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LA CHRONIQUE JURIDIQUE D’AVOSIAL

Chronique | publié le : 26.05.2015 | JEAN MARTINEZ, JEAN GÉRARD

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LA CHRONIQUE JURIDIQUE D’AVOSIAL

Crédit photo JEAN MARTINEZ, JEAN GÉRARD

QUELQUES PRÉCISIONS SUR LA SANCTION DU HARCÈLEMENT MORAL PAR L’EMPLOYEURUn arrêt récent de la Cour de cassation* éclaire la marge de manœuvre de l’entreprise face à des faits de harcèlement dans deux situations délicates.

La Cour de cassation apporte des précisions sur la marge de manœuvre de l’entreprise face à des faits de harcèlement dans deux situations : lorsque l’ampleur des faits se révèle après la notification d’une première sanction, et lorsque les agissements semblent s’inscrire dans la vie privée des intéressés.

C’est l’histoire d’une liaison entre deux cadres aux responsabilités contiguës. Puis vient la déliaison, qui s’accompagne d’un conflit. Mais alors que l’un des deux protagonistes semble chercher à sortir de l’engrenage, l’autre insiste, l’assaille de SMS et lui impose des agissements décrits par les juges comme « pressants, intrusifs, ironiques, et même agressifs ». Jusqu’à susciter ce cri du cœur qui résume peut-être l’affaire : « Ça commence à être lourd. » Découvrant le problème, un directeur de division se fend d’un avertissement, mais la DRH, après plus ample investigation, décide de licencier le salarié pour faute grave. La Cour de cassation rejette le recours de celui-ci. Pourquoi ?

Incidence d’une enquête interne sur l’exercice du pouvoir disciplinaire

On sait que l’employeur qui a déjà sanctionné des faits considérés par lui comme fautifs ne peut, sur le fondement de ces mêmes faits, prononcer une seconde sanction : c’est la fameuse règle non bis in idem, inspirée du droit pénal. La jurisprudence y a apporté une touche complémentaire en décidant que si l’employeur, informé de l’ensemble des faits reprochés à un salarié, décide de ne sanctionner dans un premier temps que certains d’entre eux, il doit être considéré comme ayant « épuisé son pouvoir disciplinaire » à la date où est prononcée cette première sanction. Par conséquent, les faits non sanctionnés la première fois ne peuvent faire l’objet ultérieurement d’une nouvelle sanction (affaire Association Saint Anne, Soc. 16 mars 2010, n° 08-43.057).

Tels étaient les arguments brandis par le salarié licencié. Mais, en l’occurrence, l’employeur n’avait eu connaissance de l’ampleur et de l’ancienneté du comportement du salarié qu’après une enquête interne postérieure à l’avertissement. Seule cette enquête avait pu apporter, après l’avertissement, la connaissance complète de la totalité des agissements du salarié. Par conséquent, ignorant exactement tout ce dont l’intéressé s’était rendu coupable au moment où il a sanctionné les faits les plus récents, l’employeur avait bien conservé la possibilité de sanctionner les faits révélés par l’enquête, même commis antérieurement. Premier enseignement.

Quand les faits de vie privée se rattachent au travail

Pour écarter la sanction, le salarié soutenait encore que les faits reprochés n’étaient en fait qu’une affaire privée, et ne pouvaient donc justifier un licenciement disciplinaire. Il est en effet de principe que le licenciement pour faute ne peut viser que des manquements aux obligations découlant du contrat de travail. Mais les attitudes litigieuses mordaient largement sur la vie professionnelle. Les juges avaient en effet constaté que les messages dévalorisants de l’un avaient eu pour conséquence une dégradation des conditions de travail de l’autre, de sorte qu’ils « se rattachaient à la vie de l’entreprise, malgré la liaison entretenue par ces deux salariés ». De tels faits, constitutifs d’un harcèlement moral, rendaient impossible le maintien de leur auteur dans l’entreprise, moyennant quoi le licenciement pour faute grave était justifié.

Ces deux enseignements sont assez précieux, dans un contexte où les entreprises craignent parfois d’être prises entre le marteau de l’obligation de sécurité et l’enclume du risque prud’homal consécutif à un licenciement.

* Cass. Soc. 16 avril 2015, n° 13-27.271.

Auteur

  • JEAN MARTINEZ, JEAN GÉRARD