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LA CHRONIQUE JURIDIQUE D’AVOSIAL

Chronique | publié le : 24.03.2015 | GÉRARD KESZTENBAUM

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LA CHRONIQUE JURIDIQUE D’AVOSIAL

Crédit photo GÉRARD KESZTENBAUM

BUDGETS DES COMITÉS D’ENTREPRISE : COMMENT RETRAITER LE COMPTE 641 !Les normes comptables, qui ne relèvent pas d’une logique sociale, ne coïncident pas avec le droit social, comme l’illustre l’usage du compte 641 comme base de la masse salariale pour le budget du CE. L’intervention du législateur permettrait de clarifier la situation.

Dans une décision IBM du 30 mars 2011 (n° 09-71.438), la chambre sociale, ressuscitant une position de principe administrative (n° 1-87 du 16 février 1987), avait décidé que la masse salariale servant de base aux budgets du comité d’entreprise – œuvres sociales et fonctionnement – correspondait au montant de la somme inscrite au compte 641 de la comptabilité de l’entreprise.

Cependant, cette décision semblait aussi surprenante que discutable. D’une part, le Code du travail ne contient aucune mention de ce compte. Les articles L. 2325-43 (subvention de fonctionnement) et L. 2323-86 (budget des œuvres sociales) utilisent respectivement les expressions de « masse salariale brute » et de « montant global des salaires payés ». D’autre part, le compte 641 « rémunérations du personnel » est plus large que la simple masse salariale. Il comprend les sous-comptes suivants : salaires, appointements (6411), congés payés (6412), primes et gratifications (6413), indemnités et avantages divers (6414) et supplément familial (6415). Il intègre aussi bien les provisions (dettes incertaines de salaire liées à un litige) que les charges à payer (dettes certaines mais échues postérieurement à la clôture de l’exercice, par exemple bonus), l’intéressement collectif du personnel, alors même qu’il ne s’agit pas d’un salaire (C. trav. L. 3312-4) et que les indemnités de licenciement. Dès lors, les budgets du comité d’entreprise augmenteront si l’entreprise verse des indemnités de licenciement !

Dans deux décisions ExxonMobil du 20 mai 2014 (n° 12-29.142) et Systra du 9 juillet 2014 (n° 13-470), la chambre sociale a admis le principe du retraitement du compte 641. Mais ces décisions demeurent ambiguës.

La Chambre sociale énonce les retraitements admis : il convient d’exclure du compte 641 la rémunération des dirigeants sociaux, les remboursements de frais et « les sommes… qui, hormis les indemnités légales et conventionnelles de licenciement, de retraite et de préavis, sont dues au titre de la rupture du contrat de travail ».

En outre, si des salariés sont détachés au sein de l’entreprise et y sont intégrés de façon étroite et permanente, leurs salaires doivent aussi être pris en compte dans la base de calcul des budgets du comité d’entreprise.

On peut sans doute discuter à perte de vue des arguments en faveur ou contre la référence au compte 641. Mais comment, par exemple, justifier l’inclusion des indemnités légales ou conventionnelles de licenciement ou de mise à la retraite dans la base de calcul, alors qu’elles ne sont soumises ni aux charges sociales, ni à l’IR, au motif qu’elles correspondent à la réparation d’un préjudice et non à l’accomplissement d’un travail ?

On peut certes admettre la prise en compte des salariés détachés dans l’entreprise et intégrés au sein de celle-ci de façon étroite et permanente. Mais leurs salaires sont comptabilisés dans le compte 621 (« personnel extérieur à l’entreprise ») et non dans le compte 641 !

La chambre sociale s’échine à vouloir faire coïncider le droit social avec les normes comptables, lesquelles relèvent davantage d’une logique commerciale et économique que d’une logique sociale.

Une intervention du législateur pour mettre en harmonie toutes les dispositions légales ou réglementaires relatives aux salaires paraît nécessaire (ainsi les salaires à prendre en compte pour le calcul de la participation sont-ils ceux inscrits dans la DADS !).

En attendant, les entreprises ont intérêt, soit à négocier avec les organisations syndicales une définition plus claire et plus précise de la base de calcul de ces budgets, soit à en approfondir les composantes avec leur expert-comptable, car la comptabilité recèle parfois des souplesses insoupçonnées.

Auteur

  • GÉRARD KESZTENBAUM