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L’enquête

LA DIRECCTE, UN MÉDIATEUR DE POIDS

L’enquête | publié le : 24.03.2015 | Stéphanie Maurice

À la Société de raffinerie de Dunkerque, un accord a pu être trouvé sur le contenu du PSE, grâce à l’intervention de la Direction régionale du travail.

« La Direccte a été une vraie aide à la négociation », reconnaît Michaël Desmadrille, délégué syndical CGT à la Société de raffinerie de Dunkerque (SRD). Il est satisfait de l’accord sur le PSE en cours, qu’il a signé en compagnie de la CFTC, l’autre syndicat de l’entreprise. Le groupe Colas, spécialiste de la construction des routes et propriétaire de SRD, a décidé de fermer l’activité huiles, à la suite d’un contrat non reconduit avec Total, et de ne garder que la production de bitume, qui l’intéresse directement. Le PSE a été annoncé le 21 octobre 2014, et prévoyait la suppression de 177 postes sur 263.

DEMANDES SYNDICALES

Les représentants du personnel n’ont eu que trois mois pour négocier. Une course contre la montre s’est engagée, sur fond de tensions et de débrayages. À la SRD, sept réunions se sont succédé. Dès le début, la Dirrecte a tenu un rôle important : « Notre direction était prudente, et soumettait à la Direccte les mesures du PSE avant de nous les présenter », signale Michaël Desmadrille. Ce recours a aussi permis de vali der des demandes syndicales. Par exemple, rajouter la compétence professionnelle “bitume” dans la liste des critères définissant l’ordre des licenciements. Cela pouvait être interprété comme discri minatoire : la Direction du travail a levé l’inquiétude, en estimant qu’il était légitime de garder un savoir-faire dans l’entreprise sur le périmètre conservé. Même logique sur le mécanisme de retraite anticipée, un sujet complexe qui nécessitait une expertise pointue. « Sur des temps de négociation aussi courts, nous n’avons plus le temps d’aller chercher la documentation avec nos juristes maison, note le syndicaliste CGT. La Direccte est l’interlocuteur qui a les réponses, et qui peut les apporter rapidement. »

Mais le blocage s’est cristallisé sur le nombre de postes à maintenir : l’entreprise est classée Seveso, à cause des risques industriels importants. Pour les syndicats, il fallait 120 postes pour assurer la sécurité. La direction restait campée sur 109, après avoir accepté d’en ajouter 23 à son estimation initiale. Le directeur général de l’usine, qui n’a pas répondu à nos questions, a alors demandé la délocalisation de la huitième réunion dans les bureaux de la Direccte, à Lille. Dans un communiqué, il expliquait : « Les conditions pour que cette réunion se déroule dans un climat propice à la recherche de solutions ne sont pas réunies, du fait de l’appel à occuper les locaux. » Pour Michaël Desmadrille, à ce moment-là, « la Direccte est passée du rôle de conseil à celui d’acteur de la négociation ».

FIN DE CONFLIT

La Direction du travail a posé le cadre de la négociation : il s’agissait de trouver un accord de sortie de conflit. L’entreprise en était à son 65e jour de grève. « Nous avons accepté, ce qui a rassuré la direction, se souvient Michaël Desmadrille. Elle savait qu’il n’y aurait pas d’autres revendications derrière. » Il garde un souvenir positif de la médiation : « Nous avons pu entendre les explications de la direction sur les limites posées par les actionnaires, ce qui aurait été difficile pour nous à admettre dans un autre contexte. » Après l’exposé des positions de chacune des parties, la Direccte les a séparées et leur a posé des questions simples : quels étaient les postes les plus importants à garder du côté des syndicats ; quels étaient les postes les plus susceptibles d’être repêchés du côté de la direction. « Ils faisaient à peu près le même classement, ce qui était rassurant », se souvient Bruno Drolez, directeur régional adjoint de la Direccte Nord-Pas-de-Calais. Au final, la poire a été coupée en deux, avec 115 postes sauvegardés. La médiation n’est pas une prérogative nouvelle pour la Direccte, rappelle Bruno Drolez, mais il reconnaît que la nouvelle loi lui a donné « une plus grande légitimité pour intervenir » dans ce cadre.

« Le rapport de forces n’est plus le même, regrette de son côté Michaël Desmadrille. Auparavant, tant que les élus au CE n’avaient pas donné leur avis, le patron ne pouvait pas déposer le PSE. Ce n’est plus le cas aujourd’hui, puisque la plupart des PSE sont homologués dès leur premier passage devant la Direccte. » Il a le souvenir du combat mené par les salariés de la raffinerie Total de Grande-Synthe, voisine de la leur, avec contestation devant les tribunaux. Le conflit avait duré plus d’un an.

REPÈRES

Activité

Huiles et bitumes.

Effectif

263 salariés.

Chiffre d’affaires 2013

93,4 millions d’euros.

Auteur

  • Stéphanie Maurice