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LA CHRONIQUE JURIDIQUE D’AVOSIAL

Chronique | publié le : 13.01.2015 | ANGÉLINE DUFFOUR, ANNA MILLERET-GODET

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LA CHRONIQUE JURIDIQUE D’AVOSIAL

Crédit photo ANGÉLINE DUFFOUR, ANNA MILLERET-GODET

Cession d’entreprise et information préalable des salariés : les écueils de la loi

Depuis le 1er novembre 2014, conformément à la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 (dite loi Hamon), à son décret d’application et au guide pratique du ministère de l’Économie, les employeurs de moins de 250 salariés ont l’obligation d’informer leurs salariés de tout projet de cession de leur entreprise (cession de fonds de commerce ou cession de plus de 50 % du capital social), sous peine de nullité de la vente réalisée.

L’objectif annoncé de cette loi est de faciliter la reprise des entreprises par les salariés pour éviter in fine la disparition de certaines d’entre elles faute de repreneur.

Malgré la publication mi-décembre 2014 par Bercy de questions-réponses, cette mesure continue de susciter de vives critiques, tant dans son principe, considérant qu’elle est sans effet pour les salariés, que dans ses modalités d’application, lesquelles restent incertaines et source d’insécurité juridique.

Ci-dessous un bref rappel des principales incohérences et zones d’ombre toujours en suspens :

1. Incertitudes et incohérences quant aux opérations concernées. Bien que l’obligation d’information des salariés ne s’applique qu’aux cessions directes, la question de son application aux cessions indirectes devra être clarifiée, les juges pouvant considérer, comme en matière d’information-consultation du comité d’entreprise, que l’interposition d’une société holding sans salarié ne dispense pas l’employeur de respecter ses obligations.

En outre, une exclusion des cessions intragroupe paraît souhaitable, compte tenu de l’objectif poursuivi par la loi.

2. Incertitudes quant au moment de l’information.

Dans les entreprises de moins de 50 salariés, l’obligation d’information doit être réalisée deux mois avant la cession, entendue comme la date de transfert de propriété. Une lecture stricte des textes conduit à ce jour à valider une information des salariés effectuée après la signature du contrat de cession (signing) dès lors qu’elle est intervenue deux mois avant sa réalisation effective et le transfert de propriété (closing), alors que l’on sait pertinemment qu’une offre présentée dans ce cadre sera nécessairement sans effet.

Par ailleurs, le délai de deux mois ne courant qu’une fois l’ensemble des salariés informés, il est nécessaire, surtout dans les entreprises dont l’effectif est susceptible de varier rapidement (par exemple, dans le secteur hôtelier, via des contrats d’extras), que cette information soit effectuée simultanément auprès de tous les salariés afin d’éviter que des embauches, pendant le processus d’information, ne viennent reporter le point de départ de ce délai.

3. Incohérences quant aux modalités de cette information.

Alors que, parmi les différents modes de transmission de cette information figure le courrier recommandé avec avis de réception pour lequel on retient généralement comme date d’effet la date de première présentation, les textes retiennent ici la date de retrait, obligeant de ce fait l’employeur, face à des salariés peu coopératifs, à recourir à une notification par huissier, ce qui peut s’avérer lourd et coûteux en cas d’opposition collective des salariés.

S’agissant du contenu de l’information, si les textes ne visent qu’une information a minima portant uniquement sur la volonté de céder et la possibilité pour les salariés de présenter une offre d’achat, on voit mal comment un salarié serait en mesure de formuler une offre de rachat crédible sans disposer des informations relatives au fonctionnement, à la comptabilité ou à la stratégie de l’entreprise.

4. Incohérence quant à la gravité de la sanction.

La sanction de la nullité de la vente paraît extrêmement sévère au regard de l’objectif poursuivi par la loi. Une réflexion sur ce point s’impose donc également.

Si l’obligation d’information des salariés en cas de cession obéit, à l’origine, à un objectif louable, sa mise en œuvre dans la loi Hamon ne tend cependant qu’à alourdir les opérations d’acquisition déjà complexes. Les efforts du ministère de l’Économie pour en préciser les contours (dont personne ne connaît aujourd’hui l’efficacité) ne font que souligner l’inadéquation du dispositif aux réalités économiques.

Auteur

  • ANGÉLINE DUFFOUR, ANNA MILLERET-GODET