L’HISTOIRE DE RENAULT est celle de la France industrielle prise dans les aléas de l’Histoire. Née au début du xix^e siècle, l’entreprise est ensuite chahutée par la Seconde Guerre mondiale, entre la collaboration de son patron et la résistance de nombre de ses salariés. Nationalisée à la Libération, Renault sera ensuite l’emblème de la démocratisation de l’automobile et le symbole de la production fordiste. L’Ile Séguin où est implantée la Régie, surnommée « l’île du diable », devient alors la caricature du taylorisme : production à la chaîne, cadences infernales… C’est donc tout naturellement aussi qu’elle devient l’un des hauts lieux des revendications sociales de 1968 puis, par un retournement de l’histoire, la vitrine sociale de la France. Mais l’usine de Boulogne-Billancourt ne correspond bientôt plus aux exigences de production modernes et doit fermer en 1992.

L’auteure, professeure d’arts plastiques, a commencé par photographier l’usine désaffectée avant de faire connaissance avec ses ex-ouvriers et de recueillir leur histoire. On parle de friche industrielle pour désigner ces no man’s land que sont devenues les usines à l’abandon, mais comment appeler ces ouvriers venus du Maroc, de Tunisie, de Bretagne ou de Sicile pour se fondre dans le creuset d’une expérience ouvrière identique ? Le peuple de France, sans aucun doute. Dix d’entre eux livrent ici leur expérience professionnelle et humaine bouleversante.