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L’INTERVIEW : FRANK WISMER AVOCAT ASSOCIÉ AU CABINET FROMONT BRIENS

L’enquête | L’INTERVIEW | publié le : 20.01.2015 | H. T.

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L’INTERVIEW : FRANK WISMER AVOCAT ASSOCIÉ AU CABINET FROMONT BRIENS

Crédit photo H. T.

Quelles sont, selon vous, les particularités du compte épargne-temps (CET) ?

Le CET présente une double originalité : d’une part, sa réglementation n’a quasiment pas évolué depuis 2008, année de la création des passerelles vers le Perco et l’article 83 – une stabilité qui, dans le domaine du droit social, est suffisamment rare pour être signalée. D’autre part, créé en 1994 comme un pur outil de gestion du temps de travail et qui, avec de nouveaux modes d’alimentation et la monétarisation, est aussi devenu un moyen de se constituer une épargne monétaire, le CET s’est aussi simplifié avec le temps, ce qui représente une évolution à contre-courant du droit social en général ! Les quelques articles afférents à ce système (L. 3151-1 et suivants du Code du travail) organisent un dispositif d’essence libérale, puisqu’il laisse aux partenaires sociaux chargés de négocier une convention ou un accord collectif relatif au CET toute latitude pour fixer les “tuyaux d’alimentation et de sortie” du compte.

C’est donc un champ de liberté ?

Il y a des DRH qui l’ignorent, car beaucoup ont encore en tête les premières générations de CET. Mis en place sans recul, certains de ces premiers dispositifs se sont avérés des machines à créer du passif social. Ce que n’apprécient guère les directions financières, contraintes pour certaines par les normes internationales de constituer les provisions afférentes aux droits portés dans les CET. Il faut savoir intégrer cette question et prévoir des “pare-feu” qui permettent de limiter ces effets indésirables. Mais ce n’est pas parce que ce dispositif est libéral qu’il est simple pour autant : la liberté est complexe. Il faut tenir compte du fait que la source d’alimentation a une incidence sur le traitement fiscal et social à la sortie [lire l’encadré p. 22]. L’entreprise peut ensuite indexer les droits contenus dans le CET comme elle le souhaite, fixer ou non une durée de maintien des droits, en fonction ou non de la nature du dépôt, etc. Elle peut également envisager des modalités d’alimentation et d’utilisation différentes selon l’âge. Permettre, par exemple, aux plus de 50 ans d’épargner davantage de jours pour financer un passage à temps partiel – dans le respect des principes de non-discrimination liés à l’âge régis par les articles L. 1132-1 et L. 1133-2 du Code du travail. L’abondement de l’employeur peut aussi guider les différentes utilisations du CET. Comme souvent, plus le dispositif est sophistiqué, plus il est délicat à gérer et à expliquer aux salariés.

La loi favorise surtout les transferts entre CET et véhicules retraite.

Si j’osais, je dirais que ces transferts induisent une forme de “blanchiment légal” de la rémunération. Les sorties du CET sont normalement soumises à charges sociales et à impôts, comme le salaire. Sauf lorsque les droits sont utilisés pour alimenter un Perco ou contribuer au financement de prestations de retraite supplémentaire qui revêtent un caractère collectif et obligatoire, de type article 83. Dans ce cas, les droits non issus d’un abondement bénéficient d’une exonération fiscale et sociale dans la limite de dix jours par an, alors qu’elle s’applique, dans la plupart des cas, à des versements correspondant à des JRTT ou des congés payés devant supporter, de prime abord, impôt et charges ! Ces passerelles sont avantageuses pour les salariés comme pour les employeurs, même si ces derniers y voient surtout le moyen de dégonfler les CET. Mais il n’est pas facile d’expliquer aux salariés toutes ces problématiques fiscales et sociales, qui vont surtout intéresser les cadres ayant un compte bien rempli et une réflexion sur la retraite. La communication est un point crucial. Ce qui nécessite beaucoup de temps et d’énergie.

Auteur

  • H. T.