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Ceux qui sont prêts… ET LES AUTRES

ZOOM | publié le : 14.04.2015 | Véronique Vigne-Lepage

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Ceux qui sont prêts… ET LES AUTRES

Crédit photo Véronique Vigne-Lepage

À partir des paies d’avril, 15 000 entreprises doivent passer à la déclaration sociale nominative (DSN), processus dématérialisé et centralisé des déclarations sociales.Une échéance que certaines ont anticipée.Tant pour devancer les problèmes que pour se rassurer.

On y est ! Pour leurs paies d’avril, les 15 000 plus grandes entreprises françaises (lire l’encadré ci-contre) devront utiliser la déclaration sociale nominative (DSN). À la veille de cette obligation, qui sera généralisée le 1er janvier 2016, le directeur des études du GIP-Modernisation des déclarations sociales (GIP-MDS), en charge de la maîtrise d’ouvrage opérationnelle du projet, se dit « plutôt confiant »: « Les difficultés rencontrées disparaissent peu à peu, précise Jérôme Joie. Elles étaient liées à la nécessité, pour certaines entreprises, de refondre d’abord leur SIRH. » Mais aussi à des difficultés d’organisation du côté de quelques éditeurs de paie. Si ces derniers « étaient encore, début 2014, réticents à investir, ils ont, depuis, compris les enjeux », souligne-t-il. Aujourd’hui, tous ont adapté leur offre et beaucoup étoffent leurs équipes en conséquence.

Quant à savoir si leurs clients sont prêts… Selon le GIP-MDS, 6 000 entreprises ont déjà franchi le pas ; 91 % de leurs DSN mensuelles sont correctes, ainsi que 93 % des signalements d’arrêt de travail. « Les DSN de fins de contrat exigent un historique plus important, explique Jérôme Joie. Nous n’en avons pas encore assez, mais le premier bilan est assez satisfaisant. »

Françoise Breux, directrice marketing d’ADP, se dit pourtant préoccupée : « Je ne suis pas certaine que toutes les entreprises seront dans les temps. » Pascale Boyaval, son homologue chez Cegid, confirme : « Certains responsables de paie ont estimé qu’ils n’avaient pas le temps de se pencher sur la DSN en 2014, d’autres ont cru que l’échéance légale serait reportée ou que le changement n’était pas si compliqué. De fait, 40 % de nos clients ont attendu février pour faire des tests. » Bien trop tard, selon Emmanuel Prévost, directeur du pôle veille juridique d’ADP, qui a identifié 40 sous-processus liés à la mise en œuvre : transmettre une information aux IRP, puis à tous les salariés sur la transmission de données personnelles, vérification en interne des droits d’accès aux données, etc.

Formation préalable

« Il ne faut pas croire qu’on appuie simplement sur un bouton ! », lance Corinne Dufils-Juanola, responsable paie du Stade toulousain, qui se félicite d’avoir été pilote. Tout comme Jean-Paul Rouge, responsable de ces sujets chez Karavel (groupe Promovacances), qui a anticipé au vu du volume des paies de son entreprise (800) et du nombre de déclaratifs concernés. Une façon, aussi, de « se rassurer ».

Comme la plupart des personnes concernées, il a commencé par suivre une formation proposée par son prestataire (Cegid en l’occurrence). Le GIP-MDS conçoit aussi des modules vidéo d’e-learning, mais qui semblent encore peu utilisés. En revanche, le site de la DSN édité par le GIP(1) reçoit 30 000 visiteurs par mois, dont la moitié télécharge les guides de démarrage.

Rigueur exigée

Avant de se lancer, « il faut vérifier qu’on a une base de données bien propre, assure Corinne Dufils-Juanola. C’est le plus gros du travail, car la DSN exige d’être rigoureux. Nous avons heureusement pris cette habitude depuis la mise en place de la DADS(2), en 2001. » Le revendeur de la solution Sage avec lequel elle travaille n’a donc eu besoin que d’une journée d’audit de ses données salariés, deux autres ayant été nécessaires au paramétrage. Chez Karavel, Jean-Paul Rouge s’est chargé lui-même de cette dernière tâche, grâce à une autre journée de formation et à des fiches pratiques conçues par Cegid. « J’ai également suivi son cursus Web pour connaître les évolutions du cahier technique édité par le GIP-MDS », ajoute-t-il.

Il a commencé les tests début novembre 2014 pour la cinquantaine d’établissements du groupe, « afin de passer en revue tous les cas de figure ». Le résultat ? « Nous avons eu quelques anomalies significatives, car fréquentes : champs non renseignés ou sans historique, erreur de datation de primes, etc. Et des cas non prévus comme un rappel d’indemnité de congés payés après un solde de tout compte fait le même mois. Cela nous a permis de nous corriger jusque dans l’élaboration des bulletins de paie et des fiches salariés. » Après deux DSN test refusées, Karavel a vu celle de début janvier acceptée. Un délai habituel, considère Pascale Boyaval. Jérôme Joie, lui, assure que le GIP-MDS « essaie de lever certains contrôles pour ne pas bloquer les déclarants ». Certains points faisant l’objet d’un simple « signalement », pour une précision le mois suivant.

Précontrôle apprécié

Le fabricant de papiers Arjowiggins transmet aussi « en réel » depuis janvier. Et Ludovic Chaudet, son responsable de l’administration du personnel, apprécie, lui, le précontrôle « qui permet de se corriger avant de valider ». Tout s’étant « bien passé », il a du coup demandé à son éditeur, ADP, de tester la phase 2 dès les paies d’avril (la DSN intègre de nouvelles déclarations selon un calendrier de déploiement en trois phases, lire l’encadré p. 7). « Je ne vois pas pourquoi ce serait plus compliqué », lance-t-il.

Pour l’éditeur de logiciels de CRM Coheris aussi, la phase 1 s’est avérée simple. Mais Marie-Pierre Ferrand, responsable paie, s’interroge sur la phase 2 : « Nous ne savons pas quelle souplesse nous laissera le système pour régulariser des anomalies. Or l’impact financier de ces déclarations est important pour l’entreprise. » Occupée par les arrêtés de comptes, elle n’avait pas encore, en mars, mené de tests en phase 2. Mais se sent cependant « prête ».

Selon Jérôme Joie, les tests réalisés par la soixantaine de pilotes de la phase 2 sont d’ailleurs « très satisfaisants », même si, comme pour la première phase, des points restent à préciser. « Le GIP-MDS continuera à analyser tous les dépôts, afin de sécuriser la généralisation et d’éviter un goulot d’étranglement fin 2015 », assure-t-il. Un effet que redoute Pierre Aubin, directeur du développement d’EBP, éditeur, entre autres, de logiciels de paie s’adressant aux TPE et PME : « Tant que ces dernières ne sont pas au pied du mur, elles ne s’intéressent pas à ces sujets. Nous nous attendons à être submergés. »

Des processus internes à repenser

Pour l’heure, Jérôme Joie s’inquiète plutôt du fait que les entreprises « considèrent la DSN comme une simple évolution réglementaire et ne mènent pas le travail à un juste niveau ». Pascale Boyaval abonde : « Les DRH n’ont souvent pas encore pris conscience qu’il faut repenser certains processus internes pour que les informations remontent plus rapidement et soient plus fiables. Face aux problèmes, ils se rendront compte qu’il faudra mettre des garde-fous. »

Une mise en place progressive

Le déploiement de la DSN s’effectue en trois phases.

La première a débuté en avril 2013 pour les entreprises volontaires. À ce stade, la DSN remplace les déclarations mensuelles concernant les mouvements de main-d’œuvre (DMMO-EMMO), les formulaires de radiation des contrats complémentaires, l’attestation de salaire pour le versement des indemnités journalières (DSIJ), l’attestation employeur destinée à Pôle emploi (AE).

En pilote depuis novembre 2014, la phase 2 a réellement démarré en mars 2015. Elle s’élargit aux cotisations et contributions sociales déclarées aux Urssaf (DUCS) et aux entreprises de travail temporaire (relevé mensuel de mission).

La phase 3, celle de la généralisation, débutera le 1erjanvier 2016, avec l’intégration des autres DUCS (retraite complémentaire, prévoyance…), les déclarations de cotisations MSA, la CCVRP et la DADS-U, dont la substitution sera effective à partir de janvier 2017.

Un décret a fixé une obligation anticipée de passage à la DSN au 1er avril 2015 (pour les paies à compter de cette date) pour les quelque 13 500 entreprises ayant eu plus de 2 millions d’euros de cotisations et contributions sociales au titre de 2013, le seuil étant fixé à un million d’euros pour celles passant par un tiers déclarant, dès lors que celui-ci déclare plus de 10 millions pour l’ensemble de ses clients (environ 1 500 entreprises concernées).

(1) <www.dsn-info.fr>.

(2) Déclaration annuelle des données sociales.

Auteur

  • Véronique Vigne-Lepage