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SAVOIR PILOTER une revue de carrières

Les clés | publié le : 26.05.2015 | Laurent Poillot

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SAVOIR PILOTER une revue de carrières

Crédit photo Laurent Poillot

Fidélisation. Les revues de carrières peuvent être utilisées dans le double objectif de prévoir les compétences dont le service a besoin et de retenir les bons éléments. Un outil de reconnaissance utile pour le manager, s’il est utilisé en bonne intelligence avec le RRH.

Il y a quelques semaines, il a appris qu’un “super élément” quittait son équipe, promu à de nouvelles fonctions dans l’entreprise. « Cela ne m’a pas surpris et je l’ai vécu sereinement », raconte ce manager, qui a pu organiser avec lui, depuis, le passage de relais. « Je savais son ambition et je n’avais pas de quoi lui permettre l’évolution qu’il attendait. Il faut se faire à l’idée qu’on ne garde pas quelqu’un coûte que coûte. »

Comme ce fut le cas pour lui, certaines entreprises demandent à leurs managers de promouvoir leurs subordonnés au cours de réunions de détection des personnalités remarquables. Quitte à les voir partir de son propre service. L’identification des potentiels s’organise dès l’entretien annuel d’évaluation, qui comporte toujours un moment prospectif. Le manager interroge le salarié sur la façon dont il se voit évoluer à court et moyen termes. Les desiderata énoncés (une promotion, une mobilité fonctionnelle, une mission à l’international) alimentent la revue de carrières que la direction des ressources humaines demande aux managers de renseigner avec eux, pour anticiper la fuite des talents.

Directeur d’usine chez Socomec (technologies de distribution électrique basse tension), Olivier Morlot recourt aux revues de carrières depuis plusieurs années. Avant de lancer les entretiens annuels, il réunit d’abord les neuf managers qui lui sont rattachés, pour qu’ils parlent, entre eux, des 40 salariés relevant de leurs équipes respectives : « Sur mon périmètre, la revue de carrières me sert de vigie aussi bien pour des personnes “flaguées” comme ayant un potentiel, que pour celles qui sont en difficulté et qu’il faut accompagner. Cet outil me donne aussi une vision macro sur les compétences, qui nous permet d’élargir notre point de vue aux activités du groupe. »

Usage préventif ou défensif

L’approche des revues de carrières n’est pas la même partout, prévient Gilles Fourchy, consultant à l’Apec : « Selon que vous faites de cet outil de GPEC une utilisation préventive, de rétention des potentiels dans l’entreprise, ou défensive, pour chercher à savoir qui pourra être remplacé par qui, en cas de départ. » Beaucoup utilisent les deux approches : la première pour travailler sur le quota de salariés qui dépassent les attentes placées en eux et vis-à-vis desquels il faut agir, faute de quoi, ils quitteront d’eux-mêmes l’entreprise ; la seconde est, elle, réservée aux fonctions clés du top management.

Les managers ont hérité de ces outils communs aux RH : le tableau de synthèse des entretiens annuels, l’organigramme de diagnostic de l’organisation et la matrice de positionnement des salariés suivant leurs performances, compétences et potentiel, discutée dans les revues de carrières.

À Adidas France (700 personnes), la direction fait superviser 15 % des effectifs dont les profils sont suivis par la DRH et les RRH de départements à partir des remontées d’informations fournies par les managers. « Nous avons trois temps pour parler des hommes, résume Sandrine Scheer, la DRH France. Lors de l’examen du plan de succession, en juin ; lors des entretiens annuels et d’évaluation des potentiels, en novembre, et de la synthèse qui en sera faite ensuite, devant le comité de direction. » Parmi les salariés détectés, une liste de talents de 25 à 30 noms est présentée par les directeurs de département devant le comité de direction.

« Sans cette plate-forme d’échanges d’avis, je ne me serais jamais fait connaître d’autres directions que de celle dont je dépendais », raconte Olivier Gianina, 34 ans, devenu directeur IT et services généraux après avoir été chargé de la direction commerciale, puis de la supply chain. Au cours des réunions, il raconte comment les managers décrivent le parcours de trois ou quatre personnes talentueuses ou à fort potentiel, en qui ils croient. Avec la DRH, ils doivent s’entendre sur l’attitude à adopter pour qu’elles ne quittent pas l’entreprise : formation gratifiante, promotion, nouvelle mission qui pourra les exposer devant le comité de direction… « C’est là que les idées jaillissent », commente Olivier Gianina. « Mais pour que cela marche, il faut du franc-parler et s’obliger à juger, avec bonne intelligence, des talents pour lesquels il est urgent d’intervenir, ou non. Chaque manager aura tendance à défendre son poulain. Il doit accepter d’être contredit par un autre manager qui lui apportera la contradiction, s’il n’est pas convaincu que le salarié a bien toutes les qualités requises. »

Sortir de sa zone de confort

Comment repère-t-il ses propres “poulains” ? « C’est un mix de résultat et d’attitude par rapport aux projets portés par votre service. Il faut être capable de sortir de sa zone de confort et de dégager une énergie positive. » Une fois retenu par le comité de direction, le salarié fait l’objet d’un point trimestriel par la RH et son manager.

À Socomec, on utilise au contraire la revue de carrières pour 85 % de l’effectif (3 200 salariés), hors population ouvrière, qui se voit appliquer une méthode d’évaluation distincte. Pour Jean-Marc Hornsperger, directeur de la R & D, « l’exercice me permet de déterminer, au niveau de mon service, quelles sont les expertises dont il a besoin pour fonctionner correctement. Puis de suggérer que l’acquisition de nouvelles compétences se fasse par recrutement, par tutorat ou par formation – seulement si le salarié pressenti en a le potentiel et l’envie. On évite mieux, ainsi, les mobilités sauvages ».

Mais attention, prévient Olivier Morlot : « Il faut que la démarche soit animée par le RRH et portée par le manager. Leurs échanges doivent permettre de faire évoluer la situation des salariés concernés. Car, même s’il est bien conçu, un outil de gestion puissant ne donnera pas de résultat s’il est mal exploité. »

LES CONSEILS DU COACH

CAMILLE BELTON

Responsable de la mobilité chez Socomec (3 200 salariés)

– 1 –

Connaître ses collaborateurs

Ayez une connaissance approfondie de la situation de vos collaborateurs pour renseigner votre people review. Soyez capable de déterminer le niveau de performance sur le poste de chacun de vos collaborateurs, ainsi que son potentiel de développement. Identifiez ensuite les ressources clés de votre service, et évaluez vos besoins en compétences.

– 2 –

Évaluer la performance et le potentiel de son équipe

Faites-vous une représentation de la situation collective de votre périmètre, en termes de performance et de potentiel. Vous serez à même de déterminer la solidité et le niveau de maturité de votre organisation.

– 3 –

Déterminer des actions

Sélectionnez les axes de développement de vos collaborateurs, en lien avec vos objectifs opérationnels. Cela peut être de l’accompagnement et du suivi managérial pour aider le collaborateur à atteindre le niveau de performance attendu, ou bien des actions d’évaluation destinées à identifier les besoins en formation en vue de mobilités internes, ou encore de la mise en place de binômes pour assurer le transfert des compétences clés.

Auteur

  • Laurent Poillot