Le monde actuel se trouve en situation paradoxale. L’État a perdu la main par rapport aux puissances économiques, peinant à faire prévaloir un intérêt citoyen face à celui de l’actionnaire. Dans le même temps, la grande entreprise a manifestement pris une dimension politique, dans la mesure où elle pèse sur le destin économique et social des populations et contribue à façonner ses horizons matériel, culturel, idéologique et psychologique.

L’individu moderne est l’enfant des théories de management ; entrepreneur de soi, autonome pour le meilleur et pour le pire, il est supposé gérer, selon les mêmes principes d’efficacité, sa vie professionnelle et sa vie privée. Ce renversement des valeurs s’accompagne d’une “déliaison” du lien social par l’emploi. Celui-ci est de moins en moins garanti, de plus en plus flexible et multiforme. Dans un tel contexte, sauver ce qui peut l’être du principe d’une organisation sociale à grande échelle suppose, selon l’auteur, expert et facilitateur de la dynamique entrepreneuriale, à la fois de mieux définir ce qu’est l’entreprise et de cadrer son action politique selon des principes plus démocratiques.

Ce texte critique de la grande entreprise actuelle s’appuie cependant sur l’idée qu’elle peut et doit avoir une position prépondérante dans l’organisation politique de demain, pour peu que l’on redonne au dirigeant la place qui devrait être la sienne, celle d’une figure compétente pour orienter et organiser l’action collective. Bref, pour peu qu’on lui permette de reprendre la main sur la logique financière.