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L’INTERVIEW : ISABELLE CARTIER CONSULTANTE SPÉCIALISTE DE LA VAE, ET AUTEURE D’UN RAPPORT À PARAÎTRE SUR LE SUJET POUR LE GARF

L’enquête | L’INTERVIEW | publié le : 02.06.2015 | L. G.

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L’INTERVIEW : ISABELLE CARTIER CONSULTANTE SPÉCIALISTE DE LA VAE, ET AUTEURE D’UN RAPPORT À PARAÎTRE SUR LE SUJET POUR LE GARF

Crédit photo L. G.

« On peut espérer que la VAE jouera un rôle de catalyseur dans un parcours qualifiant plus ambitieux »

La VAE, notamment dans sa logique de politique collective d’entreprise, vous semble-t-elle renforcée par la réforme de la formation ?

Je ne m’attends pas à une révolution rapide en termes de volume : le CPF est dans la continuité du DIF, donc peu d’impact en est prévisible. L’entretien professionnel peut en revanche favoriser le développement de la VAE à titre individuel, voire l’émergence de projets collectifs. Mais cela ne peut passer que par un gros effort de sensibilisation des entreprises, et en particulier des managers et des salariés, en valorisant notamment les bénéfices individuels et collectifs d’une telle démarche au-delà de la seule obtention d’un diplôme. Par ailleurs, les limites de financement et le manque d’aboutissement de l’inventaire des certifications sont des freins au développement de la VAE. 2015 risque donc d’être une année peu active en ce domaine, car les entreprises ont peu de visibilité sur le financement des Opca. Or, si ceux-ci ne prennent pas en charge à 100 % des VAE collectives, rien ne se fera.

À terme, néanmoins, sous l’angle de l’économie de la formation et de la logique d’investissement que pose la réforme en cours, on peut espérer que la VAE jouera un rôle de catalyseur dans un parcours qualifiant plus ambitieux : adjoindre d’entrée une démarche de VAE partielle à des modules de formation complémentaires offre des perspectives intéressantes en termes d’ingénierie de parcours de professionnalisation. Cela se pratique déjà d’ailleurs.

La phase amont de préparation à la recevabilité est rarement financée, est-ce un point faible ?

Oui, car cette phase de positionnement est majeure, et l’appui d’un conseiller spécialisé peut être déterminante. Les points relais-conseil VAE, financés par les conseils régionaux depuis 2009, sont opérationnels pour les projets individuels. Mais ce non-financement est un frein dans le cadre de projets collectifs en particulier. Quelques Opca comme Opcalia et Agefos PME ont créé des dispositifs de financement incluant cette phase, mais ils ne sont accessibles qu’à certaines conditions.

Le conseil en évolution professionnelle peut-il pallier ce rôle de conseil en amont ?

Je suis sceptique sur le fait que le CEP puisse rattraper ce manque de prise en compte de l’amont, car elle nécessite une bonne connaissance des systèmes de certification, ce qui demande du temps.

Et puis s’ajoute le frein de la capacité d’absorption des certificateurs face à une masse de demandes : les Dava, Cava de l’Éducation nationale sont saturés, la VAE n’est pas une priorité pour bon nombre d’universités, et réunir des jurys avec des professionnels reste difficile.

La VAE est aussi un moyen d’accéder à la certification nettement plus économique que la formation, tant sur le plan financier qu’en temps d’absence au poste. N’est-ce pas là un de ses principaux avantages ?

C’est en effet un argument utilisé par les chefs de projet VAE pour convaincre leur direction. Sur la base de 400 heures d’enseignement en moyenne pour une licence professionnelle par exemple, le temps d’absence au poste équivaut à près de 60 jours en continu ou discontinu (sur la base de 35 heures de travail hebdomadaire), sans compter le stage et la rédaction d’un mémoire. En comparaison, une démarche VAE nécessite en moyenne entre 130 et 190 heures de travail de la part du candidat : soit cinq heures à dix heures par semaine pendant six mois, l’équivalent de 18 à 27 jours de travail. De plus, seules les séquences d’accompagnement – entre 10 heures et 24 heures – sont généralement organisées sur le temps de travail, la tâche rédactionnelle s’effectuant pour l’essentiel hors temps de travail. Et qui dit temps d’absence limité au poste, dit pas de désorganisation du service, pas de remplacement à prévoir, pas de surcharge de travail pour les collègues… Ce raisonnement vaut, bien entendu, s’il ne s’agit pas d’acquérir de nouvelles compétences, mais bien de certifier des compétences acquises par l’expérience. En revanche, cela rend digne d’intérêt l’ingénierie de parcours hybrides VAE/formation, quand le profil du public cible s’y prête.

Les entreprises réfractaires à la VAE craignent une « fuite des cerveaux » post-VAE. Est-elle avérée ?

Aucune des six entreprises analysées dans l’étude n’a déploré de départs significatifs à l’issue du projet. À l’inverse, les démarches collectives de VAE ont un impact favorable sur la fidélisation et la remobilisation des salariés, ces derniers étant reconnaissants à leur employeur de les avoir soutenus dans ce projet. La démarche contribue aussi à revaloriser des métiers peu ou moins reconnus en interne, ce qui est un autre vecteur de fidélisation.

La VAE, même dans une logique collective d’entreprise, reste-t-elle un investissement personnel important ?

Oui, une démarche de VAE dure en moyenne entre neuf et douze mois, passage en jury inclus, ce qui représente environ six mois de travail rédactionnel en cumulé, à raison idéalement de cinq à dix heures par semaine. Même si ces données sont variables d’une personne à l’autre.

Auteur

  • L. G.