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L’échéance retraite TRACASSE LES SENIORS

ZOOM | publié le : 16.06.2015 | Hélène Truffaut

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Crédit photo Hélène Truffaut

Comment sortir les caisses Agirc et Arrco de l’ornière ?Le sujet préoccupe au premier chef les salariés de 45 ans et plus interrogés dans le cadre de notre 17e baromètre. Des seniors qui plébiscitent aussi l’information sur la retraite et sont nombreux à vouloir jouer les prolongations.

Un résultat global 2014 de nouveau déficitaire, de 1,98 milliard d’euros pour l’Agirc et de 1,15 milliard d’euros pour l’Arrco : le déséquilibre financier des caisses et, partant, l’avenir des retraites complémentaires inquiètent largement les salariés de 45 ans et plus interrogés dans le cadre de ce 17e baromètre seniors : globalement, 84 % se disent personnellement préoccupés (voir l’infographie ci-dessous). Ils sauront bientôt à quoi s’en tenir. Du moins si les partenaires sociaux, en négociation sur les remèdes à appliquer, parviennent à s’entendre le 22 juin prochain, après le rejet par les syndicats de salariés des dernières propositions du Medef (dont un abattement temporaire et dégressif – de 40 % à 62 ans – sur les pensions perçues avant 67 ans).

Beaucoup anticipent d’ailleurs une baisse du taux de remplacement : plus d’un quart des sondés (28 %) ont souscrit un plan d’épargne retraite populaire (Perp). Et de plus en plus d’employeurs s’emparent de la problématique qui, pour certains, relève de la responsabilité sociale de l’entreprise, quand d’autres y voient simplement une nouvelle composante du package global de rémunération. De fait, 31 % des seniors interrogés disent jouir, dans leur entreprise, d’un dispositif de type Perco ou régime de retraite surcomplémentaire.

Un avantage dont les cadres et professions intellectuelles supérieures sont, à 42 %, les premiers bénéficiaires, devant les ouvriers 35 % et les professions intermédiaires (28 %). Et qui profite majoritairement aux salariés des grandes entreprises (voir l’infographie ci-contre). Dans 67 % des cas, l’employeur participe financièrement à l’alimentation de cette épargne, mais près d’un quart des seniors concernés ont répondu par la négative, laissant entendre qu’ils ont tout juste accès à un Perco sans abondement.

utilisation du compte épargne-temps

La transition emploi-retraite est une autre problématique clé des seniors au travail. Interrogés sur les comptes épargne-temps (CET), les seniors se disent équipés à 35 % et, parmi ceux-ci, ils sont quasiment autant à penser s’en servir pour partir un peu plus tôt à la retraite. Ceux qui n’ont pas cette possibilité d’épargner des jours de repos aimeraient, à 62 %, pouvoir utiliser ce dispositif.

Le baromètre indique également que les seniors sont aujourd’hui un peu plus informés sur la retraite progressive, qui permet aux intéressés d’exercer leur activité à temps partiel tout en percevant une partie de leur pension. Pourtant, ils sont de moins en moins nombreux à vouloir y recourir (55 %, contre 71 % en 2013), l’intérêt allant même décroissant avec l’âge : 72 % des 45-54 ans, mais seulement 41 % des 61 ans et plus. « Elle peut paraître séduisante aux quadras, pour qui l’échéance est encore lointaine et qui ont envie de souffler un peu, suggère Serge Guérin*, sociologue et professeur à l’ESG Management School. Mais à 60 ans, la vie est plus stabilisée et il est un peu tard pour envisager cette transition : si on part, on le fait franchement. En fait, la retraite progressive n’est pas intégrée par les seniors et nécessite, sans doute, qu’ils se fassent à l’idée… progressivement ».

Poursuite d’activité

Comme l’année dernière, un quart des sondés pensent poursuivre leur activité au-delà du taux plein. Une option qu’envisagent davantage les salariés du privé (27 %, contre 20 % pour les fonctionnaires), les hommes (29 %, contre 23 % pour les femmes), les cadres (35 %, contre 14 % pour les ouvriers). Et, surtout, les seniors les plus âgés : près de la moitié (49 %) des 61 ans et plus se voient jouer les prolongations, contre 11 % seulement des 45-54 ans.

La motivation financière peut, certes, entrer en ligne de compte. Cependant, « les intérêts sont divergents, commente Serge Guérin. Les femmes qui, souvent, doivent déjà travailler plus longtemps, n’ont pas forcément envie d’en faire plus et appréhendent la retraite de manière plus sereine que les hommes ; les ouvriers sont davantage usés et ont moins à gagner que les CSP+, qui ont envie de profiter plus longtemps de leurs avantages : voiture de fonction, etc. Mais le travail importe vraiment aux salariés les plus âgés. Et certains éprouvent un sentiment de vide, de vertige face à la retraite », analyse-t-il.

Comment comptent-ils repousser l’échéance ? En exerçant une activité d’entrepreneur ou de travailleur indépendant (17 %), en ayant recours au cumul emploi-retraite (40 %) ou, mieux, en restant chez leur employeur (43 %), une option envisagée par 59 % des 61 ans et plus !

Quoi qu’il en soit, les seniors interrogés cette année font encore preuve d’une certaine sérénité quant à leur emploi : globalement, 71 % ne craignent pas plus de le perdre qu’il y a un an. Et 57 % se voient encore en emploi au moment de la retraite – 15 % pensent le contraire, tandis que 28 % ne se prononcent pas. Les plus optimistes ? Les 61 ans et plus (73 %), et, sans surprise, les salariés du public (72 %, contre 51 % pour ceux du privé), les cadres (61 % contre 48 % pour les ouvriers) et les salariés des grandes entreprises (66 %, contre 50 % pour ceux des plus petites structures). Des résultats globalement « assez surprenants compte tenu du fait que les seniors sont tout de même aux premières loges en termes de chômage », rappelle Serge Guérin, qui n’exclut pas une part de déni dans les réponses.

Une chose est sûre : les “60 ans” demeurent « un marqueur fort », constate le sociologue : c’est l’âge souhaité de départ à la retraite pour encore 55 % des seniors interrogés (– 5 points par rapport à l’année dernière), même si la limite de 62 ans est de plus en plus intégrée. Elle est citée par 14 % des seniors (+ 6 points). Là encore, ce sont les plus avancés en âge qui souhaitent partir plus tard, l’âge idéal étant de 65 ans pour 16 % des 61 ans et plus, et de 66 ans au moins pour 12 % de cette même tranche d’âge.

des salariés Informés

Autre enseignement du baromètre : si les seniors étaient près d’un quart à ne pas connaître leur âge d’obtention du taux plein en octobre 2012, ils ne sont plus que 16 % dans ce cas aujourd’hui. L’information retraite gagne du terrain, y compris dans les entreprises : 30 % des répondants ont reçu, au travail, une information ou un bilan retraite (+ 4 points par rapport à 2014) – une pratique beaucoup plus répandue dans les grandes entreprises (42 %).

L’attente est d’ailleurs toujours aussi forte en la matière, 81 % des seniors interrogés souhaitant profiter d’une action de ce type. « Le bilan retraite est sécurisant soutient Florence Caviglioli, chef de projet à Menway Carrières (conseil RH). Il permet d’élaborer des scénarios pour les années qui restent à travailler et de réduire l’incertitude du lendemain. C’est un service que de plus en plus d’entreprises nous demandent de mettre en place, souvent dans un contexte de réorganisation. »

Cependant, la situation générale des seniors en emploi, qui semblait s’être légèrement améliorée en 2014, a peu évolué sur l’année écoulée : 73 % n’ont bénéficié d’aucun bilan, rendez-vous de carrière ni aide à l’orientation. Depuis trois ans, la moitié des sondés n’a suivi aucune formation ; les trois quarts n’ont eu aucun changement de poste, aucune promotion ou nouvelle affectation sur un projet ; 70 % n’ont pas vu l’ombre d’une augmentation individuelle. Du reste, ils jugent encore, à 51 %, leurs conditions de travail assez difficiles ou difficiles ; 32 % ont le sentiment qu’il existe un harcèlement moral lié à l’âge dans leur entreprise. Et, parmi ceux-ci, 77 % disent en être ou en avoir été victime. « Ce sont des représentations et cela recouvre donc des réalités diverses », tempère Serge Guérin. Une note d’optimisme tout de même : ces trois derniers taux ont fondu de 4 à 5 points par rapport à 2014.

* Auteur de Silver Génération, éditions Michalon, mars 2015.

MÉTHODOLOGIE

– Baromètre annuel “Fait-il bon être senior au travail ?”, 17e vague. Questionnaire mis en ligne sur le site Notretemps.com du 8 au 20 avril 2015, 1 009 réponses exploitées.

– Les deux tiers des répondants (66 %) ont entre 55 et 60 ans ; 69 % sont des femmes. Les trois quarts travaillent dans le privé.

– Le cumul des résultats n’atteint pas toujours 100 % en raison de l’arrondi.

SENIORS
Une population au tout dernier plan

À la question « votre entreprise est-elle couverte par un dispositif contrat de génération ? », les seniors interrogés répondent non à 47 %. Et 39 % n’en savent rien, alors que les entreprises de 50 à 300 salariés non couvertes par un accord collectif ou un plan d’action sont désormais passibles d’une pénalité. Lorsqu’il existe, le dispositif comprend d’abord des engagements sur le maintien des seniors en emploi (selon 56 % des répondants), des mesures de tutorat de jeunes et de transmission des compétences (54 %) et un aménagement du temps de travail (45 %). 25 % des sondés citent le recrutement de salariés seniors.

Mais soyons clairs : l’accompagnement des fins de carrière n’est vraiment pas la priorité des DRH interrogés dans le cadre du Baromètre 2015 Défis RH Inergie-ANDRH* (4 % des réponses seulement), dont les résultats complets paraîtront dans Entreprise & Carrières le 23 juin. De plus en plus de DRH déclarent d’ailleurs recourir à des préretraites “maison”. Par ailleurs, la part des seniors dans les embauches a diminué. Parmi les 87 % d’entreprises ayant recruté au cours des douze derniers mois, près du tiers n’a intégré aucun senior (contre un quart en 2014). En revanche, au sein de celles qui ont réduit leurs effectifs (soit 42 %), les seniors ont constitué une part significative des départs dans près d’un cas sur deux.

* Sondage réalisé entre le 16 mars et le 10 avril 2015 auprès de 210 professionnels des ressources humaines.

Auteur

  • Hélène Truffaut