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Thales déploie son accord hors normes SUR LA STRATÉGIE ET LA BDES

ZOOM | publié le : 24.03.2015 | Nicolas Lagrange

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Thales déploie son accord hors normes SUR LA STRATÉGIE ET LA BDES

Crédit photo Nicolas Lagrange

Des syndicalistes de Thales disposent désormais des codes d’accès à la base de données économiques et sociales (BDES) de l’entreprise. L’accord sur les orientations stratégiques d’octobre 2014, en cours de déploiement, leur assure la mise à disposition d’informations homogènes et plus nombreuses…Il renforce un dialogue social de qualité.

C’est le rush pour les par tenaires sociaux dans les 30 filiales françaises du groupe Thales. Les DRH et responsables des relations sociales viennent de mettre à la disposition des CCE le document sur les orientations stratégiques, spécifique à chaque filiale, pour recueillir leur avis d’ici à fin avril. Négocié pendant sept mois et approuvé par trois syndicats sur quatre (CFDT, CFTC et CGT) en octobre 2014, ce nouveau dispositif, en application de la loi de sécurisation de l’emploi (LSE) de juin 2013, confère aux IRP des prérogatives qui vont en fait bien au-delà de la législation.

« Nous avons commencé la négociation en mars 2014 par une lecture partagée de la loi, souligne Pierre Groisy, DRH France. Durant trois réunions, nous avons échangé sur notre manière d’appréhender les nouvelles règles, et nous avons dressé un état des lieux des informations fournies par chaque société du groupe Thales, en identifiant les bonnes pratiques. »

Avec, très vite, un premier garde-fou : le niveau d’information, hétérogène d’une filiale à l’autre, devra atteindre partout un socle de référence, mais ne pourra diminuer dans les entités où il est mieux-disant. « Pas de régression de droits, c’était notre principale revendication, insiste Laurent Trombini, coordinateur CGT, alors que nous avions rappelé l’opposition de la CGT à l’ANI puis à la LSE. Cette garantie est inscrite noir sur blanc dans l’accord. Nous avons aussi obtenu que l’expertise sur les orientations stratégiques soit intégralement financée par l’employeur, alors que la loi prévoit une contribution du CCE de 20 % sur son budget de fonctionnement. »

une information-consultation par filiale française

Mais sur quel périmètre effectuer la consultation des instances sur les orientations stratégiques : au niveau du groupe, des 30 filiales, des 62 établissements ? « D’emblée, tout le monde a considéré qu’une consultation du seul CCE de Thales SA, la société mère, n’était pas pertinente, compte tenu de la diversité de nos activités industrielles et des stratégies associées », commente Didier Gladieu, coordinateur CFDT (1er syndicat).

L’accord prévoit donc une information-consultation pour chacune des 30 filiales françaises et une information simple pour chaque établissement.

« Nous souhaitions que le comité de groupe puisse être également consulté pour échanger sur la stratégie globale, ajoute son homo logue de la CGT, cela ne repré sentait pas une masse énorme d’informations supplémentaires. » Un souhait en partie partagé par la CFE-CGC, qui réclamait des orientations détaillées sur le périmètre des six GBU (global business units) : « Ce sont elles qui structurent vraiment la stratégie du groupe, or elles regroupent les activités de plusieurs entreprises et sont transnationales », assure José Calzado, le coordinateur du syndicat catégoriel. La CFE-CGC a choisi de ne pas parapher le texte, mais n’exclut pas de s’y rallier ultérieurement, si les divers engagements pris sont réellement mis en œuvre et si certaines dispositions évoluent positivement. « Nous avons proposé de notre côté une consultation du comité européen, qui permettrait d’avoir une vision globale au niveau le plus pertinent, ajoute le représentant CFDT. En vain, pour l’instant, même si nous espérons aboutir dans le cadre de la renégociation en cours sur les prérogatives de cette instance. »

Des solutions jugées compliquées et chronophages par la direction. « Pour autant, le comité de groupe pourra engager une discussion à partir des avis motivés des CCE mis à sa disposition, expose Pierre Groisy. Au niveau des GBU, le Pdg et plusieurs membres du Comex s’expriment sur la stratégie deux fois par an devant le comité européen. »

Commission centrale d’anticipation

Le nouveau dispositif renforce surtout l’articulation entre les orientations stratégiques et les adaptations en termes d’emplois et des compétences (sans PSE). Destinataire, elle aussi, de ces nouvelles informations à tonalité plus économique, la Commission centrale d’anticipation (rattachée au comité de groupe) pourra formuler des recommandations aux dirigeants sur l’évolution des emplois et des métiers. Une avancée intéressante pour les syndicats, qui se félicitent aussi de l’accès très large des IRP à la base de données économiques et sociales (BDES).

Ainsi, les membres des CHSCT sont destinataires de l’ensemble des informations (pas seulement celles qui les concernent), et les membres des comités d’établissement accèdent à toutes les données de leur filiale (pas seulement de leur établissement). Quant aux administrateurs salariés, « ils bénéficient d’un accès complet, avec des informations plus détaillées que celles qu’ils manient habituellement, et pas seulement dans le champ économique », se réjouit Didier Gladieu.

Dans chaque filiale, un référent financier est chargé de fournir les données en vue de la consultation sur les orientations stratégiques, sous forme d’une présentation unifiée de type Powerpoint. Avec des commentaires, des détails qualitatifs et un comparatif entre le budgété et le réalisé pour la partie bilan. « Nous allons au-delà de la loi sur plusieurs thématiques, affirme le DRH France. Nous indiquons, par exemple, la part de main-d’œuvre qui pourrait être externalisée par type d’activité, tant pour le passé que pour les scénarii prévisionnels. » Un référent social par société alimente aussi les rubriques de la BDES prévues par le législateur, selon des indicateurs affinés par les partenaires sociaux et recensés dans les 40 pages des annexes de l’accord. « L’un de nos enjeux est d’améliorer notre relation à l’expert, estime Didier Gladieu. Il ne s’agit pas de nous transformer en spécialistes, mais de monter en compétences, de suivre davantage de formations économiques pour mieux décrypter les données ».

Dans une entreprise où le dialogue social était déjà de qualité, quel est l’intérêt, pour la direction, de cet accord sur les orientations stratégiques et la BDES, qui ajoute de l’information sans simplification à la clé ? « Nous avons voulu donner plus de cohérence au dialogue social, explique Pierre Groisy. Des partenaires éclairés, auxquels on livre des informations pertinentes, sont susceptibles de mieux comprendre les problématiques de l’entreprise et de bâtir de bons compromis. »

La confidentialité encadrée

De l’aveu de plusieurs interlocuteurs, l’obligation de confidentialité a suscité de longues discussions, avant d’être délimitée, exemples à l’appui. « Chaque société précisera les données comportant un caractère confidentiel, ainsi que la durée du caractère confidentiel de ces informations », indique l’accord signé en octobre 2014. Les données déjà largement connues du public et celles relatives aux exercices n –  et n – 1 n’étant pas, par exemple, considérées comme secrètes. Tandis que les études de marché, la politique de R & D ou encore les projets de contrats commerciaux pourront présenter un caractère confidentiel. Sollicités début 2015 pour signer un formulaire sur l’obligation de confidentialité, les représentants concernés ont refusé cette démarche non prévue. Une démarche à laquelle la direction a finalement renoncé.

Auteur

  • Nicolas Lagrange