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PSA s’immerge DANS SES BASSINS D’EMPLOI

ZOOM | publié le : 03.03.2015 | Christian Robischon

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PSA s’immerge DANS SES BASSINS D’EMPLOI

Crédit photo Christian Robischon

Le constructeur automobile s’associe aux acteurs locaux du marché de l’emploi pour lancer six plates-formes de soutien à la mobilité “sécurisée” de ses salariés vers les entreprises voisines en manque de main-d’œuvre.

PSA donne corps à la mobilité externe sécurisée. L’outil, créé par la loi de sécurisation de l’emploi de juin 2013, trouve chez le constructeur automobile un cadre structuré d’application : les “plates-formes territoriales de mobilité et de transitions professionnelles”. Installées à l’automne dernier, elles facilitent le départ de salariés volontaires tout en leur ménageant la possibilité d’un retour pendant leur période de reconversion, comme le prévoit la nouvelle loi.

L’entreprise les a installées dans ses cinq usines françaises de montage de véhicules : Mulhouse, afin de susciter la mobilité en Alsace, Sochaux (Franche-Comté), Rennes (Bretagne), Poissy (Ile-de-France) et le site Sevelnord pour le Nord-Pas-de-Calais. Une sixième verra le jour cette année pour la Lorraine autour des usines de moteurs et boîtes de vitesse de Metz.

Redéploiement des effectifs

Le nouvel outil constitue une composante de l’accord de compétitivité “nouveau contrat social”, signé en octobre 2013, qui organise un vaste redéploiement des effectifs de PSA en France. Sa contribution à cet objectif restera marginale en quantité. Cette année, PSA table sur quel que 250 départs après passage par une plate-forme. La mobilité externe classique, sous forme d’embauche directement négociée entre le salarié et son nouvel employeur, devrait peser au moins autant. Et le chiffre est loin des 1 500 congés seniors, des 2 000 recrutements de jeunes en alternance ou des 1 400 mobilités internes attendues. « La plate-forme, on n’en voit pas vraiment l’effet pour l’instant, appuie Laurent Valy, délégué CFDT de l’usine de Rennes. Aujourd’hui, les partants sont surtout nos nombreux salariés âgés – notre moyenne d’âge dépasse 47 ans – qui peuvent bénéficier du congé senior [dispense d’activité de deux à cinq ans avec maintien du salaire à 70 % ou 75 %, NDLR]. »

Pour PSA, la valeur ajoutée des plates-formes est ailleurs : dans l’ouverture aux marchés de l’emploi environnants qu’elles entendent consolider, en contraste avec une certaine tradition de fonctionnement en vase clos des usines. « Les plates-formes ont vocation de pérennité, à la différence de nos autres mesures comme le Daec – dispositif d’adéquation des emplois et des compétences –, qui apporte une réponse à une situation conjoncturelle. Ces plates-formes ne sont pas assorties d’objectifs chiffrés. Elles sont là pour créer le liant durable avec les acteurs locaux de l’emploi », confirme Franck Mulard, DRH France de PSA.

Mobilité sectorielle

« Face au constat que la mobilité géographique est difficile à mettre en œuvre, en France en général comme chez PSA, nous avons cherché une nouvelle voie avec des partenaires locaux qui privilégient la mobilité sectorielle au sein du même territoire, soit en restant dans son métier d’origine, soit en accompagnant par de la formation une reconversion plus importante », justifie le DRH.

Autour d’une cellule RH de l’usine, la plate-forme réunit la représentation locale de l’UIMM, la Direccte, Pôle emploi et le cabinet Altedia. S’ajoutent d’autres opérateurs spécifiques tels les entreprises d’intérim ou la Maison de l’emploi et de la formation comme à Mulhouse. « Le dispositif repose sur une coordination nationale, mais le fonctionnement se veut décentralisé, afin que chacun puisse le mieux s’adapter aux habitudes de son bassin d’emploi », ajoute Franck Mulard.

Ces acteurs extérieurs font remonter les offres d’emploi immédiates ou à plus long terme qui leur parviennent. Aux usines PSA de trouver les profils susceptibles de faire l’affaire, pour autant qu’ils n’exercent pas un métier classé “en tension”, dont l’entreprise ne veut pas se séparer. « Nous avons estimé qu’il fallait aller au-devant des salariés, sur leur lieu de travail », témoigne Valérie Demange, responsable gestion-développement RH de PSA Mulhouse. Dans ce but, ce site a désigné huit “référents métiers”, un par grand secteur : ces chefs d’équipe ou techniciens repérés pour leur aisance dans les relations humaines sont à la fois le relais des communications et actions de la direction RH et les détecteurs de candidats au gré du dialogue au quotidien dans les ateliers.

Au 19 février, 250 personnes à Mulhouse s’informaient en s’abonnant à la mise à jour hebdomadaire des offres. Celles-ci émanaient de 101 entreprises, dont 88 n’avaient qu’un poste chacune à pourvoir ; 54 salariés s’étaient officiellement positionnés sur une ou plusieurs des offres (en moyenne, un candidat s’intéresse à trois postes), leur permettant d’accéder à un accompagnement d’Altedia. Et 46 avaient décidé de quitter PSA.

Options de départ

La plate-forme propose plusieurs options de départ. La plus simple, mais pas la plus répandue, consiste en un recrutement du jour au lendemain par une entreprise qui trouve la parfaite adéquation avec son besoin, notamment à l’occasion de forums emplois et job dating organisés dans l’usine.

Une formation préalable s’impose cependant dans la plupart des situations. Selon l’ampleur, deux leviers sont actionnés. Le congé de transition professionnelle (CTP) prévoit une formation jusqu’à 300 heures, il se déroule dans le cadre juridique du congé de reclassement ; et il n’excède pas six mois. Le passeport de transition professionnelle (PTP) est une création de PSA et dure deux ans. La formation préalable s’étend sur plus de 300 heures. PSA finance le coût pédagogique dans les deux cas.

Le CTP comme le PTP entraînent la suspension du contrat de travail chez PSA, mais maintiennent l’intégralité de la rémunération. La clause de retour s’applique : à tout moment du CTP ou du PTP, le salarié PSA peut revenir dans son usine, qui lui retrouvera son poste ou un équivalent. « C’est un point positif, cela laisse le temps au salarié de vérifier si son nouveau poste lui convient ou pas, si la formation se passe bien ou pas », salue Laurent Valy. Ainsi, à Mulhouse, quatre salariés ont démarré le 19 janvier dernier un PTP pour leur embauche sur le site chimique voisin Solvay-Butachimie. Conducteur d’installation à la métallurgie-forge, métrologue à la mécanique, spécialistes de la qualité, ils s’engagent dans vingt mois de formation en alternance pour décrocher un CQP de la chimie, qui fera d’eux des conducteurs de lignes de production spécialisés dans cette industrie.

Si la volonté de départ est confirmée, la rupture du contrat est actée sous la forme d’un licenciement économique dans le cas du CTP ou d’une démission s’il s’agit d’un PTP. Dans les deux cas, le partant touche les indemnités conventionnelles, majorées de six mois du salaire brut.

Prêts de main-d’œuvre

La plate-forme prévoit aussi l’accompagnement à la création d’entreprise, ainsi qu’une forme temporaire de mobilité : le prêt de main-d’œuvre à durée limitée. « Celui-ci peut, par exemple, apporter à des PME des compétences transversales bien maîtrisées par nos équipes, comme la maintenance, la mise en place du lean management, etc. », expose Franck Mulard.

Un détachement anticipateur à Mulhouse

Manurhin a fait tester avant l’heure la mobilité externe à PSA. Ce fabricant de machines de munitions à Mulhouse s’est vu prêter neuf salariés de l’usine automobile voisine fin 2013. L’opération a débouché sur six embauches en CDI entre avril et décembre derniers. « Venus du secteur outillage de l’usine PSA, ces ajusteurs-monteurs et techniciens d’usinage présentaient un profil en parfaite adéquation avec nos postes de mécanique de précision », se félicite Thierry Himburg, DRH de Manurhin.

« La période de détachement de trois mois renouvelables leur a donné le temps de vérifier si leur projet de reconversion pouvait s’épanouir chez nous, sachant que nos contrats impliquent de nombreux déplacements à l’étranger », ajoute-t-il. La PME de 160 salariés, en pleine croissance, aurait volontiers conservé tout le groupe, mais trois personnes ont choisi une autre reconversion.

Le salaire, lui, est au moins égal à PSA, Manurhin indiquant ne pas hésiter à mettre le prix pour « ces compétences très qualifiées dont nous avons absolument besoin ».

L’entreprise n’aurait également pas rechigné à accueillir davantage de candidats de PSA, mais les profils concernés ne comptent pas parmi ceux dont le constructeur souhaite le plus se séparer… Du coup, elle recherche par d’autres voies 20 mécaniciens qualifiés supplémentaires.

Auteur

  • Christian Robischon