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Sur le terrain

RETOUR SUR… L’accord de compétitivité à ASN Calais

Sur le terrain | Pratiques | publié le : 12.05.2015 | Stéphanie Maurice

En décembre 2013, la filiale d’Alcatel-Lucent signait un accord prévoyant un allongement du temps de travail et un changement de rythme. Trois quarts des salariés l’ont accepté, grâce aux compensations salariales et à la suppression du travail de nuit.

Un succès. L’accord de compétitivité adopté par Alcatel Submarine Networks (ASN) à Calais en décembre 2013 a modifié le rythme horaire, avec un allongement du temps de travail. Cette clause a été acceptée par 75 % des 205 salariés concernés dans l’entreprise, selon la direction.

Les négociations ont commencé début 2013, se souvient Bryan Fackeure, délégué CFDT, syndicat signataire de l’accord avec la CFE-CGC. L’usine, qui fabrique les câbles sous-marins par lesquels passent les connexions Internet, produit à l’époque en 5x8, en feux continus. Cinq équipes se relaient, et chacune est organisée sur le même schéma : deux jours de travail le matin, deux jours avec prise de poste l’après-midi, deux nuits mobilisées de 22heures à 6heures du matin, suivies de quatre jours de repos. Mais l’activité est cyclique par nature, avec des pics importants qui obligent à l’embauche d’intérimaires et des périodes de quasi-inactivité. L’année 2012 a ainsi été contrastée, avec un semestre au carnet de commandes plein, et un autre en basses eaux. « De plus, la concurrence est de plus en plus vive », rappelle Patricia Boulanger, la directrice de l’usine, pas encore présente lors de ces négociations. « Les prix sont tendus sur le marché, et nos clients nous demandent de nous améliorer. » La décision est alors prise de mettre à plat les horaires de travail pour améliorer la productivité des lignes et réduire la masse salariale.

45 % de primes

Les premières négociations se passent mal : la direction voulait passer aux 3x8, trois équipes sur un rythme de travail une semaine le matin, une semaine l’après-midi, une semaine le soir, sans les week-ends. « Notre salaire annuel est composé à 45 % de primes, avec le travail de nuit, le dimanche, les feux continus… Avec ce système, nous perdions 30 % à 35 % de nos revenus, avec des quarts aussi fatigants, explique Bryan Fackeure. Cela a été mal perçu par les salariés. » Le CHSCT a alors été missionné : « Le rapport de l’expert était très négatif », poursuit le syndicaliste.

Une autre proposition émerge, le 6x3 : les trois équipes se succèdent en travaillant trois matinées, trois après-midi, puis en prenant trois jours de repos. Ainsi, « on travaille 22 jours de plus, reconnaît Bryan Fackeure, mais on ne fait plus les nuits et, en compensation, le salaire de base est augmenté de 5 % ». Il estime la perte sur le salaire annuel à 1,2 %, car les dimanches travaillés sont plus nombreux qu’avec le 5x8.

Il décide d’accepter l’accord, mais avec une condition de taille : le changement d’horaires n’est possible que sur la base du volontariat, afin de désamorcer tout conflit potentiel. Est aussi prévue l’embauche de 23 salariés supplémentaires, engagement qui a été tenu, même si le syndicaliste regrette le non-remplacement des départs à la retraite, qui a fait baisser l’effectif de l’usine à 400 personnes au lieu de 440 en 2012.

La CGT (majoritaire) a refusé de signer : « C’est pourtant nous qui avions amené l’idée du 6x3, en regardant les expériences dans d’autres usines. C’était mieux que le 3x8 pour limiter la casse, témoigne Karl Lefevre, délégué syndical CGT. Mais nous n’avons pas eu le temps de finaliser cette proposition. Il aurait fallu la tirer vers le haut, avec une meilleure majoration salariale et des repos compensateurs. » Pour lui, l’augmentation des jours de travail, c’est comme si « les ouvriers avaient donné leurs congés payés ». Il estime que les salariés ont été mis sous pression pour accepter le changement d’horaire. En effet, pour éviter une dispersion des acceptations, qui aurait rendu difficile la composition des équipes basculant en 6x3, la direction a mis en place une prime dégressive au fil du temps, de 10000 euros à 0 euro selon la rapidité de la décision.

Aujourd’hui, ASN a diversifié ses activités, avec le recyclage des câbles sous-marins, le développement de capteurs sismiques pour la prospection pétrolière, ainsi qu’un service de back-office à destination des fournisseurs. « Elles ne se seraient pas forcément implantées sur le site de Calais si nous n’avions pas montré que nous étions prêts à améliorer notre compétitivité », glisse Patricia Boulanger.

D’autres effets positifs existent : « Comme nos équipes sont passées de cinq à trois, elles sont désormais plus conséquentes en nombre, ce qui nous permet de mieux faire tourner nos lignes de production et de saturer l’outil industriel », note Patricia Boulanger. Elle estime aussi que le recours à l’intérim lors des fortes périodes d’activité est moindre, de l’ordre de – 20 %.

Un chiffre que Bryan Fackeure voudrait encore voir baisser, dans l’espoir de créer des emplois stables. En effet, l’avenant au contrat de travail pour les volontaires au changement horaire indiquait l’acceptation de rythmes flexibles, sans autre précision : ce qui veut dire qu’en théorie, en respectant un délai de prévenance de sept jours, les ouvriers peuvent basculer du 6x3 au 5x8 en cas de surcroît de production. Mais la direction ne s’est pas encore saisie de cette possibilité, pas très tentée par des effets de yoyo. De toute façon, Patricia Boulanger met en garde : « Embaucher, c’est bien, mais il faut penser à l’avenir et ne pas se retrouver ensuite en position de sureffectif. »

Auteur

  • Stéphanie Maurice