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EMPLOI : MOBILITÉ INTERNE ET EXTERNE Ce que la LSE a changé

L’enquête | publié le : 10.02.2015 | É. S.

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EMPLOI : MOBILITÉ INTERNE ET EXTERNE Ce que la LSE a changé

Crédit photo É. S.

Avec les accords de mobilité interne et la période de mobilité externe sécurisée, la loi de sécurisation de l’emploi (LSE) cherchait à offrir de « nouvelles perspectives de mobilité dans un cadre sécurisé ». Si les conditions de mise en œuvre en limitent l’essor, ces accords trouvent néanmoins parfois leur place dans les politiques de gestion de l’emploi des entreprises.

Tous mobiles… Si l’injonction, explicite ou implicite, n’est pas nouvelle, les signataires de l’ANI du 11 janvier 2013 avaient prévu deux nouveaux outils juridiques pour accompagner le mouvement. D’un côté, les accords de mobilité interne, censés permettre aux entreprises de s’adapter plus facilement (entendre : sans risquer d’avoir à mettre en place un PSE) en cas de projet de réorganisation “sans réduction d’effectifs”, en échange de mesures d’accompagnement négociées. De l’autre, la période de mobilité externe volontaire et sécurisée, permettant aux salariés de travailler chez un autre employeur tout en conservant un droit au retour dans leur entreprise d’origine. Deux ans plus tard, la concrétisation de ces nouvelles règles n’est pas flagrante. Si la mobilité externe sécurisée est inscrite dans quelques accords d’entreprise, son utilisation par les salariés reste confidentielle. Aucune demande n’est arrivée, par exemple, sur le bureau des DRH de MMA, ou du Crédit agricole CIB. Quant aux accords de mobilité interne, ils sont à ranger, selon Philippe Vivien, directeur général du cabinet Alixio, au rayon des « échecs de la LSE », au même titre que les accords de maintien de l’emploi. Les entreprises ne se sont pas précipitées pour négocier de tels accords, constate en écho Sophie Lemaître, avocate au cabinet MBA (lire p. 21). « La loi prévoyant que les refus de mobilité se soldent par un licenciement économique individuel, les entreprises hésitent à négocier ces accords, reprend Philippe Vivien. Par ailleurs, elles n’en ont pas forcément besoin pour développer la mobilité interne, car la GPEC est devenue, au fil du temps, plus mature et beaucoup plus opérationnelle. »

FAVORISER LE MAINTIEN DANS L’EMPLOI

Alors, un dispositif de plus pour rien ? C’est aller sans doute un peu vite. Car quelques entreprises ont intégré la période de mobilité externe sécurisée dans leur politique de gestion de l’emploi (lire p. 22). Et d’autres, souvent les mêmes, ont négocié des accords de mobilité interne dès 2013 (lire Entreprise & Carrières n° 1167 du 19 novembre 2013). La plupart du temps, ces accords ont immédiatement été mis en musique. En dix-huit mois, le Crédit agricole CIB a ainsi pu mener huit projets impliquant des mobilités fonctionnelles (lire p. 24).

Dans ces entreprises, les DRH dressent un bilan positif des premières applications. En particulier en matière de climat social. « La vertu de ce dispositif est d’inciter à favoriser le maintien dans l’emploi, observe ainsi Faroudja Kicher, directrice du développement social à Sita France. Bien que ce ne soit pas évident de mettre en balance l’acceptation de la mobilité et le départ de l’entreprise, le fait de négocier en amont des réorganisations permet d’avoir un dialogue social serein sur ces questions délicates. » Dans ce groupe de gestion et de valorisation des déchets, l’accord, signé fin 2013, a été décliné dans trois entités. « L’accord a été très rapidement intégré dans nos processus, c’est devenu un outil opérationnel grâce à un consensus fort entre la direction et les IRP », se félicite-t-elle.

DES ACCORDS “FACILITATEURS”

Les accords de mobilité interne jouent, dans bien des cas, un rôle facilitateur. Philippe Vasseur, le DRH de MMA, est catégorique : « L’accord que nous avons signé en juillet 2013 nous a permis de conduire notre projet de regroupement des directions régionales commerciales plus rapidement, et avec davantage d’ambition. Sans ce texte, nous n’aurions sans doute pas fermé, par exemple, le site de Rennes, dont les équipes ont été transférées à Nantes. La dizaine de mobilités géographiques que cela impliquait nous serait apparue comme un écueil trop important. Au contraire, elles se sont faites, finalement, plus rapidement que nous le pensions. »

Au sein de la mutuelle, poursuit-il, « 53 mobilités géographiques ont été mises en œuvre dans le cadre de l’accord depuis l’été 2013 et 15 sans déplacement de la cellule familiale. Ce qui est deux fois plus que les mobilités que nous faisions les années précédentes. Seules cinq personnes ont choisi une mobilité externe et une personne n’a pas accepté les postes en reclassement qui lui ont été proposés. »

Tous les bilans, ceci dit, ne sont pas aussi nets. Bougera, bougera pas ? Difficile pour les entreprises d’anticiper qui acceptera la mobilité et qui la refusera. Les mesures d’accompagnement, aussi élaborées ou généreuses soient-elles, ne permettent pas toujours de faire face aux contraintes personnelles que génère une mobilité géographique. À L’Occitane, les départs ont été plus nombreux que les mobilités géographiques (lire p. 23). Chez Sita France, une centaine de salariés devaient changer de lieu de travail – dans la limite des 130 km prévus par l’accord – dans le cadre d’un projet de rapprochement des directions régionales. 70 % ont été repositionnés en interne, mais pas forcément sur les postes prévus : pour la majeure partie d’entre eux, il s’est agi d’un reclassement sur le même bassin d’emploi, au sein d’autres entreprises du groupe Suez Environnement. Comment, dès lors, pallier les risques de perte de savoir-faire et de désorganisation des services transférés ? « Il faut se donner des délais, le temps d’organiser, au cas par cas, les recrutements nécessaires, répond Faroudja Kicher. Ainsi, nous avons établi un calendrier pour que le rythme des départs des salariés qui quittaient l’entreprise soit compatible avec la continuité des services. »

COMPROMIS AVEC LES ORGANISATIONS SYNDICALES

Remplacer les salariés partants est d’autant plus sensible que cela fait bien souvent partie du compromis avec les organisations syndicales signataires. Celles-ci, généralement, engagent leur signature pour deux raisons principales : l’égalité d’accès aux mesures d’accompagnement, si possible leur renforcement, et le sentiment que, lorsque la réorganisation est inévitable, l’accord s’avère la solution “la moins pire”, par rapport à un PSE, notamment. À condition toutefois d’avoir suffisamment de garde-fous, insiste Franck Pramotton, le délégué syndical central CFDT d’Oracle. Son syndicat n’a pas signé l’accord GPEC, pas tant à cause de son contenu que de ses doutes concernant sa mise en œuvre : « Nous craignons un ciblage des personnes : comment choisira-t-on au sein des services les postes concernés ? Quelles chances donnera-t-on au reclassement interne, pour éviter les licenciements ? Sur ces points, l’accord ne donne pas assez de garanties. Nous demandions notamment à ce que le CE soit présent dans la commission de suivi, et l’assurance que les postes ouverts dans l’entreprise soient réservés à la mobilité interne, avant d’être ouverts au recrutement externe. »

Pour sa part, Thierry Panetier, délégué syndical central CGT de MMA, non signataire, estime qu’en « supprimant la notion de volontariat dans la mobilité, le texte a rendu les emplois instables. Désormais, toutes les réorganisations, même les plus modestes, peuvent être traitées par le biais de cet accord et donc, potentiellement, donner lieu à des licenciements ». Chez Sita France, Frédéric Denarnaud, coordinateur CGT de l’instance nationale de dialogue, et signataire de l’accord, rappelle qu’il ne s’agit toutefois que d’une première étape : « Pour nous, ce texte ne doit pas être la porte ouverte à la mobilité tous azimuts. Nous ferons le bilan à la fin de sa période de validité. » Rendez-vous est pris en 2016, quand la renégociation des accords sera à l’agenda de ces entreprises “pionnières”.

Auteur

  • É. S.