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Sur le terrain

RETOUR SUR… L’École de la deuxième chance transfrontalière Moselle-Sarre

Sur le terrain | Pratiques | publié le : 24.02.2015 | Pascale Braun

Les 18 mois d’existence de l’École de la deuxième chance transfrontalière Moselle-Sarre ont permis à une centaine de jeunes de découvrir les opportunités d’emploi de part et d’autre de la frontière.

Fin 2014, un bilan très encourageant de l’école de la deuxième chance transfrontalière (E2C-T) Moselle-Sarre a été présenté à Forbach (Moselle) par son pilote français CCI Formation 54 et son partenaire allemand du centre de formation Tüv Nord Bildung Saar. En dix-huit mois d’existence, cette structure dédiée aux jeunes sortis sans diplôme du système scolaire a enregistré un taux moyen de réussite de 60 %, manifesté par des signatures de CDI, de CDD de plus de six mois ou de contrats de professionnalisation.

Côté français, les trois quarts des 76 stagiaires sélectionnés par Pôle emploi ont décroché un des trois contrats, principalement dans les domaines de la vente, de l’animation et de l’industrie. Ce groupe mosellan, constitué à 53 % de femmes, a enregistré 62 % de “sorties positives”, contre 20 % de jeunes n’ayant pas de solution immédiate et 18 % d’échecs à la suite à de causes “non maîtrisables” : déménagement, maladie, grossesse ou incarcération.

Côté allemand, les 53 jeunes sarrois, eux aussi formés en France, présentent un taux de réussite de 57 %, contre 35 % de départs et 7 % de sorties sans solution. Le moindre taux de réussite de ces jeunes proviendrait du fait qu’ils ont été moins disposés à quitter leur pays pour trouver un débouché en France, et que le dispositif d’accompagnement psychologique, qui a fait la preuve de son utilité en France, n’existe pas côté allemand.

Suivi pendant un an

Néanmoins, note Fabien Lo Pinto, adjoint au directeur de la CCI de Meurthe-et-Moselle, porteuse du projet côté français, « globalement, ce taux de réussite est nettement supérieur à la moyenne des dispositifs d’insertion, et s’explique par la durée de la prise en charge. Les stagiaires sont encadrés durant sept à huit mois, et bénéficient d’un suivi d’un an durant lequel ils peuvent solliciter leurs anciens formateurs. Le taux d’inscription en CDI, en CDD de plus de six mois ou en contrat de professionnalisation augmente souvent de 10 % un an après le passage dans une école de la deuxième chance, grâce aux contacts conservés et au suivi post-formation ».

« Ces chiffres démontrent que ceux qui ont échoué dans leur cursus scolaire méritent l’aide qu’on leur apporte, estime Jürgen Barke, secrétaire d’État au ministère sarrois de l’Économie et du Travail. Compte tenu du déclin démographique de la Sarre, nous ne pouvons pas nous permettre de laisser des jeunes sur le bord du chemin. Traverser la frontière doit devenir normal. L’enjeu de l’emploi des moins de 25 ans ne concerne pas uniquement les Sarrois et les Lorrains, mais correspond aux besoins de l’Europe tout entière. »

La spécificité de l’école transfrontalière s’est traduite par des enseignements intensifs de la langue du voisin, en plus des remises à niveau classiques. La formation pratique a été assurée par 140 entreprises partenaires, dont 100 françaises et 40 allemandes. À cette immersion, sous le statut de stagiaires de la formation professionnelle, se sont ajoutés deux voyages éducatifs à Berlin et à Rouen, qui ont permis aux stagiaires de pratiquer au quotidien dans la langue du voisin. Ces dix-huit mois ont également été l’occasion d’échanges pédagogiques poussés entre les équipes de la Tüv Nord Bildung de Volklingen et l’E2C-T de Forbach.

Avenir incertain

Autres initiatives intéressantes accompagnant ce programme : Océal, agence de travail temporaire forbachoise spécialisée dans l’intérim franco-allemand, a élaboré un glossaire pour permettre d’acquérir rapidement les bases de l’allemand professionnel, et a organisé des ramassages afin de déposer les jeunes sur leur lieu de travail.

Malgré ces bons résultats, l’avenir du dispositif paraissait encore bien incertain fin 2014. Monté dans le cadre du programme européen Intéressa IV A Grande Région 2007-2013 pour le développement de l’emploi dans un contexte transfrontalier, le projet E2C-T devait initialement mobiliser 979 000 euros. Mais ce budget a finalement été divisé par deux, passant à 441 000 euros, dont 274 000 euros issus du Feder (Fonds européen de développement régional) et 98 000 provenant du conseil régional de Lorraine. Bien qu’enthousiaste quant au premier bilan, le Land de Sarre n’a pas participé à son financement. En début d’année 2015, le conseil régional de Lorraine a réaffirmé, dans une brochure dédiée au bilinguisme, son soutien à la poursuite de l’initiative, mais la clé de répartition des futurs financements n’est pas encore trouvée.

Néanmoins, le prochain programme pourrait englober l’école de la deuxième chance transfrontalière franco-allemande ainsi qu’une autre E2C franco-belge, créée par une initiative comparable conduite entre 2009 et 2013 sous l’égide de la Lorraine, de la région Wallonne et de la Province du Luxembourg belge. Car, comme le soutiennent les partenaires, si l’initiative démontre le poids des difficultés sociales d’origine, elle fait la preuve également que les jeunes des deux régions ont gagné en compétences, en confiance en soi et en perspectives d’avenir.

Auteur

  • Pascale Braun