers et non-managers recherchent ensemble des solutions à certaines problématiques et les testent ensemble. Un troisième groupe doit être créé sur les outils, autour du thème : “comment améliorer toutes les petites choses qui nous empoisonnent la vie”.

Le service RH a également été accompagné par la consultante de Diagnose-TIC pour réfléchir à l’évolution de son travail – la DRH est de plus en plus sollicitée pour mener des projets groupe –, aux causes de tension et aux facteurs d’amélioration. Ces réunions centrées sur le travail sont bien accueillies : « Parler de son métier provoque un soulagement immédiat parce que cela permet de dénouer des choses et de prévenir des problèmes. Mais il faut être patient : c’est sur le long terme que l’on commencera à en recueillir les fruits », estime Sophie Monfort, DRH d’Euroclear.

OBJECTIVATION

Elle a, en tout cas, apprécié le regard sociologique porté sur l’organisation : « Cette grille de lecture permet d’objectiver les choses et, en se l’appropriant, elle est très utile pour éclairer de nouvelles situations. Elle relativise aussi l’approche par les différences nationales – l’entreprise française dans un groupe belge – qui servait un peu rapidement d’explication. » Arrivée en 2013, alors que la démarche “bien-être au travail” était déjà dans les tuyaux, la DRH reconnaît même que l’analyse sociologique lui « a permis de gagner dix ans dans la connaissance de l’entreprise ».

REPÈRES

Activité

Dépôt et livraison-règlement de titres boursiers.

Effectifs

3 684 salariés, dont 320 en France.

Chiffre d’affaires 2014

1,39 milliard d’euros.

Auteur

  • V. Q.