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DANS L’AÉRONAUTIQUE les parcours partagés d’apprentissage PRENNENT LEUR ENVOL

Zoom | publié le : 23.12.2014 | V. Grasset-Morel

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DANS L’AÉRONAUTIQUE les parcours partagés d’apprentissage PRENNENT LEUR ENVOL

Crédit photo V. Grasset-Morel

Les parcours partagés d’apprentissage, créés au printemps 2012, connaissent un développement relatif avec quelque 300 jeunes concernés dans la filière aéronautique. D’autres industries commencent à s’y intéresser.

« L’apprenti en parcours partagé d’apprentissage (PPA) n’est pas un ingénieur en cravate », insiste Mikel Echeverria, sous-traitant à Hendaye (Pyrénées-Atlantiques) du groupe Sogerma, spécialisé dans l’usinage de précision de pièces mécaniques pour l’industrie aéronautique. Le ton est donné. En partageant leur temps d’apprentissage entre leur employeur donneur d’ordres et une entreprise partenaire (sous-traitante, fournisseur ou cliente), ces jeunes enrichissent leur parcours d’une expérience de terrain, « ce qui leur apporte une excellente formation », poursuit le dirigeant de la PME de 20 salariés.

La formule du parcours partagé d’apprentissage a été créée par un décret du 2 mai 2012 à l’initiative du comité stratégique de la filière aéronautique, composé de représentants de l’État, d’entreprises, du Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (Gifas) et des syndicats de salariés. Le PPA est un parcours sur mesure formalisé par une convention tripartite (employeur, entreprise d’accueil, jeune) qui prévoit un temps de présence dans une entreprise partenaire (maximum 50 % de la durée du contrat).

Le projet pédagogique est coconstruit entre les deux entreprises, le centre de formation d’apprentis (CFA) et le jeune concerné.

Aide au recrutement

Après une phase d’explication et de communication menée par le Gifas, les groupes Safran, Thales, Airbus, Dassault, Sogerma ont adopté cette démarche. À ce jour, environ 300 jeunes sont entrés dans le dispositif, dont une majorité sont qualifiés : 59 % ont un bac + 4 ou 5, 8 % un bac + 3, 23 % un bac + 2 et 10 % un bac professionnel.

« L’idée du PPA est partie de la volonté d’aider les sous-traitants qui avaient des difficultés à recruter », se souvient Claude Bresson, directeur des affaires sociales et de la formation au Gifas. Ce dispositif permet aux PME de développer leur notoriété et leur attractivité auprès des futurs diplômés, de former de potentiels collaborateurs, de partager l’investissement formation avec les grandes entreprises (durée, tutorat, coût…). « Dans notre petite entreprise, nous n’aurions pas pu nous offrir un ingénieur sur l’amélioration continue sans ce dispositif. Nous n’avons ni les moyens ni le temps », note Mikel Echeverria, qui accueille dans ses locaux, depuis l’été dernier une apprentie ingénieure, détachée du groupe Sogerma. Pour attirer les entreprises, « il a fallu mettre des “sucreries” dans la demande, confirme Claude Bresson, en garantissant aux grandes entreprises la maîtrise d’œuvre totale de l’opération tout en leur demandant de supporter l’intégralité de la charge financière – le salaire et les coûts annexes : transport, logement – au nom de leur responsabilité sociétale ».

Dans ce dispositif à l’accent “gagnant-gagnant”, les grandes entreprises trouvent l’occasion d’améliorer la formation de leurs apprentis en développant leur culture PME, et d’échanger des bonnes pratiques avec leurs fournisseurs. Le PPA permet également de « renforcer le lien entre l’équipe RH et l’équipe achat en relation avec les fournisseurs », décrit Philippe Enjelvin, DRH du groupe Sogerma (trois ingénieurs en PPA depuis novembre 2012).

Convaincre les PME et les jeunes

Il a fallu cependant vaincre les réticences de certains sous-traitants. « Les PME ne sont pas forcément outillées pour mettre en place un tutorat. Et puis, certaines entreprises se sont étonnées de notre démarche. Il a fallu les convaincre que le PPA n’était pas un moyen de contrôle. La règle d’or est de ne rien imposer au fournisseur », témoigne Catherine Buche-Andrieux, responsable relations campus groupe chez Safran (60 PPA engagés, 30 signés).

Les jeunes ne sont pas non plus conquis d’emblée. « Certains viennent avant tout chez Safran dans l’espoir d’intégrer un grand groupe. Il n’est pas évident de les convaincre d’effectuer une partie de leur apprentissage au sein d’une PME », remarque la responsable de Safran. L’entreprise valorise alors le PPA : « C’est une chance de travailler dans un grand groupe et d’avoir également une partie de sa mission effectuée chez l’un de ses fournisseurs, détaille-t-elle. Le jeune acquiert une double employabilité. Il aura plus de chance de trouver un emploi au terme de son apprentissage. »

Approches collaboratives

Le PPA poursuit son déploiement dans les entreprises de l’aéronautique et fait des émules au-delà. « Le secteur automobile avance sur cette question, ainsi que le secteur naval, le ferroviaire et le nucléaire », précise Claude Bresson. Ce dispositif figure également en bonne place de l’accord sur le développement de l’alternance dans la métallurgie du 21 octobre 2014.

Le texte prévoit d’assurer un suivi des PPA qui « favorisent les approches collaboratives entre maîtres d’œuvre et fournisseurs sur les besoins en compétences, et facilitent l’insertion de jeunes dans les PME en leur assurant un complément de formation pratique. »

Des approches métiers complémentaires

« Toutes les manières d’embaucher sont bonnes ! », s’exclame Damien Minot, dirigeant de la société Mecalab (ex-Vignot), une PME de mécanique de précision de douze personnes située à Oloron-Sainte-Marie (Pyrénées-Atlantiques), sous-traitant de Messier-Bugatti-Dowty (groupe Safran) qui fabrique des trains d’atterrissage. C’est par le Greta, qui a l’habitude de former ses salariés, qu’il a pris connaissance du dispositif de parcours partagé d’apprentissage (PPA). Le Greta l’a informé que Safran recherchait des entreprises acceptant de s’engager dans ce dispositif.

Des savoir-faire à préserver

Aujourd’hui, la société Mecalab accueille en PPA deux apprentis âgés de 25 ans, intégrés dans le cadre d’une reconversion professionnelle comme opérateurs, pour apprendre le métier de tourneur fraiseur sur machine à commande numérique. « Le PPA permet d’attirer des jeunes de tous horizons vers nos métiers fortement dévalorisés et dont les savoir-faire risquent de se perdre s’ils ne sont pas transmis », souligne Damien Minot. Les apprentis passeront trois mois chez lui, sur les deux ans de leur apprentissage, à raison d’une alternance de trois semaines ou quinze jours chez Safran, au Greta, chez Mecalab.

« C’est une expérience enrichissante pour eux. Ils ont accès à des technologies qu’ils ne voient pas chez Safran et découvrent un autre univers d’entreprise – petite taille, réactive, flexible, prise de décision rapide… », note Damien Minot. Et aborder le métier d’outilleur par la formation en alternance, cela donne un avant-goût de ce métier, qui « oblige à se former en continu ».

Auteur

  • V. Grasset-Morel