logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

ZOOM

Des accords de branche PLUTÔT LÉGERS

ZOOM | publié le : 03.02.2015 | Nicolas Lagrange

Image

Des accords de branche PLUTÔT LÉGERS

Crédit photo Nicolas Lagrange

Recrutements prévisionnels, proportion d’alternants et de seniors, nouveau dialogue économique… Le Pacte de responsabilité se construit timidement dans la plupart des branches professionnelles, au travers d’accords de portée limitée.

« Un rythme encore trop lent. » Alors que François Hollande exhorte les organisations syndicales et patronales à « accélérer la marche », le nombre d’accords de branche autour du Pacte de responsabilité progresse désormais plus rapidement après des débuts très poussifs. Passant de cinq début décembre à une douzaine fin janvier, onze mois après la signature du relevé de conclusions entre les organisations patronales, la CFDT et la CFTC au plan national.

« Le mouvement va s’amplifier, assure Jean-François Pilliard, vice-président du Medef. Il faut bien voir que les réductions de charges à destination des entreprises ont été votées par le Parlement en juillet 2014 seulement et sont étalées dans le temps. De nombreuses branches sont en train de conclure. » Des négociations qui doivent décliner la logique du “donnant-donnant” du Pacte de responsabilité : près de 41 milliards d’euros de réductions d’impôts et de charges en faveur des entreprises d’ici à 2017 contre des engagements quantitatifs et qualitatifs en matière d’emplois (lire p. 8).

Métallurgie : 42 000 apprentis en 2016

Que contiennent précisément les premiers accords de branche ? Comme souvent, la métallurgie (1,5 million d’emplois) fait figure de bon élève : mise en œuvre d’un dialogue économique, à commencer par l’estimation des allègements de charges pour la branche, actualisation des études prospectives en matière d’emplois, de métiers et de compétences, accord sur le développement de l’alternance en octobre dernier. Objectif : 42 000 apprentis en 2016 (14 % de plus qu’en 2013), contre 40 000 initialement prévus dans l’accord contrat de génération de juillet 2013 ; puis 44 000 en 2018 et 46 000 en 2020. La branche veut atteindre 10 % de femmes apprenties contre 6 % aujourd’hui et un taux d’embauches en CDI de 65 % pour les apprentis et pour les contrats de professionnalisation, contre 58 % et 60 % aujourd’hui, « si les conditions économiques le permettent ». « C’est une première étape, affirme Jean-François Pilliard, par ailleurs délégué général de l’UIMM. En 2015, nous regarderons quelles sont les conséquences de la deuxième tranche de baisse de charges qui doit intervenir au 1er janvier 2016 et qui concerne plus directement nos secteurs. » Faute de pouvoir envisager des créations nettes d’emplois, en raison de la conjoncture dégradée, la plupart des branches professionnelles font de la promotion de l’alternance leur principal levier dans les négociations. C’est notamment le cas dans les services de l’automobile, où le texte a été signé par FO, pourtant hostile au Pacte au plan national. Dans le secteur des carrières et matériaux, les objectifs relatifs à l’alternance ont été également renforcés et les partenaires sociaux y ont ajouté un abondement du CPF pour les personnels non qualifiés. Les organisations patronales sont d’autant plus volontaristes sur l’alternance que le quota passe de 4 % à 5 % de l’effectif cette année dans les entreprises de 250 salariés et plus. Quant aux objectifs relatifs à l’emploi des seniors, ils sont souvent plus timorés.

Assurances : embauche de jeunes éloignés de l’emploi

« La négociation autour du Pacte de responsabilité doit d’abord concerner ceux qui ne sont pas dans l’emploi, contrairement aux négociations classiques », estime Luc Mathieu, secrétaire général de la CFDT banques-assurances. L’accord signé début décembre dans les assurances prévoit le recrutement d’ici à 2017 de 5 000 alternants, contre 3 800 aujourd’hui, ainsi qu’une hausse de 20 % des embauches de jeunes éloignés de l’emploi. « C’est essentiel, notamment parce que le secteur est caractérisé par une surqualification importante », relève-t-il.

Pour autant, les négociations patinent dans nombre de branches professionnelles. « Nous n’avons pas eu d’estimation sur le montant des allègements de charges pour le bâtiment et le projet d’accord ne contient aucun engagement, dénonce Frédéric Mau, un des secrétaires fédéraux de la CGT construction. La multitude de salariés en invalidité aurait exigé que l’on parle des conditions de travail, de passerelles, de reclassements. » En fait, le texte prévoit la création d’un comité du dialogue économique et de l’emploi, à réunir une fois par an. Pour le reste, il rappelle surtout les accords déjà signés et met en avant la nécessité de mieux communiquer sur tous les dispositifs existants.

Les rapports entre donneurs d’ordre et sous-traitants, la recherche et le développement, les priorités d’investissement… autant de sujets cruciaux, le plus souvent absents des discussions dans les branches. Dans le secteur des banques commerciales, « il y a une vraie difficulté des organisations patronales à évoquer les enjeux stratégiques, juge Régis Dos Santos, président du SNB-CFE-CGC. Comment vont évoluer les modes de consommation, les horaires d’ouverture, les réseaux bancaires, le profil des conseillers ? On ne se pose pas les questions essentielles et le projet d’accord ne contient rien sur les conditions de travail. » « Que dire de la promesse d’ouvrir une autre antenne de médecine du travail pour notre profession ? C’était prévu dans un accord signé en 2012, et cela, sans les aides du Pacte de responsabilité », fustige de son côté dans un communiqué Sébastien Busiris, secrétaire fédéral de FO Banques. Après avoir mis son projet d’accord à signature jusqu’au 21 janvier, l’AFB est contrainte à une nouvelle séance de négociation le 9 février. Dans le texte proposé, comme dans plusieurs autres, difficile d’y voir clair sur la portée des objectifs fixés. Exemple, avec l’objectif de 40 000 recrutements d’ici à trois ans : quelle est la tendance naturelle des recrutements, hors pacte ? Quelle ventilation entre CDI, CDD et alternants ? Pas de précision sur ces points.

Objectifs non contraignants

Les détracteurs des accords de branche mettent aussi en avant l’absence de véritables engagements, au profit d’objectifs non contraignants qui, de surcroît, ne lient pas les entreprises. « Dans la métallurgie, nous pouvons compter sur nos chambres syndicales locales, sur Opcaim et sur le dialogue au sein des entreprises pour mettre en place des plans d’actions adaptés », assure Jean-François Pilliard. Mais que se passera-t-il dans les branches moins bien pourvues ? Les entreprises vont-elles mettre en musique les souhaits des branches ? Si oui, comment ? Résultat, la logique du “donnant-donnant” paraît bien peu présente. Mais pouvait-il en être autrement dans une conjoncture morose ?

Principal soutien syndical du Pacte de responsabilité, la CFDT souligne qu’il ne faut pas se focaliser sur un chiffre de créations d’emplois, mais apprécier les avancées réalisées dans chaque branche, en fonction de sa problématique propre, en matière d’emploi des jeunes et des seniors, d’anticipation des compétences et d’employabilité. Peut-être les impacts doivent-ils, dès lors, être appréhendés sur le moyen terme… Reste qu’ils seront difficiles, voire impossibles à quantifier. Car quelle qu’elle soit, l’évolution quantitative et qualitative des emplois sera étroitement associée au Pacte pour ses promoteurs, uniquement liée à la conjoncture pour ses adversaires…

Onze accords de branche signés

Onze accords de branches ont été signés, dont 9 dans les 50 plus grosses branches, représentant 4 millions de salariés : chimie, métallurgie, assurances, industrie textile, carrières et matériaux, propreté, services automobiles, transports urbains, bureaux d’études et SSII, architectes, restauration rapide.

Il reste 41 grosses branches non couvertes, regroupant 7 millions de salariés.

Réductions de charges contre engagements sur l’emploi

Le CICE a allégé de 4 % puis de 6 % (à partir de janvier 2015) les charges des entreprises sur les salaires inférieurs à 2,5 smic. À partir du 1er janvier 2016, les cotisations famille seront abaissées de 5,25 % à 3,45 % pour les salaires compris entre 1,6 et 3,5 smic. La C3S, payée par environ 300 000 entreprises, sera supprimée progressivement d’ici à 2017 et la contribution exceptionnelle sur l’impôt sur les sociétés sera supprimée en 2016.

Le gouvernement attend du Pacte de responsabilité un demi-point de croissance supplémentaire à l’horizon 2017 et 200 000 créations nettes d’emplois.

Le relevé de conclusions du 5 mars 2014 sur le Pacte de responsabilité entre partenaires sociaux prévoit, dans les branches professionnelles, des objectifs quantitatifs et qualitatifs en termes d’emploi : globalement (niveau de recrutement, de création ou de maintien), au niveau des jeunes (notamment en alternance) et au niveau des seniors.

Les branches doivent travailler sur le développement des compétences et des qualifications de leurs salariés et, à moyen terme, « prendre en compte cette montée en compétences dans le cadre de leur négociation sur les classifications ».

Auteur

  • Nicolas Lagrange