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Sur le terrain

RETOUR SUR… L’accord sur l’expression directe et collective des salariés de Viessmann France SAS

Sur le terrain | Pratiques | publié le : 31.03.2015 | Pascale Braun

Signé le 8 mars 2012, l’accord sur l’expression des salariés, conclu entre la direction et les syndicats de l’entreprise de vente et de maintenance de chaudières, constitue un nouveau canal de communication entre la direction et les salariés. Mais les relations sociales restent tendues.

Dans un contexte de tensions internes, Viessmann France SAS, entreprise de commercialisation de systèmes de chauffage, avait besoin d’une soupape. Basée à Faulquemont (Moselle) et employant 330 salariés dans un réseau national de neuf agences, la société a connu trois changements de direction depuis 2010, et la pression exercée sur les cadres s’est répercutée sur l’ensemble du personnel.

Négocié en 2011 à la demande de la CFDT, majoritaire, l’accord EDCS (expression directe et collective des salariés) découle d’une enquête management et santé, suivie d’une étude sur les risques psychosociaux, qui a mis en évidence le désarroi des salariés face aux changements de stratégie de l’entreprise.

« Signé en 2012 par l’ancienne direction, l’accord a été réellement mis en œuvre un an plus tard par la nouvelle équipe. Distincte et complémentaire du rôle des institutions représentatives du personnel, cette expression directe, qui pouvait apparaître comme une contrainte, est devenue un cadre. Ce nouveau canal a permis à la direction de présenter son projet d’entreprise et de faire remonter des informations de terrain auxquelles elle n’avait pas toujours accès », estime Franck Meyer, à la fois DRH et directeur administratif et financier de Viessmann France SAS.

Méthodes et organisation

Applicable à l’ensemble du personnel, stagiaires et intérimaires compris, l’accord permet à des salariés encadrés par un animateur d’aborder les questions de méthode et d’organisation du travail, les améliorations technologiques, mais aussi l’ambiance de travail et « les relations entre les personnes induites par le système d’organisation », indique le texte signé. Les thématiques de congés, de salaires ou de classification en sont exclues. Chaque réunion donne lieu à un compte-rendu écrit transmis aux managers, à la DRH, aux délégués du personnel, au comité d’entreprise et au CHSCT. Les interventions des salariés ne sont pas retranscrites de manière nominative.

Dix-huit mois de préparatifs ont été nécessaires avant d’organiser la première réunion d’expression collective à l’intention des commerciaux en novembre 2013. Depuis, trois autres rencontres ont successivement donné la parole aux techniciens, puis à deux groupes de salariés du service marketing basé à Faulquemont. Au préalable, la direction a lancé un appel à candidatures pour recruter cinq « animateurs ». Un membre des RH, un représentant du personnel et trois autres salariés se sont manifestés et ils ont suivi deux jours de formation à l’organisation et à la modération de débats. Seuls deux d’entre eux ont, pour l’heure, été sollicités pour exercer cette fonction.

Organisée à Paris, la première réunion a largement excédé les 90 minutes prévues par l’accord. Neuf représentants des commerciaux non sédentaires ont unanimement critiqué les nouvelles directives qui leur imposaient 1 000 visites annuelles. La direction a pris acte des témoignages de terrain et abaissé le nombre de visites à 800. Les commerciaux ont aussi obtenu des I Phone et des I Pad (des investissements déjà prévus par le groupe) et des interfaces plus opérationnelles.

Recherche de solutions

Une deuxième rencontre a permis aux techniciens d’exposer l’incidence de la diversification vers le conseil téléphonique, qui les conduisait à un usage illicite et dangereux du portable au volant. Les remarques se sont traduites par une réorganisation de l’accueil téléphonique et de l’emploi du temps hebdomadaire. L’expression des salariés du marketing a traduit très ouvertement un sentiment de manque de respect de la part de la hiérarchie, des doutes quant aux moyens de la direction des ressources humaines et de vives critiques sur la fonctionnalité des locaux flambant neufs, mais mal insonorisés. La direction a partiellement répondu aux problèmes en diffusant une charte de bonne conduite en open space. « L’expression collective a obligé la direction à prendre en compte la parole directe des salariés là où elle ne voulait voir que des problèmes individuels ou des postures syndicales. Les comptes rendus écrits permettent aux syndicats de veiller au suivi des propositions tout en se recentrant sur des problématiques plus générales telles la pénibilité ou la santé au travail », estime Manuel Leite, secrétaire du CE et délégué syndical CFTC. La DRH souligne l’aspect chronophage de l’accord, qui requiert préparation et suivi, mais intègre, directement ou non, les résultats de cette concertation à son management. La libre expression ne saurait suffire à reconstruire la paix sociale. Également signataires de l’accord, mais moins investis que la CFDT, la CFTC et la CFE-CGC pointent les limites d’un dispositif qui n’a guère apaisé des tensions toujours palpables. À leurs yeux, la direction intègre en priorité les réclamations faciles à satisfaire, avantageuses pour elle ou permettant d’apporter des réponses déjà prévues, mais ne s’implique pas dans la mise en place d’une vraie politique RH pour accompagner l’évolution des métiers. L’accord EDCS est néanmoins perçu comme un acquis dont les syndicats attendent l’élargissement à l’ensemble du personnel, des standardistes aux managers. L’initiative de Viessmann France a trouvé un écho auprès d’autres entreprises de la zone d’activité très dense de Faulquemont et pourrait faire école auprès d’un grand réseau sanitaire et social de l’est mosellan.

Auteur

  • Pascale Braun