LE TRAVAIL DES “planneurs”
Le management est l’art d’obtenir d’autrui que les choses soient faites. Il se déploie dans le cadre de la relation hiérarchique d’un manager et d’un managé, en contact étroit avec la réalité du travail et ses difficultés concrètes. Paradoxalement, alors que cette relation prend son sens par rapport aux solutions apportées sur le terrain, les dispositifs de management sont de plus en plus souvent parachutés par des cabinets de consultants ou des fonctions supports chargés par le top management de mettre l’entreprise au pas de procédures standardisées. Si le manager est bien la courroie de transmission de ces méthodes, il n’est qu’un rouage, le prescripteur extérieur et l’opérationnel n’étant quasiment jamais en contact. Héritiers des méthodes prônées par Taylor, des spécialistes de l’organisation du travail, ingénieurs, qualiticien, RH, contrôleurs de gestion, spécialistes du marketing, de la responsabilité sociale… planifient a priori les tâches productives pour des gens dont ils ne connaissent le métier le plus souvent qu’à travers des chiffres et des concepts abstraits. D’où les multiples dysfonctionnements entre le travail concret et les prescriptions de ces spécialistes des plans d’amélioration, qui ont aussi la réputation de planer à mille lieux des réalités. Ces dispositifs normatifs, impersonnels, tendent à désincarner le rapport social entre les directions et leurs salariés. L’auteure, sociologue, présente le résultat d’une enquête menée dans de grandes organisations et décrypte à la fois le travail de ceux qu’elle nomme les “planneurs” et l’impact idéologique et social de leur activité.