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Les Graduate Programmes : COÛTEUX MAIS SÉDUISANTS

ZOOM | publié le : 02.06.2015 | Sabine Germain

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Les Graduate Programmes : COÛTEUX MAIS SÉDUISANTS

Crédit photo Sabine Germain

Formidables accélérateurs de carrière pour les hauts potentiels, les Graduate Programmes génèrent beaucoup d’attentes chez les jeunes diplômés qui en bénéficient. Les entreprises ne doivent donc pas les décevoir si elles veulent récolter les fruits de leur investissement.

« Les Graduate Programmes sont-ils des jouets coûteux au service de la marque employeur, ou un dispositif efficace de fidélisation des hauts potentiels ? » L’étude, menée en mars 2015 par le NewGen Talent Centre de l’Edhec (le centre d’expertise sur les motivations, les compétences et les comportements des jeunes générations créé par cette école de management) auprès de 205 jeunes diplômés qui en ont bénéficié, a le mérite de poser clairement la question qui fâche. Car ces programmes d’intégration des jeunes talents identifiés comme de futurs cadres dirigeants durent longtemps (en moyenne deux ans), coûtent cher et demandent beaucoup d’engagement de la part des employeurs (lire l’encadré p. 7).

Pourtant, malgré tous les efforts des entreprises, un quart de leurs jeunes “trésors” les quittent à l’issue de ce parcours. En ont-elles fait des divas ? « Le très fort investissement des employeurs et des jeunes participants au programme augmente leurs attentes respectives, tempère Manuelle Malot, directrice du NewGen Talent Centre. Un Graduate Programme ne doit pas être qu’un outil au service de la marque employeur ou la “danseuse” des recruteurs. Pour qu’il fonctionne, il doit impliquer les directions opérationnelles. »

Accélérateur de carrière

De fait, les attentes des jeunes diplômés sont élevées : ils veulent apprendre et se développer rapidement (32 %), accélérer leur carrière (28 %), avoir une perspective internationale (15 %), trouver au fil des rotations le domaine qui leur correspond le mieux (10 %), avoir un salaire attractif (7 %)… Un participant, cité par l’étude, résume ainsi ses objectifs : « Découvrir et apprendre différents métiers, avoir une perspective internationale en ayant des missions à l’étranger, être guidé par un membre du Top 100, bénéficier d’un programme accélérateur de carrière permettant d’accéder rapidement à des postes à haut niveau de responsabilité. » Rien que ça…

Pourtant, les grandes entreprises sont prêtes à mettre le paquet, alors que 43 % des jeunes diplômés quittent leur premier emploi au bout de vingt mois à peine(1). Le processus de sélection des participants à un Graduate Programme est donc particulièrement exigeant : il vaut mieux être sorti dans le peloton de tête de son cursus bac + 5 (école d’ingénieurs, de management ou master) pour voir son dossier retenu et participer à une session de tests et d’entretiens de deux ou trois jours.

Guerre des talents

Longtemps réticent à l’égard de ces programmes élitistes, le groupe Crédit agricole a fini par franchir le pas l’an passé pour défendre ses positions dans la guerre des talents à laquelle se livrent les grandes entreprises : pour la deuxième édition de son Graduate Programme, la banque a reçu près de 1 200 candidatures pour 20 places. Les heureux élus sont alors embauchés en CDI avec un salaire “motivant” (il est souvent supérieur de 10 % à 15 % à celui de la moyenne des jeunes diplômés) et s’engagent dans un parcours de quatre ans au cours duquel ils occuperont deux postes stratégiques (une responsabilité transverse et une mission internationale).

En général, la “rotation” est plus rapide : sur deux ans, un jeune graduate se voit proposer trois ou quatre postes. Ce qui ne lui permet pas toujours d’obtenir des résultats concrets et de “contribuer”. C’est, du reste, l’un des reproches formulés à l’encontre des Graduate Programmes qui, à force de vouloir bien faire, perdent de vue leur finalité : intégrer et fidéliser de futurs cadres dirigeants.

Autre écueil, les perspectives promises ne sont pas toujours au rendez-vous. La sanction est alors sans appel : les démissionnaires expliquent que le projet professionnel qu’on leur propose ne correspond pas à leurs attentes (26 %), qu’ils ont trouvé un meilleur projet ailleurs (26 %) ou, pire encore, qu’on ne leur a rien proposé du tout (22 %)!

Cela n’empêche pas les grandes entreprises d’être de plus en plus nombreuses à développer ces programmes : Coca-Cola France intègre tous les deux ans une centaine de jeunes diplômés dans son University Talent Program de trois ans ; Orange engage 60 jeunes dans son programme Télécom Talents ; Unilever a créé un cursus de trois ans baptisé Unilever Future Leaders Programme ; Total a lancé l’an passé un Young Graduate Programme de dix-huit mois. Conscient que les jeunes diplômés ne sont pas emballés par les perspectives de carrière offertes par la grande distribution, le groupe Carrefour a créé dès 2011 pas moins de quatre parcours différents (lire l’article ci-contre)…

Quelle que soit la sophistication de ces programmes, Manuelle Malot est convaincue que la réussite d’un Graduate Programme se joue sur l’accompagnement dans la durée, « alors qu’on observe au fil du temps une forme de relâchement du support management ». Seulement 35 % des participants à un Graduate Programme sont véritablement suivis par les équipes RH et 40 % bénéficient d’une forme de mentorat de la part d’un cadre dirigeant. Les autres ont le sentiment de perdre le contact avec une direction qui a pourtant mis les moyens pour les fidéliser…

(1) Enquête “Les paradoxes de la fidélisation des jeunes talents”, NewGen Talent Centre, octobre 2014.

Dessine-moi un Graduate Programme

– Durée moyenne : deux ans, dont un an au siège.

– Nombre de postes occupés : en moyenne quatre, dont un à l’international.

– Suivi personnalisé : 40 % sont mentorés par un cadre dirigeant et 35 % coachés par un représentant RH.

– Parcours spécialisé : 54 % suivent un parcours spécialisé (en finances notamment), 40 % un parcours généraliste (en management ou gestion de projet).

– Dans de grandes entreprises internationales : Accenture, Air Liquide, Airbus Group, Allianz, Areva, Axa, BNP Paribas, Capgemini, Carrefour, Coca-Cola, Crédit agricole, Deloitte, EDF, Eiffage, Engie, L’Oréal, Orange, PSA, Renault, Société générale, Unibail-Rodamco, Vente-privée.com

Source : première étude d’évaluation des Graduate Programmes par 205 jeunes diplômés publiée par le NewGen Talent Centre de l’Edhec en mars 2015.

Auteur

  • Sabine Germain