Il existe toujours une différence entre le travail prescrit et le travail réel. Quels que soient le détail et la rigueur des consignes et des procédures, il ne peut s’accomplir si les salariés n’y mettent pas du leur. Dans le travail réel surviennent des aléas et des cas particuliers qui empêchent la règle de s’appliquer et les salariés de faire ce qui était prévu comme cela était prévu. Ils doivent donc en permanence s’adapter et faire preuve d’inventivité. Quand ils font la grève du zèle et respectent scrupuleusement les prescriptions, l’activité s’en trouve paralysée. Cette distorsion entre le travail réel et le travail prescrit est source d’une souffrance qui se généralise d’autant plus que la pression au travail s’accroît.

Pourtant, selon l’auteur, psychiatre et professeur au Cnam, souffrir au travail n’est pas une fatalité. Il est possible de l’organiser pour qu’il soit source d’épanouissement plutôt que cause de maladie. Alors que, dans Souffrance en France (Seuil, 1998), son autre ouvrage, l’auteur ne donnait que des pistes générales sur la manière de procéder autrement, ses recherches suivantes, et notamment Travail vivant (Payot, 2009), lui ont permis d’avancer sur les conditions auxquelles doit théoriquement satisfaire une organisation du travail qui ne nuise pas à la santé mentale des travailleurs.

Le présent ouvrage montre les résultats d’expérimentations concrètes pour transformer en profondeur l’organisation du travail. Il rend compte successivement de la banalisation du pire dans une première partie et, dans une seconde, des expériences pionnières qui proposent des alternatives.