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CHINE : DISCRIMINATIONS PROFESSIONNELLES : LES CHINOISES SE REBIFFENT

Sur le terrain | International | publié le : 24.03.2015 | Edgar Dasor

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CHINE : DISCRIMINATIONS PROFESSIONNELLES : LES CHINOISES SE REBIFFENT

Crédit photo Edgar Dasor

Depuis vingt ans, la fantastique croissance de la Chine s’est faite en partie aux dépens des femmes. Mais une marche vers la parité se profile, pour des motifs éthiques autant qu’économiques.

En juillet, quand Huang Rong, diplômée d’université de 23 ans, a postulé comme employée dans une école gastronomique de Hang zhou, près de Shanghai, les recruteurs lui ont répondu qu’ils recherchaient un homme. « Cet emploi nécessite souvent de prendre l’avion. Il y a aussi des tâches physiques, comme le port des valises du directeur », ont-ils cru bon d’argumenter. Huang la frondeuse a porté plainte pour discrimination. Décision inédite : en novembre, l’école a été condamnée à verser à la jeune fille la somme symbolique de 2 000 yuans (302 euros).

La moitié du ciel

« Les femmes portent la moitié du ciel », disait jadis Mao Zedong, dont le régime paternaliste prenait en charge l’éducation des enfants et enrôlait à vie les travailleuses dans des « unités de travail ».

Depuis, l’économie chinoise s’est libéralisée. Par la suite, sur fond de valorisation de la performance – prérogative masculine – discriminations et inégalités entre sexes se sont accrues, rappelle en substance l’universitaire Fang Lee Cooke dans un récent article “Genres et pratiques organisationnelles des ressources humaines en Chine” Ainsi, le salaire des urbaines atteignait seulement 77,5 % de celui des homologues masculins en 1990, contre 67,3 % vingt ans plus tard.

Aujourd’hui, 73 % des Chinoises travaillent (un taux supérieur à celui de la Suède), mais à peine un quart d’entre elles occupent des postes à responsabilité. Pire : seuls 9,8 % des membres de conseil d’administration des 300 plus grandes entreprises chinoises sont des femmes.

Les Chinoises ne manquent pourtant pas d’ambition : selon la récente étude “Promouvoir la parité en Chine” du cabinet Bain & Company, respectivement 70 % et 72 % des 850 hommes et femmes interrogés aspirent à un poste de direction.

Alors que les entreprises du pays ne comptent des départements RH que depuis les années 1990, les raisons d’un tel fléau sont, notamment, organisationnelles. « Le temps partiel reste inconnu pour la plupart des employeurs chinois, explique Fang Lee Cooke dans son étude. Les salariés doivent être disponibles à tout instant, soirs et week-ends compris. » Difficile de concilier vies professionnelle et familiale.

Profils rares

Pour autant, un changement des mentalités semble à l’œuvre, comme en témoigne l’affaire Huang Rong. Premières gagnantes, les entreprises : organiser les promotions des salariés en fonction de leur sexe, et non de leur compétence, s’est avéré contre-productif. « Le genre n’est plus déterminant dans le recrutement du haut management en Chine, affirme Philippe Comolet-Tirman, directeur au sein du cabinet franco-chinois de recrutement et de conseil RH Dragonfly Group. Ce qui prime : l’expérience du management dans un cadre multiculturel, une bonne connaissance du marché chinois, un sens du leadership et une bonne communication. » Or un tel profil est rare, impossible donc d’ignorer les postulantes. Même constat dans les usines, où les DRH ne peuvent plus faire la fine bouche, alors que la main-d’œuvre disponible dans les campagnes se tarit. D’autant que les chartes des multinationales interdisent aux sous-traitants les pratiques discriminatoires. Ainsi, avec le concours de BSR, organisme international de promotion de la RSE, Wal-Mart, le géant américain de la distribution alimentaire, a initié en 2013 le Women in Factories Program. D’ici à 2016, ce projet de 2 millions de dollars aura formé, gratuitement et sur le temps de travail, 26 000 employées dans 45 usines du pays ; 4 500 d’entre elles pourront même suivre 100 heures de formation avancée. Le but : en faire des chefs de ligne.

« Nous améliorons leur capacité à communiquer, à gérer le stress et à diriger. Avec la montée en gamme de l’industrie chinoise, les DRH comprennent que, pour améliorer la productivité, il vaut mieux former le salarié qu’en changer », conclut Shirley Xue de BSR, laquelle théorise ainsi la fin de l’ouvrier chinois corvéable à souhait. Qu’il soit un homme ou une femme.

DANS LES MÉDIAS

SOUTH CHINA MORNING POST Recul de l’âge de la retraite

La Chine prévoit de reculer l’âge légal de départ à la retraite, fixé à 60 ans pour les hommes et 55 ans pour les femmes depuis 1953. La mesure devrait être progressivement mise en place dès 2017. Il y a urgence : encore pauvre, le pays est déjà vieux. « D’ici 2050, les plus de 60 ans devraient représenter 39 % de la population contre à peine 15 % aujourd’hui », a annoncé Yin Weimin, le ministre chinois des Ressources humaines et de la Sécurité sociale, lors de l’annuelle Assemblée nationale populaire. Si, dans le pays, les caisses de retraite affichent un excédent confortable, les inégalités régionales sont très fortes. Dans les provinces du Jilin et du Heilongjiang, la « rust belt » chinoise au nord-est du pays, les dettes s’élèveraient à 20 milliards de yuans. 10 mars. South China Morning Post, quotidien généraliste.

Auteur

  • Edgar Dasor