logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

L’enquête

EST-CE FORCÉMENT AU HIÉRARCHIQUE DIRECT DE LE MENER ?

L’enquête | publié le : 14.04.2015 | L. G., L. P.

Image

EST-CE FORCÉMENT AU HIÉRARCHIQUE DIRECT DE LE MENER ?

Crédit photo L. G., L. P.

Le premier round d’entretien professionnel doit être bouclé pour la totalité des salariés d’ici à mars 2016. Les entreprises s’y préparent comme elles peuvent, tandis que certains experts se demandent si c’est bien le rôle du n + 1 de le réaliser.

Un entretien professionnel tous les deux ans, un bilan au bout de six ans, et des pénalités pour l’entreprise si le salarié n’a reçu ni formation, ni promotion, ni augmentation. « Pour beaucoup d’entreprises, la priorité est maintenant à la mise en place de cet entretien professionnel, assure Frank Morcant, responsable de la société d’externalisation de la formation Cimes. Car, sur les deux années imparties, une est déjà écoulée. Pour cela, un travail important de gestion du changement en interne doit avoir lieu, car peu d’entreprises avaient l’habitude de déployer des entretiens systématiques sur 100 % de leur population. C’est notamment le cas de celles à forte main-d’œuvre peu qualifiée. »

DIFFÉRENCIER ENTRETIEN ANNUEL ET PROFESSIONNEL

Chez JTekt Catherine Sader, responsable du développement RH, a préparé le terrain : « Nous avons informé sur ce point et aménagé nos formations aux entretiens en incluant la différence entre l’entretien annuel “de performance” et l’entretien professionnel comme entretien de “carrière”. Il faudra resserrer le contrôle de son exécution par le manager, mais le support existe déjà. »

Mais toutes les entreprises n’ont pas atteint cet état de préparation, et Thierry Vaudelin, président du Garf Challenge, prévient : « Certaines d’entre elles ne mesurent pas le danger à six ans, estimant que, de toute façon, elles n’arrivent pas à se projeter aussi loin… Mais il faut qu’elles en prennent conscience : le cumul des entretiens professionnels et du bilan de ceux-ci à six ans risque d’être très chronophage ! L’accord de branche du travail temporaire du 26 septembre 2014 prévoit ces entretiens professionnels pour les permanents comme pour les intérimaires selon leur niveau d’ancienneté. C’est une bonne chose. Nous sommes néanmoins conscients que mener à bien tous les entretiens posera sans doute un problème de volume, puisqu’ils s’ajoutent à l’entretien annuel. »

Et le responsable formation de Manpower d’alerter sur deux points sensibles. Premièrement, le fait que « le nouvel entretien professionnel mettra forcément la pression sur l’effort formation des entreprises, car la relation entre l’un et l’autre risque d’être directe ». Et deuxièmement, la question de « la bonne définition du niveau de traitement »: « Dans certains secteurs du bâtiment, de l’hôtellerie-restauration, de l’industrie, etc., poursuit-il, le hiérarchique direct est-il la bonne personne pour mener à bien cet entretien qui, au-delà d’un bilan annuel, demande du recul et une vision plus large sur les métiers du secteur et les possibilités d’évoluer ? Pédagogiquement et en termes de niveaux d’intervention, ce n’est pas si évident. »

C’est bien cette question du niveau d’intervention que pointe également le consultant Philippe Joffre (Parodoxes). « Je suis toujours sceptique sur la dimension “manager = RH et jardinier des compétences”. À chacun son job. On demande au manager, par défaut de moyens suffisants dans les DRH, de soigner les maux dont il souffre ! Est ce tenable ? Enfin, pour négocier, il faut être deux, et la préparation des collaborateurs à cet entretien professionnel est une condition essentielle de sa réussite. Mais c’est rare au regard des premières pratiques envisagées par les entreprises. »

C’est pourquoi, selon lui, « le gros des entreprises perçoit l’entretien professionnel comme une obligation de plus à remplir et ne manifeste pas de volontarisme pour investir un moment d’échanges et de dialogues. Pour beaucoup d’entre elles, la question se résume à « combien de temps faut-il entre l’entretien d’évaluation et l’entretien professionnel ? », ou « si, en six ans, je donne un euro d’augmentation de salaire et une heure d’e-learning, suis-je préservé des pénalités ? ».

UN DEAL PERTINENT À TROUVER

Au final, Philippe Joffre affirme que l’entretien professionnel n’est pas abouti : « Il aurait pu être un moyen de mettre en adéquation les besoins de tout le monde, devenir un outil puissant au service de multiples enjeux : GPEC, gestion de la formation, dialogue social, maintien de l’employabilité des salariés, implication, motivation et évolution professionnelle des collaborateurs… Certaines entreprises, comme EDF, l’ont fait en créant en interne un “conseil en parcours professionnel”, mettant en visibilité les métiers ou compétences d’avenir, les niveaux de risque ou de sensibilité sur les métiers actuels, en proposant des perspectives, aires de mobilité, parcours passerelles… Et en trouvant un deal pertinent entre individu et entreprise. Mais, pour atteindre ces enjeux, il faut en saisir l’ambition, en maîtriser la préparation et le déroulement, ce qui nécessite du temps, de l’intelligence, des outils, un peu de professionnalisme, etc. »

Auteur

  • L. G., L. P.