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Sur le terrain

RETOUR SUR… L’accord seniors de Carrefour Hypermarchés France

Sur le terrain | publié le : 20.01.2015 | Hubert Heulot

Signée en 2009, la disposition phare du texte – des horaires réduits en fin de carrière – profite à 10 % des salariés de plus de 54 ans de l’enseigne. Celle-ci estime que son accord seniors est une réussite. Les syndicats en sont moins sûrs.

« Carrefour a réinventé la préretraite pour ses propres salariés ! » Ange Ciappara, le responsable des relations sociales de Carrefour Hypermarchés France, s’amuse de ce qu’il a créé le 25 septembre 2009. Ce jour-là, il a signé, avec les syndicats FO, CFDT, CFE-CGC et CFTC (mais pas la CGT) un accord seniors où est mis en place ce qu’il chérit depuis comme son « bébé »: une possibilité pour les salariés de plus de 54 ans des 191 hypermarchés Carrefour de France (64 200 salariés en 2011 ; 61 373 en 2013) de terminer leur carrière en horaires réduits - 32, 28, 25 ou 21 heures hebdomadaires au lieu de 35.

Le temps de travail peut être regroupé sur un nombre limité de jours, par exemple 25 heures sur quatre jours, 21 heures sur trois jours. Pour compenser en partie la perte de salaire, une indemnité forfaitaire est versée aux intéressés. Elle s’établit entre 810 et 3 239 euros brut annuels la première année, entre 535 et 2 138 euros brut les années suivantes. Pour les cadres, le forfait-jours peut diminuer de 215 à 193 jours, la prime de compensation étant de 2 % de la rémunération brute annuelle. Dans tous les cas, Carrefour France verse les cotisations sociales sur l’équivalent d’un temps plein.

Accompagnement vers la retraite

Outre l’entretien de seconde partie de carrière et un bilan de carrière senior, sur le mode bilan de compétences, l’accord offre par ailleurs aux aînés, avant leur départ, une formation sur les lois et les institutions régissant la retraite. Ils sont accompagnés par l’entreprise dans la constitution de leur dossier. Et peuvent mobiliser leur compte épargne-temps pour racheter des cotisations d’assurance vieillesse.

Cet accord seniors n’a plus été renégocié, mais il a été intégré, en 2013, dans le nouvel accord sur le contrat de génération (qui comprend un volet pénibilité). Ce qui a donné lieu à un premier bilan en 2012, avant que direction et organisations syndicales se rassoient autour de la table. Entre 2010 et 2012, 537 salariés seniors ont profité du dispositif et réduit leur temps de travail. Ange Ciappara complète : « Depuis 2010, 600 salariés en moyenne ont signé chaque année. Ce qui constitue 10 % de la population concernée, les plus de 54 ans représentant 5 900 personnes dans l’entreprise. » Pour lui, le temps partiel seniors fait désormais partie du « socle social des hypermarchés Carrefour ».

L’avis des syndicats, même parmi ceux qui sont signataires, est plus mitigé. Serge Corfa, délégué central CFDT, n’est pas satisfait des chiffres obtenus : « Cet accord, c’est comme les accords égalité hommes-femmes ou handicap, qui peuvent être bien ficelés au départ mais extrêmement difficiles à faire vivre dans les magasins. » Edwige Bernier, déléguée centrale adjointe pour la CFDT, confirme : « Ça n’a pas fonctionné. Il était de la responsabilité de l’employeur de faire connaître l’accord dans les magasins, ce qui n’a pas été fait. »

À l’usage, Serge Corfa constate que seuls une minorité de salariés « qui ont les moyens » sont intéressés par le temps partiel seniors : ceux qui, grâce au meilleur revenu du conjoint, peuvent rogner sur leur salaire déjà faible. Raison pour laquelle, d’ailleurs, la CGT n’avait pas signé. « C’est un texte a minima, trop faible, avec des compensations salariales dérisoires, parce qu’à 54 ans, on est usé dans la grande distribution ! » explique Claudette Montoya, déléguée centrale CGT. Le seul point vraiment positif à ses yeux a été obtenu, en dehors du temps partiel seniors, lors de la négociation de 2013 : les salariés de plus de 58 ans ne sont désormais plus tenus qu’à deux nocturnes par mois au lieu de trois précédemment, au titre de la prévention de la pénibilité.

2 % de seniors dans les recrutements

Le texte de 2013 double aussi l’objectif d’emploi des salariés de 45 ans et plus par rapport à celui de 2009. Cette population doit représenter 2 % de l’ensemble des recrutements, dont 1 % de plus de 50 ans : « Des objectifs réalistes compte tenu de la réalité économique et du marché du travail », précise Ange Ciappara. Et d’autant plus notables qu’ils apparaissent à contre-courant. Carrefour France a en effet diminué les embauches ces dernières années. Elles sont, par exemple, passées de 18 830 en 2010 à 12 987 en 2012. « 10 000 salariés en moins dans les magasins en dix ans, résume Serge Corfa. Nous n’en pouvons plus. Nous en sommes à faire grève pour réclamer des bras. La direction multiplie les engagements, mais nous savons d’expérience qu’elle ne les respecte pas. »

L’accord contrat de génération prévoit donc, à la différence de l’accord seniors de 2009, une série de critères de suivi : nombre d’embauches de salariés de 45 ans et plus, de collaborateurs ayant eu leur entretien de seconde partie de carrière, ayant effectué un bilan de carrière senior, ayant postulé pour devenir tuteur d’un jeune embauché, etc. Sans oublier le nombre des 54 ans et plus ayant opté pour le temps partiel seniors. Ce suivi doit être effectué tous les six mois dans chaque établissement et discuté tous les ans devant la commission nationale emploi et les comités centraux d’entreprise. D’après les syndicats, le processus de contrôle n’a pas encore commencé. Ange Ciappara indique simplement que « l’accord signé en octobre 2013 est en cours de déploiement dans l’ensemble des magasins ».

Auteur

  • Hubert Heulot