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L’enquête

CHU DE TOULOUSE : LA COMPLEXITÉ DE LA MESURE DE LA CHARGE DE TRAVAIL

L’enquête | publié le : 21.04.2015 | Catherine Sanson-Stern

Dans un contexte de forte contrainte budgétaire, le CHU de Toulouse investit dans de nouveaux locaux, recrute et se réorganise.

Avec ses 14 000 agents et 2 000 médecins, le CHU de Toulouse est une énorme machine qui vit une gigantesque réorganisation. En 2014, 2 000 professionnels de santé ont déménagé dans l’hôpital Pierre-Paul Riquet, 85 000 m2 de locaux neufs où ont été regroupés les pôles locomoteur, neurosciences et céphalique. L’Institut universitaire du cancer a aussi vu le jour, regroupant 500 salariés du CHU avec 1 000 professionnels de la clinique Claudius-Regaud et 400 de l’Inserm. En juin 2015, ce sera le tour des urgences-réanimation de faire peau neuve. Bilan : un milliard d’investissements en huit ans, la création de 100 à 300 postes par an, des bouleversements du cadre de travail et des périmètres d’activité des personnels, avec une incidence sur leur charge de travail.

OBJECTIVATION DÉLICATE POUR LES MÉTIERS DE SOIN

Du point de vue de l’évaluation de cette charge, les quelque 200 métiers de l’hôpital peuvent être séparés entre les fonctions support et le soin. Pour les fonctions support (un tiers de l’effectif, du cuisinier au contrôleur de gestion, de l’agent de bionettoyage au logisticien), qui existent dans d’autres environnements, objectiver la charge de travail est aisé, compte tenu de la connaissance des process et des normes de productivité.

Pour les unités médico-techniques (imagerie, biologie, pharmacie), il est encore possible de déterminer la charge de travail avec des méthodes quantitatives. Mais plus on se rapproche des unités cliniques, plus l’objectivation de la charge devient complexe. « Pour une prise en charge des soins, on n’est pas dans un environnement industriel avec des process détaillés et des temps déterminés, car chaque patient est différent, explique Richard Barthès, spécialiste de l’approche métiers-compétences et DRH du CHU depuis deux ans. On attend des fonctions support rationalité, niveau de qualité standard et productivité, mais pas des métiers soignants, à qui l’on demande l’excellence de la prise en charge. »

UNE APPROCHE PROCESS

Depuis quelques années, notamment en raison d’une pénurie nationale d’infirmières, un recentrage sur le cœur de métier a été engagé. « Avant, les infirmiers et aides-soignants prenaient en charge des fonctions périphériques – repas, nettoyage, approvisionnement des médicaments. Ce n’est plus le cas aujourd’hui, car on développe de plus en plus une approche process, décrit le DRH. Le bionettoyage est devenu une activité logistique, ce qui permet une meilleure productivité et une automatisation des tâches. » Dans les bâtiments modernes, des double-bacs permettent à la filière logistique de gérer linge, médicaments et repas avec un process spécifique.

Au sein des unités de soin, seuls la réanimation et les soins intensifs chez les enfants ou en cardiologie sont normés, avec un nombre maximal de malades par soignants. Pour les autres, le CHU de Toulouse se sert de la méthode SIIPS (soins infirmiers individualisés à la personne soignée), comme plus de 400 établissements en France : « Elle permet d’autoévaluer la charge de travail, recoupée avec un contrôle qualité pour la régulation des effectifs, détaille le DRH. Les directions des soins évaluent en permanence l’adéquation charge-effectifs. » Pour la création d’un nouvel établissement, le département de traitement de l’information médicale calcule le dimensionnement des équipes en fonction du nombre de lits : « On part d’une organisation cible théorique, puis on contrôle la charge de travail. S’il manque du personnel, on réajuste », précise Richard Barthès.

Mais Julien Terrié, secrétaire CGT du CHSCT, estime que la charge de travail n’est pas correctement évaluée, à cause de contraintes budgétaires imposées par l’Agence régionale de santé : « Le management pousse à évaluer ce qu’on a fait et non pas ce qu’on aurait dû faire, critique-t-il. Ces SIIPS se transforment en chiffres qui donnent des ETP de soignants, d’où un décalage entre les besoins réels et ce qui se fait. On doit bricoler au quotidien au vu du manque d’effectifs qui est pris comme norme, en tirant vers le bas toute l’organisation. C’est insupportable pour les soignants et cela a une incidence sur leur identité professionnelle, leurs valeurs… Ils se sentent maltraitants, dévalorisés et risquent l’épuisement… »

Soixante-dix-sept préavis de grève ont été lancés en trois ans au CHU. Lors du déménagement à Pierre-Paul Riquet, des brancardiers ont manifesté contre le projet de réorganisation de leur service qui, selon la CGT, impliquait une forte augmentation du nombre de transports avec une baisse des effectifs. En mai 2012, un agent de ce service avait fait une tentative de suicide sur son lieu de travail. Le CHSCT avait alors constaté « l’existence d’un risque grave pour la santé et la sécurité des agents du service de brancardage de l’hôpital des enfants ». Un rapport du cabinet Isast, mandaté par le CHSCT, avait signalé un problème lié à la mesure de la charge de travail par la hiérarchie et invité à construire de nouveaux indicateurs de mesure.

RATIONALISATION

De son côté, le DRH affirme que « le projet brancardage a pour objet à la fois de rationaliser l’organisation des transports de patients, via des centres de régulation et des règles de transports précises, et d’améliorer les conditions de travail des personnels en mécanisant certains transports avec l’introduction de “bed mover”. Un équipement qui permet de réaliser des transports avec un seul brancardier au lieu de deux actuellement et de réorienter les moyens ainsi libérés pour accroître le nombre de transports ».

REPÈRES

Activité

hôpital.

Effectifs

14 000 agents et 2 000 médecins.

Auteur

  • Catherine Sanson-Stern