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PHILIPPE DÉTRIE LA MAISON DU MANAGEMENT

La chronique | publié le : 24.03.2015 |

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PHILIPPE DÉTRIE LA MAISON DU MANAGEMENT

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Pour la stratégie du chemin faisant

« En atteignant le but, on a manqué tout le reste », dit un proverbe japonais. Paradoxe déroutant, c’est le cas de le dire de cet aphorisme que nous devrions méditer en entreprise… Bien sûr, l’efficacité reste le mode opératoire de l’entreprise et c’est ce qu’elle rémunère légitimement : c’est pour elle une fin en soi de viser un leadership, une croissance, une survie, et d’y consacrer tous les moyens à sa disposition. Mais, pour un salarié, l’obsession de la performance n’est pas la vraie vie ! Nous n’allons pas vivre “processés” comme des automates juste bons à aligner des mêmes gestes, des mêmes services et mourir avec, gravé sur sa tombe, « Ci-gît Fifi l’Fini. Il a trimé quarante ans pour tripler la marge brute d’un actionnaire inconnu. »

Ne travailler que pour la performance n’est pas suffisant.

L’efficacité a besoin de modes opératoires. Le process a des vertus. Son grand mérite est de formaliser l’expérience accumulée et de cadrer l’action. On gagne du temps et de l’efficacité. Mais ne se focaliser que sur des process conduit à délaisser ce qui nous entoure, et donc à s’enfermer dans une pratique unique. Triste école de la conformité, à la vérité, qui finit par se révéler aliénante, sclérosante, déshumanisante. On pense pour vous. Reproduis et tais-toi. Comme on le disait à l’armée, penser, c’est déjà désobéir.

Le bonheur est dans le faire.

Nous devons réintégrer dans nos vies professionnelles la démarche du chemin faisant : une démarche (et non une méthode) qui prend en compte l’aléa, le dysfonctionnement, la surprise, l’émerveillement… Une destination reste essentielle, appelée vision ou ambition, en termes de management. Mais le comment n’est-il pas tout aussi important ?

La démarche du chemin faisant évite l’autoroute aveugle de la quête de la performance, et apporte quatre contributions majeures à l’efficacité :

– le plaisir au travail. Répéter à l’infini un process développe certainement la maîtrise, mais aussi l’ennui. Alors qu’un pas de côté ouvre d’un seul coup l’esprit et le cœur. Et un salarié heureux… vous connaissez la suite ;

– de la créativité, mère de l’innovation. Chacun a déjà expérimenté l’apport du détour fécond. Un lâcher-prise favorise la curiosité, et relie au monde ;

– de la motivation. Le sentiment de conduire sa vie, d’aller son chemin, est source de mouvement, c’est un moteur puissant pour découvrir et jardiner son potentiel ;

– et de la performance au bout du compte. Quand Orange propose sa 5e attitude client, “De l’intelligence dans l’application des procédures”, nul doute que la priorité devient, au-delà de la consigne, l’intelligence contextuelle, garante de satisfaction du client.

Comment développer la stratégie du chemin faisant ?

Trois recommandations simples :

– assouplir les process et leurs conditions d’application. Dans la vie, on ne raisonne pas en termes d’équation mais en termes d’adéquation. Le respect d’une procédure que l’on sait nuisible devient une faute : il est important alors de revoir le mode opératoire.

– encourager toute remise en cause, dans la mesure où elle se veut constructive. Le chemin faisant fait découvrir des points de vue que l’esprit le plus rationnel était à cent lieues de découvrir. Pasteur nous a prévenus : « Le hasard ne favorise que les esprits qui y sont préparés. »

– favoriser la diversité, source d’idées nouvelles, de points de vue différents, et donc plus riches.

À chacun sa route… et vive la saveur bénéfique des chemins de traverse ! Comme l’écrit Paulo Coelho : « Si vous pensez que l’aventure est dangereuse, essayez la routine… Elle est mortelle. »