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Le mouvement des “Hiboux” TÉMOIGNE DE L’INQUIÉTUDE SUR LA RÉFORME

LA SEMAINE | publié le : 12.05.2015 | Valérie Grasset-Morel

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Le mouvement des “Hiboux” TÉMOIGNE DE L’INQUIÉTUDE SUR LA RÉFORME

Crédit photo Valérie Grasset-Morel

La réforme de la formation professionnelle crée une telle anxiété qu’un « mouvement des mécontents », initié par un organisme de formation, est né : “Les Hiboux”.

« L’heure est grave. Il est temps de débloquer la situation et de relancer la formation. Les Hiboux de la formation poussent un ululement d’alarme… » Derrière ce nom d’oiseau se cachent Arnaud Portanelli et Guillaume le Dieu de Ville, les deux fondateurs dirigeants de Lingueo, un organisme de formation français créé en 2007, spécialiste des cours de langues par visioconférence.

Pétition sur les réseaux sociaux

Les deux ont créé, le 27 avril dernier, le mouvement des Hiboux – un clin d’œil aux Pigeons et autres Poussins frondeurs – pour fédérer les mécontents de la réforme en cours. Et ils ont lancé une pétition sur les réseaux sociaux, qui, selon eux, a été signée à ce jour par plus de 1 500 personnes. Ils souhaitent alerter les pouvoirs publics sur les difficultés de mise en œuvre de la réforme de la formation, et tout particulièrement du compte personnel de formation (CPF).

En écho au courrier récemment adressé au ministre du Travail par le président de la Fédération de la formation professionnelle (lire Entreprise & Carrières n° 1237), Les Hiboux ont écrit à leur tour à François Rebsamen pour lui exposer les raisons de leur colère : « Quatre mois après son lancement, le système est un navire qui prend l’eau, assurent-ils. Tout le monde est affecté : salariés, demandeurs d’emploi, organismes de formation, entreprises, Opca. Aujourd’hui, ce sont plus de 50 000 organismes de formation, 150 000 de leurs salariés et des dizaines de milliers d’indépendants qui sont menacés par la mise en œuvre précipitée et brutale d’une réforme qui n’a pas prévu de période transitoire d’adaptation. » En privilégiant l’urgence et « en abrogeant purement et simplement l’existant au 1er janvier 2015 », les réformateurs ont donné le jour à « un système trop complexe et éloigné de la réalité de la formation », poursuivent Les Hiboux. « Si l’objectif caché de cette réforme était de réformer en profondeur un marché qui s’est construit sur le droit individuel à la formation, il fallait laisser aux organismes le temps de s’adapter au changement de règles », affirme Arnaud Portanelli.

Chiffres d’affaires en baisse

Il est vrai que les derniers constats de l’observatoire économique de la Fédération de la formation professionnelle (FFP) ne peuvent qu’alarmer les Hiboux : selon lui, le chiffre d’affaires des organismes de formation a baissé en moyenne de 15 % au premier trimestre 2015, et pour certains de 50 %. La baisse générale moyenne pourrait être de 30 % à fin mai.

Le malaise est compréhensible, mais on peut aussi adhérer au souhait du gouvernement de faire le ménage du côté des organismes de formation afin de s’assurer de la qualité des prestations.

Pour débloquer la situation, Les Hiboux demandent au gouvernement une simplification du site <moncompteformation.gouv.fr>, une interconnexion entre les titulaires de comptes et les Opca et une définition claire des règles de validation des dossiers pour une application uniforme par les collecteurs « qui n’appliquent pas les mêmes règles ». Tout en ajoutant qu’il est « difficile de les blâmer, alors que les avis divergent au sein même du Comité paritaire national pour l’emploi et pour la formation (Copanef) ou de la Délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) ».

Mais Les Hiboux veulent davantage. En particulier : élargir aux formations transverses (bureautique, toutes les langues étrangères, Caces, etc.) les listes de formations éligibles au CPF, et, surtout, d’abandonner le passage obligatoire des examens diplômants et des tests certifiants.

Aspect certifiant

Problème : si l’amélioration de la circulation des données est naturellement souhaitable, ouvrir le CPF à toutes les formations et revenir sur son aspect fondamentalement certifiant, voulu par les partenaires sociaux (Medef en tête) et par la loi, serait une révision majeure de la réforme : on imagine les tensions politiques sur ces points. À la sortie de la réunion du 4 mai rue de Grenelle (lire ci-dessus), Christian Janin, président (CFDT) du Copanef, n’a pas voulu ajouter de l’huile sur le feu en déclarant qu’« il est normal qu’au bout de quatre mois, la réforme n’apporte pas encore les effets escomptés ». Mais il a ajouté : « Le ministre nous a confortés en affirmant qu’il était hors de question de faire machine arrière. » Et de prôner patience, persévérance et un important travail d’explication et d’accompagnement des salariés, des entreprises et des organismes de formation.

FRANÇOIS REBSAMEN
« La qualité des formations ne doit pas faire débat »

Le 4 mai, François Rebsamen a réuni les Opca, le Copanef et le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP) pour tenter d’uniformiser l’interprétation des textes et afin de faire le point sur la mise en œuvre de la réforme. Il en a profité pour répondre aux impatients et inquiets, comme Les Hiboux.

« J’entends les critiques qui sont faites et qui déjà disent que le CPF piétine… quatre mois après sa date d’entrée en vigueur ! Mais c’est parce que la réforme de la formation professionnelle est profonde, structurelle, qu’elle demande du temps pour que les acteurs s’approprient les enjeux et qu’ils aient conscience des transformations qui en découlent. Il faut que soient proposées des formations dont la qualité ne fait pas débat, a fortiori quand elles font appel à des fonds mutualisés ou publics. Pour cela, il est nécessaire de favoriser les formations certifiées et celles dispensées par des organismes dont la qualité des prestations est attestée. »

Et d’insister sur « le rôle central des Opca dans la mise en œuvre de la loi ». Leur première mission est ainsi de consolider le déploiement du CPF, « qui est encore en phase de montée en charge ». Leur seconde priorité est de développer le conseil aux entreprises (dirigeants, DRH). « C’est à l’automne, à l’occasion de la discussion du plan de formation avec les élus du personnel que les choses se préciseront, a assuré le ministre. C’est à ce moment-là que le ministère lancera une opération de communication de grande envergure, qui devrait permettre à chacun de mieux saisir les enjeux autour de l’utilisation concrète du compte. »

Auteur

  • Valérie Grasset-Morel