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Sur le terrain

RETOUR SUR… La lutte contre les addictions au conseil général de la Somme

Sur le terrain | Pratiques | publié le : 17.03.2015 | Éric Delon

Depuis 2009, la collectivité picarde a mis en place une démarche afin de lutter contre les addictions, notamment l’alcoolisme, en constituant un groupe d’aide et de prévention et en communiquant régulièrement sur le sujet.

Lorsque Caroline Mézière prend ses fonctions de DGA-RH au conseil général de la Somme en 2008, elle choisit de s’attaquer à un sujet tabou dans les organisations tant publiques que privées : les addictions, notamment vis-à-vis de l’alcool. « On estime que 10 % des Français sont concernés par des problèmes d’alcool. Notre collectivité compte 3 000 agents. Statistiquement, ce sont 300 d’entre eux qui pourraient être exposés au risque : il nous a donc semblé pertinent de nous mobiliser », explique– t-elle. À l’époque, le médecin de prévention du conseil général ne recense pas pour autant de cas pathologiques avérés d’addiction et ne constate pas la présence de services ou de départements particulièrement exposés au phénomène.

« C’est un cliché de considérer que seuls les métiers difficiles ou rudes physiquement, comme par exemple, chez nous, l’entretien des collèges ou de la voirie, ou les métiers médico-sociaux, sont les plus touchés. Les secteurs administratifs, voire d’encadrement, peuvent eux aussi être affectés, sachant que les postes où la convivialité est de mise, avec des repas pris en commun, notamment sur les chantiers, sont les plus exposés », rappelle Caroline Mézière.

Accord unanime

Début 2009, afin de dresser un état des lieux, de mesurer le degré de connaissance des personnels sur cette problématique et d’évaluer leurs attentes en la matière, la DRH établit un questionnaire anonyme sous la forme d’un quiz. Sur la base de ce dernier, Caroline Mézière et ses équipes, en collaboration avec le comité d’hygiène et de sécurité (CHS) et le médecin préventeur, et après avoir obtenu l’accord unanime des organisations syndicales sur le texte, rédigent un règlement à destination des agents, rappelant les principes devant régir leurs « rapports » avec l’alcool.

« Même s’il existe bien d’autres addictions, comme celle à la marijuana, nous avons focalisé notre démarche sur la consommation d’alcool, dont l’un des problèmes, que nous n’ignorions pas, est que ce breuvage n’est pas un produit interdit et qu’il est convivial et volontiers associé à la fête », explique la DGA-RH, qui précise que l’approche s’est voulue « tout sauf moralisatrice : nous nous sommes positionnés en tant qu’employeur devant assurer la sécurité et le bien-être au travail de ses agents ». Outre une formation obligatoire de trois jours des encadrants à la problématique alcoologique avec l’Association nationale de prévention en alcoologie (Anpaa), assortie de l’obligation, chaque année, de réaliser un retour d’expérience d’une journée, la DRH et le CHS ont élaboré, à l’intention desdits encadrants, des fiches de procédures afin de pouvoir gérer des situations concrètes. Exemples : comment mener un entretien lorsqu’une alcoolisation est constatée, comment effectuer une mesure de retrait de travail, comment gérer le retour de l’agent après un éventuel congé maladie…

Autre mesure mise en place, la formation d’un groupe – permanent – d’aide et de prévention, baptisé Mission virage et composé de vingt agents volontaires, formés à ces problématiques. Leur mission : être à l’écoute des agents qui désirent se confier et se rendre régulièrement sur le terrain afin de présenter la problématique de l’alcoolisation. « Il s’agit de démystifier le problème de l’alcoolisme et de faire tomber les préjugés en la matière. Les experts apprennent que le déni de l’entourage, professionnel et familial, entretient la personne addict dans son processus d’alcoolisation. Lorsque l’addiction est avérée, le médecin est seul autorisé à effectuer la prise en charge de l’agent », explique Caroline Mézière.

Impliqués dans la démarche depuis le début, présents au sein de la Mission virage, les syndicats mettent en avant leur proximité avec les agents pour les faire adhérer au programme. « Ils sont en sécurité avec nous, explique Michèle Fournier, responsable de Force ouvrière au conseil général. Ils ne craignent pas de possibles effets de délation vis-à-vis de la direction. Nous les avons convaincus que la prise en charge de leur addiction par le réseau de la collectivité avec le médecin et les assistantes sociales était plus pertinente que de faire appel à une association qu’ils ne connaîtraient pas. »

Amélioration continue

Près de six ans après le lancement de la démarche, qu’en est-il des résultats concrets ? « Il s’agit d’un processus de longue haleine, de long terme, d’amélioration continue, en quelque sorte, pointe Caroline Mézière. Nous avons enregistré avec satisfaction des guérisons, des retours au travail. Il s’agit de cas individuels. Un certain nombre de pratiques, comme les apéritifs, ont été abandonnées. Nous poursuivons nos campagnes de sensibilisation auprès des nouveaux entrants et des nouveaux encadrants. »

Quels conseils concrets pourraient être donnés à des collectivités territoriales, grandes ou petites, qui choisiraient de se lancer dans un tel projet ? « Avant tout, il faut bien connaître le sujet, puis partager la connaissance, la vision et les objectifs. Les outils et les moyens sont ensuite assez faciles à trouver », recommande la DGA-RH.

Cette démarche de lutte contre les addictions a valu au conseil général d’obtenir le troisième prix de la quatrième édition du Prix santé au travail de la Fonction publique territoriale, organisée par la Mutuelle nationale territoriale, en novembre 2014.

Auteur

  • Éric Delon