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L’enquête

MOINS DE CONTENTIEUX, MOINS DE RISQUES ?

L’enquête | publié le : 24.03.2015 | É. S.

JURIDIQUE. Si les contentieux se font plus rares qu’avant, un certain nombre d’entre eux ont abouti à l’annulation de la décision de l’Administration, et donc, du PSE de l’entreprise. La plupart du temps à cause d’un défaut de motivation, mais également pour non-respect de la procédure ou insuffisance du plan.

C’est entendu, la loi de sécurisation a réduit drastiquement le nombre de contentieux judiciaires autour des PSE, plafonnant désormais à moins de 8 % contre 20 % à 30 % lorsqu’il était possible de saisir le TGI en cours de procédure. Et sur la centaine de jugements rendus par les tribunaux administratifs, la plupart ont confirmé les décisions d’homologation et de validation prises par les Direccte. Mais d’autres ont été jugées irrégulières, entraînant potentiellement la nullité des licenciements déjà prononcés. Quelques décisions ont marqué les esprits. C’est ainsi que Sanofi et Solocal (ex-PagesJaunes) ont vu la validation de leur accord majoritaire retoquée au motif que l’un des délégués syndicaux signataires n’avait pas été régulièrement mandaté.

UN CONTRÔLE MINUTIEUX

Le contrôle de la qualité de l’information donnée aux instances s’avère tout aussi scrupuleux. Ainsi, chez Astérion, la validation de l’accord collectif partiel et l’homologation du plan unilatéral le complétant ont été annulées parce que l’employeur n’avait transmis au CHSCT qu’un « document Powerpoint de 5 pages » peu disert sur les effets de la restructuration « sur l’organisation du travail à venir et sur les risques psychosociaux liés au changement », selon l’explication de la cour administrative d’appel de Versailles. Or, pointe Alexandra Stocki, avocate au cabinet Bird & Bird, « dans cette affaire, le CHSCT avait pourtant rendu un avis. De même, on a parfois l’impression qu’au-delà de la régularité de la procédure d’information-consultation, c’est la réalité du motif économique qui est appréciée, alors qu’elle ne relève pas du contrôle de l’Administration. Ainsi, l’homologation du PSE de Heinz a été annulée parce que le juge a considéré que le CCE n’avait pas pu se prononcer sur la situation de la compétitivité du groupe en Europe et sur le secteur d’activité retenu ».

De son côté, Emmanuelle Rivez-Domont, avocate au cabinet Jones Day, s’inquiète des décisions portant sur la proportionnalité des mesures du PSE par rapport aux moyens du groupe, lorsqu’il a fait l’objet d’une homologation. « Certains PSE ont été retoqué pour ce motif, mais sur quoi le tribunal s’est-il fondé ? Établir la proportionnalité dans le cadre d’un groupe est un exercice difficile, voire impossible : il n’est pas jalonné et ne répond à aucun critère précis. »

SANCTION DES JUGES

En bref, ce que la Direccte admet, les juges peuvent le sanctionner. « La philosophie du contentieux a changé, rappelle Alexandra Stocki. Les juridictions administratives contrôlent la légalité de la décision de la Direccte, elles ne tranchent pas le litige. » Aussi exemplaires soient-elles dans l’établissement de leur PSE, les entreprises peuvent se faire rattraper pour des motifs qui leur sont extérieurs. C’est ainsi que, souli gne Jean-Martial Buisson, avocat associé chez Fromont Briens, « le défaut de motivation des décisions d’homologation ou de validation constitue la cause principale des annulations. Suivre à la lettre les recommandations de la Direccte ne met donc pas les entreprises à l’abri d’un jugement défavorable ». ll prend en exemple le cas de Barclays France : « L’homologation du PSE a été annulée parce que le juge a estimé que, le nombre de postes supprimés ayant été revu à la hausse en cours de route, la procédure d’information-consultation aurait dû être reprise depuis le début. Or c’est parce qu’elle s’est conformée à la demande de la Direccte d’intégrer certaines ruptures dans le PSE que l’entreprise a été amenée à modifier son projet. »

Pour autant, la loi Macron (qui n’est pas encore définitive) pourrait changer la donne. En permettant notamment aux entreprises de fixer unilatéralement le périmètre d’application des critères d’ordre des licenciements à un niveau inférieur à l’entreprise, ou en circonscrivant la proportionnalité des mesures aux moyens de la seule société, et non du groupe, dans les situations de redressement ou de liquidation judiciaires, elle vise à éteindre un certain nombre de contentieux. Elle prévoit aussi que l’annulation d’une décision au seul motif qu’elle est insuffisamment motivée n’ait plus d’incidence sur la validité des licenciements. Ce qui ne rassure pas totalement Emmanuelle Rivez-Domont : « Au fur et à mesure des jugements, les Direccte motivent de mieux en mieux leurs décisions. C’est-à-dire qu’elles détaillent encore plus les différentes étapes du processus. Or plus ce document, qui vient figer l’histoire, est précis, plus il est susceptible d’être utilisé pour contester un élément de procédure. »

Auteur

  • É. S.