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DU CÔTÉ DE LA RECHERCHE

Chronique | publié le : 28.04.2015 | DENIS MONNEUSE

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DU CÔTÉ DE LA RECHERCHE

Crédit photo DENIS MONNEUSE

LE DILEMME DU BANDIT MANCHOT

Un directeur de ressources humaines m’avait dit un jour qu’il rangeait les cadres de son entreprise en trois catégories : ceux qu’il faut fidéliser à tout prix, ceux dont il souhaiterait le départ, et enfin ceux, entre deux, qui sont plutôt de bons éléments mais qui pourraient être remplacés assez aisément.

Pour leur part, les cadres ont-ils la bougeotte ? D’un côté, certains professeurs de RH et des gourous américains du management ne cessent de nous affirmer depuis les années 1990 que les carrières sont devenues “nomades”, “stratégiques”, “mercenaires”, “sans frontières”, etc. D’ailleurs, à en croire les sondages de l’Apec, plus de la moitié des cadres déclarent être en veille : ils regardent les offres d’emploi, refont leur CV, mettent à jour leur profil sur les réseaux sociaux, etc.

De l’autre côté, les taux de mobilité externe demeurent relativement faibles. Les études de l’Apec montrent aussi que la moitié des cadres n’ont pas changé d’employeur pendant les dix dernières années et que seuls 16 % ont connu plus de deux employeurs différents sur cette période !

L’enjeu pour les cadres est le suivant : exploiter les opportunités de carrière en interne, donc dans un univers familier, ou bien explorer des opportunités moins faciles à connaître en externe. Ils se retrouvent donc comme des joueurs devant les machines à sous qualifiées de “bandit manchot” : vaut-il mieux continuer à actionner le même levier ou bien changer de machine ?

Pour mieux connaître les intentions réelles des cadres, Peter Cappelli et Monika Hamori*, respectivement professeurs de RH à Wharton et à l’IE Business School, ont eu l’idée d’utiliser les données de cabinets de chasseurs de têtes : dans quelle mesure les cadres approchés se montrent-ils intéressés par un poste qu’on leur agite potentiellement sous le nez ? Il ne s’agit donc plus de se fier à l’autodéclaratif, mais aux comportements réellement observés.

Résultat : 52 % des cadres contactés ont répondu positivement à l’appel d’un chasseur de têtes afin d’en savoir plus sur les postes qui pouvaient leur être proposés. Ce qui prouve que, si la promotion interne reste le meilleur moyen de progresser dans la hiérarchie, une majorité de cadres se montrent impatients de gravir les échelons.

Sans surprise, ce sont les cadres qui occupent les meilleurs postes actuellement qui sont les moins intéressés par les sollicitations. À l’opposé, les salariés qui sont ravis d’être contactés sont ceux dans l’incertitude par rapport à leurs perspectives en interne, ainsi que ceux qui ont une carrière variée. Ces derniers, ayant vadrouillé dans différents métiers et sur différents postes, y compris chez le même employeur, sont ceux qui ont le plus de mal à connaître leurs perspectives de carrière en interne. Ils représentent alors les cadres les plus à l’écoute du marché externe.

Il existe toujours une forte incertitude chez les managers et les responsables RH quant aux velléités de départ des collaborateurs clés de l’entreprise : sont-ils réellement prêts à aller voir si l’herbe est plus verte ailleurs ou s’agit-il de bluff pour obtenir une augmentation de salaire ? Pour le savoir, la meilleure manière est sans doute d’engager un cabinet de recrutement afin de tester ses propres salariés à partir de fausses offres d’emploi !

Peter Cappelli, Monika Hamori, understanding Executive Job search, Organization science, vol. 25, n° 5, 2014.

Auteur

  • DENIS MONNEUSE